On ne pourra nier la volonté de Julia Kowalski de proposer quelque chose d’assez inédit dans le paysage cinématographique français. En effet, avec « Que ma volonté soit faite », la cinéaste entend mêler deux univers à priori aux antipodes l’un de l’autre. D’abord, on a un drame situé dans le monde agricole, comme pouvaient l’être « Au nom de la terre » et « Petit paysan » ainsi que tous ceux qui ont suivi après le succès de ce type d’œuvres rurales. Et c’est à un croisement avec le fantastique à tendance sataniste et religieuse, telles que le sont une palanquée de séries B, films d’horreur plus pointus ou essais du sérail indépendant international (« Antéchrist » au hasard), que l’on assiste. Même si le film de genre commence à être reconnu et produit dans l’Hexagone, on n’est pas encore au niveau des cousins espagnols, sud-coréens ou américains. Alors quand c’est en plus mixé avec un sous-genre sentant bon le terroir, on ne peut que saluer. C’est donc inusité sur les écrans et la tentative est assumée même si non dénuée de maladresses et inaboutie.


Une drôle d’impression nous traverse l’esprit durant toute la projection. On se demande ce que des cinéastes abonnés (en plus d’être adaptés et reconnus) pour ce type d’histoires tels que Ari Aster ou Robert Eggers, fers de lance de l’elevated horror, auraient pu faire d’un tel scénario. Ou même pour rester francophone, un Guillaime Nicloux ou un Fabrice du Welz. Kowalski semble en effet parfois dépassée par ce qu’elle filme et pas toujours en possession de tous ses moyens ou des nombreuses opportunités et possibilités qui s’offrent à elles. Et on le ressent notamment dans l’atmosphère qui aurait pu être bien plus soignée et surtout malaisante. Ici on n’est pas vraiment angoissé et l’ambiance dérangeante et putride que promettaient un tel postulat n’est pas vraiment au rendez-vous. Elle use de manière ostentatoire de certains codes périmés du film d’auteur mais oublie de nous faire peur, de nous déranger viscéralement et de confectionner le bel opéra macabre que le long-métrage aurait pu devenir. Même sur le versant du drame rural et agricole, « Que ma volonté soit faite » est exsangue et on frôle la simple utilisation d’un décor singulier pour illustrer le satanisme.


On aurait cependant tort de rester bloqué sur ces réserves. Le film parvient à extraire la sève presque littéraire du fantastique pur jus. Tout ici est sujet à interrogation et il n’y a aucune certitude sur ce que l’on voit et ce qu’il se passe véritablement. La frontière entre le surnaturel et les hallucinations et la psychose générale est bien entretenue. Les zones d’ombres et questions en suspens se fondent parfaitement dans ce type de sujet. Et si le côté anxiogène n’est pas là comme espéré, c’est tout de même poisseux et quelques visions imprègnent durablement la rétine comme cette déambulation finale nue dans le village. Une séquence qui nous apparait comme une gueule de bois hallucinatoire. On voit bien le parallèle fait avec la manière dont la sorcellerie et la différence étaient perçues dans le temps et qui semblerait ici toujours d’actualité. Nos suppositions perdurent après la projection et on la sensation intime qu’on a vu quelque chose d’audacieux et de courageux malgré les fautes de goût et les actes manqués. Une œuvre intéressante mais pas toujours pleinement maîtrisée et surtout avare en véritables frissons.


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JorikVesperhaven
6

Créée

le 17 oct. 2025

Critique lue 11 fois

Rémy Fiers

Écrit par

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