Promising Young Woman est le premier film d’Emerald Fennell et déjà ça force le respect. Fennell est actrice, scénariste et réalisatrice depuis quelques années, c’est la première fois que je vois son travail et dieu que je suis impressionné par le talent concentré dans ce premier film. Le postulat de départ est simple : Cassie, une jeune femme de tout juste 30 ans, passe ses nuits dans des bars en prétendant qu’elle est ivre morte pour attirer les hommes qui essaient de profiter d’elles. A travers ces quelques lignes le film se dessine déjà doucement dans votre tête. Et pourtant.
J’avais quelques craintes en allant voir le film : la première qu’il ne soit pas assez « méchant » et la deuxième qu’il s’essouffle, une fois le concept global posé. Dans les deux cas, il n’en est rien ! La violence dans Promising Young Woman est vraiment bien dosée car en totale cohérence avec son propos. Il aurait été infiniment facile de tomber dans ce qui aurait été le plus gros piège du film : juger Cassie. Or, ce sont ses interlocuteurs qui sont passés au radar et c’est là tout le propos du film : hommes ou femmes (et surtout hommes), pourquoi agissent tous aussi mal vis-à-vis d’une situation aussi horrible que celle dépeinte dans le film ? Pourquoi une telle violence est devenue banale ? Elle est là l’horreur. Car oui, certains ont vendus Promising Young Woman comme un film d’horreur, ce n’est jamais aussi vrai que lorsque la violence est rendue invisible, quand la part de réel que nous imaginons tous vient compléter le film. L’horreur, elle n’est jamais autant présente que dans la séquence qui suit un insoutenable travelling de plusieurs longues secondes, quand on se rend compte de la façon qu’à le monde de traiter la violence envers les femmes aujourd’hui. A ce niveau-là, Cassie est formidablement bien construite car elle est une pure anti-héroïne au sens premier du terme. Elle n’est jamais l’antagoniste du film, même quand elle commet des actes relativement violents, elle n’est pas le centre du monde, elle est le caillou qui va faire dérailler la machine. Et Fennell arrive parfaitement à s’amuser de la posture tantôt de victime, tantôt de femme dominatrice de son héroïne. La place donnée au hors-champ est parfaitement maitrisé, d’autant plus que c’est un film à tiroir où l’histoire se dessine petit à petit au long du long-métrage.
Quant à « l’essoufflement » que je craignais, c’est simple, il n’y en a pas. Il y a dans Promising Young Woman un mélange des genres qui fonctionne parfaitement. Quelque part entre le thriller, la comédie romantique et l’horreur, Emerald Fennell déroule ses séquences avec un rythme parfaitement fluide (soulignons le travail remarquable du français Frédéric Thoraval, monteur du film).
Je me rends compte en écrivant ces lignes que je suis absolument ravi d’avoir découvert ce film en salle. Il y a un sens du cinématographique qui est franchement impressionnant pour, encore une fois, un premier film. Le travail sur les nombreux gros plans est à noter, d’autant plus que le film est tourné en CinémaScope, de même pour le travail sonore (les claquements de portes qui implosent littéralement sont franchement impressionnants), et de même pour la musique (originale ou soundtrack). J’ai eu peur au début que la musique soit trop présente, mais au fur et à mesure du film elle s’atténue et se dose, pour gagner en impact dans ses dernières séquences, mention spéciale à Angel Of The Morning de Juice Newton, qui m’a foutu une belle claque à la fin du film.
Une note sur le cast : il est formidable. Carrey Mulligan est évidemment fabuleuse, comme toujours, mais à cela s’ajoute le charisme de Bo Burnham (dont la complexité du rôle rendait pourtant le personnage sûrement difficile à appréhender) et le talent d’Allison Brie, actrice trop rare mais si talentueuse, qui rayonne dans son rôle également assez complexe.
De par ses sujets traités comme de par sa mise en scène, Promising Young Woman est un pur film de son époque, que je vous encourage à voir et qui, je l’espère, saura se faire une place de film culte au fil du temps. C’est un film imparfait certes, mais si on me demandait un excellent film américain qui serait pleinement représentatif de notre époque, mes pensées iraient forcément vers cette perle cinématographique qu’à fabriqué Emerald Fennell. Chapeau bas. Foncez le voir.

MrRenton
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le 26 mai 2021

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MrRenton

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