Ratatouille
7.3
Ratatouille

Long-métrage d'animation de Brad Bird et Jan Pinkava (2007)

« If you are what you eat, then I only want to eat the good stuff. » REMY

En 1998, Jan Pinkava décroche le précieux sésame, l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation, avec Geri’s Game, une mise en bouche exquise pour sa carrière. Fort de cette victoire, il se lance dans la préparation méticuleuse d’un long-métrage mijoté avec passion, une œuvre savoureuse relatant l’ascension d’un rat au sommet de la gastronomie. Tel un chef étoilé, il sélectionne avec soin chaque ingrédient narratif, affine les saveurs de son récit et pétrit son scénario avec acharnement. Il ne ménage pas ses efforts, travaillant au four et au moulin, peaufinant chaque détail pour offrir une œuvre aussi délicate qu’un soufflé parfaitement levé.

En 2006, un coup de théâtre aux allures d’amertume s’invite dans la recette : John Lasseter, fraîchement nommé directeur créatif chez PIXAR, rebat les cartes et écarte Jan Pinkava de son propre projet. Un coup dur, digne d’un plat brûlé en sortie de four, qui laisse un goût amer dans la bouche du réalisateur. Selon Lasseter, le projet de Pinkava ressemble à un menu trop chargé, gorgé de personnages et d’intrigues entremêlées, rendant l’ensemble indigeste. C’est une terrible déconfiture, un plat qu’il doit abandonner en cours de cuisson, laissant son rêve mijoter entre les mains d’un autre chef.

Brad Bird entre alors en cuisine, enfile la toque et prend les rênes du projet avec l’assurance d’un chef étoilé. Fort de son Oscar du meilleur film d’animation pour The Incredibles, il retravaille la recette pour la rendre plus savoureuse. Il se concentre sur le cœur du plat, en renforçant la relation entre Remy et Alfredo, réduisant les excès et sublimant les arômes narratifs. Il redonne également à Colette, personnage jusque-là sous-exploité, une place de choix dans la brigade, l’assaisonnant avec plus de caractère. Enfin, il retravaille l’esthétique des rats, diminuant leur humanisation pour les rendre plus crédibles et éviter l’effet d’un plat trop artificiel.

Pour peaufiner la mise en bouche narrative, Brad Bird s’entoure de Jim Capobianco, un scénariste qui ajoute sa touche d’épices au projet. Ce dernier concocte de son côté Your Friend the Rat, un amuse-bouche en 2D qui accompagnera la sortie du film, tel un apéritif destiné à éveiller l’appétit du public.

Malgré ce changement de chef en cuisine, un ingrédient essentiel reste inchangé : le titre. Brad Bird réussit à convaincre John Lasseter de garder Ratatouille, une appellation qui fleure bon la France, évoque la finesse culinaire tout en jouant sur le double sens avec son héros rongeur. Ce titre résonne comme une symphonie de saveurs, rappelant l’authenticité et la gourmandise, un clin d'œil au pays, notre pays, où se déroulera l’histoire.

En 2007, Ratatouille est enfin servi au grand public. Son accueil est digne d’un festin : une ovation gastronomique, une critique dithyrambique et un succès qui dépasse toutes les attentes. Comme un plat d’exception ayant mijoté avec soin, le film remporte l’Oscar du meilleur film d’animation, confirmant ainsi que la patience et la passion sont les clés d’une œuvre qui fond dans la bouche et marque les esprits.

Remy vit au sein d’une colonie de rats nichée dans la campagne française, un environnement où la nourriture est synonyme de survie plutôt que de plaisir culinaire. Contrairement à ses congénères, qui se contentent de chaparder et d’engloutir tout ce qu’ils trouvent, Remy est un esthète du goût, un amoureux du raffinement gastronomique. Il a le palais affûté d’un critique étoilé et la curiosité d’un apprenti chef. Il rêve d’assembler les saveurs, de sublimer les ingrédients, là où les siens se contentent de voler et dévorer sans distinction. Ce fossé culinaire creuse peu à peu son isolement, jusqu’à ce qu’un coup du destin le propulse dans la capitale de la haute gastronomie : Paris. Séparé de sa famille, il doit désormais se débrouiller seul dans ce gigantesque garde-manger à ciel ouvert, un terrain de jeu où se côtoient effluves de boulangeries, marchés aux épices et restaurants étoilés.

Comme une carte postale gourmande, les animateurs nous servent un Paris magnifié, baigné d’une lumière dorée et d’un charme enivrant. Les pavés scintillent sous la pluie comme un caramel en train de se figer, les façades des bistrots respirent l’authenticité, et les quais de Seine dégagent une poésie digne d’un dîner en tête-à-tête. Mais c’est surtout l’univers des grandes cuisines qui éblouit : le brassage incessant des cuisiniers, le tintement des couverts, la danse des marmites fumantes et l’effervescence d’un service sous pression sont retranscrits avec un réalisme saisissant. Chaque détail a été mijoté avec soin, pour offrir un spectacle aussi appétissant visuellement que narrativement.

Michael Giacchino, tel un chef d’orchestre gastronomique, compose une bande-son qui émulsionne à la perfection l’ambiance du film. Déjà complice de Brad Bird sur The Incredibles, il concocte ici un accompagnement musical qui évoque tantôt la légèreté d’une mousse au citron, tantôt la richesse d’un fond de sauce mijoté des heures durant. Ses notes valsent comme un serveur pressé entre les tables d’un restaurant étoilé, accentuant l’élégance et la vivacité de chaque scène.

Dans cet univers où chaque plat est une œuvre d’art, l’attention portée aux textures et aux couleurs des aliments frôle la perfection. Un simple soupçon d’épice, une goutte de sauce ou un effiloché de viande donnent envie de tendre la main à travers l’écran. L’animation des plats est si soignée qu’on en oublierait presque qu’il ne s’agit que de pixels. Mais un restaurant, c’est aussi une brigade, et celle du chef Auguste Gusteau fonctionne comme un orchestre de haute voltige. Inspiré de Bernard Loiseau et Paul Bocuse, et nommé en hommage à Auguste Escoffier, Gusteau incarne à merveille la philosophie de la grande cuisine : une quête de perfection, une générosité sans limites, et une invitation à rêver au-delà des conventions.

D’un point de vue visuel, le film est un véritable festin pour les yeux. Les textures, les lumières et la fluidité des animations sont d’une précision bluffante. Chaque plan semble mijoté avec amour, chaque mouvement de caméra est pensé comme un dressage en assiette. Que ce soit dans la moiteur d’une cuisine en pleine effervescence ou sous la lueur tamisée d’un Paris nocturne, chaque image est un pur régal.

Remy et Alfredo forment un duo surprenant, un mariage culinaire aux contrastes intrigants. D’un côté, un rat doté d’un talent exceptionnel, bridé par son apparence ; de l’autre, un jeune commis maladroit, fils de chef mais incapable de manier une spatule correctement. À eux deux, ils forment l’équilibre parfait entre le savoir-faire et l’exécution, entre la vision et la technique. Leur dynamique est à la fois drôle et touchante, comme un plat sucré-salé qui surprend d’abord avant de séduire totalement les papilles.

Le film possède une saveur singulière dans le grand buffet des films PIXAR. Contrairement aux apparences, ce n’est pas une comédie pleine d’éclats de rire, mais plutôt une œuvre douce-amère, où l’émotion mijote lentement avant d’atteindre son apogée dans un final bouleversant. Ici, chaque scène est pensée comme une recette délicate, où chaque ingrédient, qu’il soit visuel, sonore ou narratif, contribue à un équilibre parfait. À travers des trouvailles scénaristiques ingénieuses et une mise en scène fluide comme une crème anglaise bien prise, le film évoque parfois l’univers poétique et minutieux d’un Jean-Pierre Jeunet, distillant une magie sensorielle unique.

Ratatouille est bien plus qu’un simple film d’animation : c’est une véritable déclaration d’amour à la cuisine, à la passion et à l’audace de croire en ses rêves, peu importe d’où l’on vient. Comme un grand plat étoilé, il mélange harmonieusement saveurs visuelles, textures narratives et émotions sincères pour offrir une expérience aussi exquise qu’inoubliable. Avec son esthétique raffinée, sa mise en scène fluide et son message inspirant, il s’impose comme un chef-d’œuvre intemporel, prouvant que, comme en cuisine, la créativité et le cœur sont les ingrédients essentiels à toute grande réussite. Comme le dirait Auguste Gusteau : « Tout le monde peut cuisiner ! », mais peu sont capables de créer un plat aussi inoubliable.

StevenBen
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le 17 févr. 2025

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Steven Benard

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