Voilà une œuvre bien étrange, presque atypique, tellement le souvenir d’une démarche semblable semble vide. En 1998 Gus Van Sant se lance dans la réalisation d’un remake du ‘’Psycho’’ d‘Hitchcock. Inutile, mais pourquoi pas. Il va pour se faire il prend la notion de remake au pied de la lettre, au point de copier plan pour plan le film de 1960. Sur l’accompagnement musicale de Bernard Hermann, les mêmes scènes sont ainsi rejouées par d’autres acteurs, et en couleur.
Avec quelques éléments qui vont plus loin, comme le plan d’introduction, un long travelling aérien qui termine dans une chambre d’hôtel, qui était en fait l’idée d’Hitchcock, mais il n’avait pas les moyen technique nécessaire à l’époque. Ou encore la déviance sexuelle de Norman Bates, qui est ici un voyeur aimant s’astiquer en regardant des femmes prendre leurs bains.
À part ça, le film est une redite au plan près. Lorsqu’il a été demandé à Gus Van Sant pourquoi il avait fait ça, il a simplement répondu : ‘’Comme ça personne d’autre n’aura à le faire’’. Mouais, peu convainquant comme réponse. La démarche est vraiment étrange et artistiquement c’est difficile de vcomprendre où c’est une prouesse de refaire un film à l’identique.
Sur le plateau le réalisateur passait inlassablement les scènes du film d’Hitchcock pour que ses comédiens et l’équipe technique s’en imprègne pour les refaire. A l’identique. Ce qui fait de ce ‘’Psycho’’ version 1998 une œuvre totalement vaine, à peine vue, à peine oubliée, puisque le film ne parvient pas à la virtuosité du premier. C’est là un détail d’importance : refaire un film à l’identique ne ravive pas la flamme novatrice d’une œuvre sortie à une époque bien précise.
Rien ne semble adapté aux années 1990, ce qui témoigne d’un étrange parti pris.
Certaines personnes, comme Quentin Tarantino, ont crié au génie, lui ira même jusqu’à dire qu’il préféré cette version à celle d’Hitchcock. Mais le publique et la critiques, moins provocateurs, ont dans l’ensemble été déstabilisés. Car il est préférable de revoir l’original au lieu de suivre une pâle copie, ne parvenant jamais à atteindre la profondeur de son modèle.
Du fait, le récit se déroule, et en tant que spectateur/rices avertis, ayant vu l’original, et bien on peut aisément deviner tout ce qui va se passer. Il n’y a aucune surprise, aucune attente, juste un ennuie poli qui se met en place. Oui, certes les images en couleurs sont très belles, mais le Noir et Blanc d’Hitchcock apportait une profondeur au récit. Puisqu’il est d’une ambiance Noir au possible. Ici c’est clair, c’est propre, c’est bien rejoué. Ni audace, ni folie.
C’est difficile d’aimer une production de la sorte, et en même temps la rejeter c’est nier son existence, alors qu’il y a derrière cette tentative de remake littéral une véritable démarche artistique. Le titre aurait pu être ‘’Ceci n’est pas ‘’Psycho’’ ‘’, à la Magritte, tellement l’objet qui passe devant nos yeux est difficile à cerner. Il se passe alors une réaction, qui est de se laisser happer par une forme de fascination, et essayer de faire attention aux différences entre les deux films, pour prendre son mal en patience.
Dès lors cela devient une vraie expérience de cinéma, où tout n’est pas à jeter en bloc. Il se cache derrière ce ‘’Psycho’’ à la sauce 1998, au-delà du simple hommage, comme une volonté de mettre en place une sorte de constat d’échec d’Hollywood. L’œuvre devient ainsi complétement méta, et par le faux semblant, la contrefaçon, réussi à allier à la fois sa démarche questionnable, avec le comportement de Norman Bates, lui aussi une contrefaçon.
Il est vraiment perturbant de voir Vince Vaughn en Norman Bates, reprenant la gestuelle, les mimiques et la manière de s’exprimer d’Anthony Perkins. C’est d’autant plus étrange lorsqu’on se penche sur cette idée de rip-off volontaire, visant une industrie qui à la fin des années 1990 peine à se renouveler. Proposant des Blockbusters écervelés, calqués sur les mêmes schémas.
Peu avant ‘’Psycho’’ ‘98, en 1996 est sorti ‘’Scream’’ de Wes Craven. Une œuvre méta, pensée dans son exégèse, et dans ce qui est montré à l’écran, comme un Slasher se déroulant dans un monde où les protagonistes sont familiers du genre, en connaissent les codes, ainsi que les limites. Ils mettent en place des stratégies de winner du Slasher, pour échapper à deux tueurs eux-mêmes sortis directement d’un Slasher.
C’est d’ailleurs ça qui est le plus fun dans ‘’Scream’’, c’est comme regarder un film qui se passe dans un film qui se déroule dans le film. Une réflexion qui ira encore plus loin avec le 2, et sera poussée à l’extrême, en atteignant les limites avec le 3. Pour se renouveller magistralement avec le 4 (à considérer comme l’un des meilleurs Slasher des années 2010).
La période est ainsi propice à ce type de réflexions sur le genre, avec en plus un recul certain. La mode du Slasher n’a pas passée la barre des années 1990, et s’essouffle complétement en 1989. Les tentatives qui suivront, jusqu’à ‘’Scream’’, seront souvent médiocres, des échecs successifs liés au fait que la production peine à se renouveler, en proposant sans arrêt la même chose. C’est devenu laçant.
En 1996 le Slasher connaît donc un revival, qui ouvre la voie à une nouvelle mode, qui s’essouffle au début des années 2000 avec ‘’Scream 3’’. d’une qualité inférieure aux précédents, Ce film boucle un peu ce renouveau, symbolique des Slashers du moment. Placer ‘’Psycho’’ dans cette continuité, sachant que l‘originale a participé à développer et populariser les règles qui deviendront celle du Slasher, c’est reconnaître à Gus Van Sant de s’être autorisé une réflexion méta, un peu capilotracté, sur l’anatomie même du Slasher.
Une sorte de retour aux sources d’un genre sur le retour. Hyper populaire dans les eighties, il connaît une sorte de maturité dans les années 1990. Et l’œuvre de Van Sant est clairement le résultat d’un travail acharné de la part d’un metteur en scène qui cherche à rappeler que le cinéma est une succession de repompage en tout genre. Alors pourquoi ne pas refaire un film tel quel ? En faisant mine de n’avoir aucune imagination ?
Quelque part le pari est réussi, puisque ‘’Psycho’’ ne laisse pas indifférent. Il soulève des questions, sans cesse. Il est oubliable certes, comme œuvre cinématographique. Comme œuvre d’art, qui se place en reflet d’une époque, dont les exemple dans l’Horreur sont légion, et bien il faut admettre que c’est réussi. Même si un droit de réserve reste nécessaire. Parce que tout aussi bien c’est juste un gros foutage de gueule.


-Stork._

Peeping_Stork
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Slashers

Créée

le 22 févr. 2020

Critique lue 187 fois

Peeping Stork

Écrit par

Critique lue 187 fois

D'autres avis sur Psycho

Psycho
Star-Lord09
8

Art et Copiste font "Artiste"

L'expérience collective (en salle) puis individuelle (le cheminement intellectuel et émotionnel) d'un film devenu classique cristallise les émotions avant de finir en partage communautaire et...

le 15 avr. 2022

27 j'aime

14

Psycho
FrankyFockers
10

Critique de Psycho par FrankyFockers

Gus Van Sant est l'un des rares cas de cinéastes à avoir réussi son transfert à Hollywood, qui généralement broie les personnalités comme les cinéastes, pour au contraire s'affirmer comme un...

le 23 avr. 2012

25 j'aime

5

Psycho
Ugly
1

Remake honteux

Gus van Sant n'a visiblement aucune imagination, ou alors il est très paresseux, car quand on fait un remake, en général c'est pour donner une version un peu différente en tenant compte de l'époque...

Par

le 29 nov. 2020

22 j'aime

16

Du même critique

The Way Back
Peeping_Stork
10

The Way Back (Gavin O’Connor, U.S.A, 2020, 1h48)

Cela fait bien longtemps que je ne cache plus ma sympathie pour Ben Affleck, un comédien trop souvent sous-estimé, qui il est vrai a parfois fait des choix de carrière douteux, capitalisant avec...

le 27 mars 2020

16 j'aime

6

Gretel & Hansel
Peeping_Stork
6

Gretel & Hansel (Osgood Perkins, U.S.A, 2020, 1h27)

Déjà auteur du pas terrible ‘’I Am the Pretty Thing That Lives in the House’’ pour Netflix en 2016, Osgood Perkins revient aux affaires avec une version new-Age du conte Hansel & Gretel des...

le 8 avr. 2020

13 j'aime

2

The House on Sorority Row
Peeping_Stork
9

The House on Sorority House (Mark Rosman, U.S.A, 1982)

Voilà un Slasher bien particulier, qui si dans la forme reprend les codifications du genre, sans forcément les transcender, puisqu’il reste respectueux des conventions misent à l’œuvre depuis 3 ans,...

le 29 févr. 2020

10 j'aime