Ratchet & Clank, le film
4.5
Ratchet & Clank, le film

Long-métrage d'animation de Jericca Cleland et Kevin Munroe (2016)

Ratchet et Clank est une série que j'affectionne tout particulièrement depuis que j'ai 12 ans et avec laquelle j'ai grandi au cours de mon adolescence. J'adore cet univers, ces personnages, ce mélange d'humour délirant et d'action frénétique démesurée. Ratchet & Clank, c'est une aventure faite de décors charmants et d'armes explosives, un cocktail finalement trop peu utilisé dans le monde du jeu vidéo.


J'ai eu la chance de pouvoir assister à une projection privée plus d'un mois avant la sortie du film. Je crois qu'il n'y a d'égal à mon gigantesque enthousiasme que l'affreuse désillusion de la découverte du casting sur place. Squeezie dans le rôle de Ratchet ??! NON ! Cette révélation a transformé immédiatement ce rêve en cauchemar.


Autant tuer le suspense tout de suite, finalement la mauvaise surprise est loin d'être tragique : Squeezie s'en sort étonnement bien dans le rôle du lombax. Il ne transcende pas le personnage, son incarnation magistrale restera pour toujours celle de Marc Saez, mais il colle aux intonations des doubleurs précédents et arrive à s'effacer derrière Ratchet. Certaines phrases ne sont pas toutes bien jouées, le bonhomme n'est pas comédien professionnel, mais sa présence ne gâche pas le film comme beaucoup pourraient le craindre. Le changement de doubleur de Clank m'a bien plus dérangé en revanche (Xavier Fagnon, pourtant pas une "guest star"), celui-ci étant plus grave et ne dégageant pas la même malice que Martial Le Minoux (le Clank originel).
En outre, la voix de Squeezie correspond même plutôt bien au traitement de Ratchet dans ce film, mais c'est un problème sur lequel je reviendrai. Si Squeezie ne nuit pas au film, il ne tire tout de même pas le personnage vers le haut.


Puisque finalement la VF n'est pas mauvaise, toutes les conditions semblent bonne pour apprécier cette adaptation tant attendue de la franchise ! (On privilégiera tout de même la VO, qui met en scène Sylvester Stallone, John Goodman et Paul Giamatti en plus du casting principal des jeux).


L'histoire reprend donc la trame du premier Ratchet & Clank : l'infâme Drek détruit de nombreuses planètes pour en construire une nouvelle, et notre héros va passer de simple mécano en héros galactique. Fort heureusement, le film ne s'arrête pas à là mais propose des éléments scénaristiques nouveaux, enrichissant l'intrigue du film mais également celle de la saga : on y voit, en effet, une sorte de préquelle à Ratchet & Clank 3 avec l'Origin Story du Docteur Néfarious. Pour tout fan qui se respecte, cet élément est vraiment très intéressant et la présence de Néfarious est un véritable plus dans l'histoire.


Globalement, cette adaptation est plutôt bonne, extrêmement fidèle aux jeux originaux, multipliant les clins d'oeil subtils et discrets, retranscrivant cet univers avec un soin méticuleux qui ferait mourir de jalousie toutes les autres adaptations de jeux vidéo (à part Silent Hill). Visuellement, il n'y a aucune trahison. C'est bête à dire mais c'est énorme : aucune trahison. Les fans peuvent y aller serein : ils s'y retrouveront. Et ils retrouveront même des références multiples à d'autres éléments de l'univers PlayStation. Ces hommages ont un goût de retrouvailles qui fait parfois chaud au coeur. Cependant, les péripéties et l'écriture trahissent quant à elle certains standards de la série vidéoludique... mais j'y reviendrai.


L'humour est une partie très importante de la recette Ratchet & Clank et le film en est bourré. Certaines blagues passent évidemment (beaucoup) moins bien que d'autres, mais il est bon de savoir que certaines sont de vraies trouvailles qui nous font lâcher des rires francs. Le capitaine Qwark et le duo de méchant sont évidemment le coeur de l'humour, et ils sont exploités à leur maximum. Les blagues des héros sont en revanche beaucoup plus niaises voire même un peu trop enfantines. A titre personnel ça ne m'a pas gêné : le film dégage un climat de bonne humeur qui m'a plu même si tout ne me faisait pas rire. Je suis fan aussi, ça joue en faveur de ma sympathie.


Mais le gros problème du film c'est que l'autre composante principale de la saga n'est que trop peu (pas ?) présente : l'action. Bordel, si Ratchet est bien une chose, c'est un jeu d'action. Et Ratchet, tel que je l'ai connu et ce même dans les derniers épisodes, est un héros badass, hargneux, qui se bat avec férocité, confiance, puissance. Les gens se moquaient de sa petite taille mais il montrait les crocs, prouvant à tous sa supériorité.


Dans le film, Ratchet commence doucement sa carrière de héros et... c'est un pitre. Un bourrin sans cervelle, parfois du même niveau que Qwark, ne se battant que très peu. Ce n'est pas le héros que l'on connaissait. Ce n'est pour autant pas une trahison, scénaristiquement cela fait sens puisqu'il se retrouve projeté dans l'aventure par hasard, et doit donc vivre une sorte de quête initiatique pour apprendre à devenir un véritable héros. Sa "stupidité" du début est contrebalancée plus on avance dans le film, mais, malheureusement, il n'a tout de même pas l'occasion de s'illustrer par des exploits héroïques. Il manque clairement des péripéties.


Il faut savoir que le film a été développé avec très peu de budget. Il a donc du être construit afin de ne pas devoir multiplier les scènes épiques pour conserver une qualité graphique homogène. Du coup, les plans sont rarement larges, toujours relativement serrés sur les personnages ce qui, de toute évidence, ne permet pas les scènes d'action explosives. Si l'on observe les décors de fond, on s'aperçoit en effet que les bâtiments sont plutôt ternes, qu'il n'y a pas autant de vie que dans les jeux, qu'il n'y a jamais trop de foule, jamais trop de trafic... Les plans serrés permettent donc de mettre le paquet sur les animations des personnages afin de les rendre vivants et amusant, et c'est en effet très réussi. Un mal pour un bien pour faire fi de limitations budgétaires.


Pas de souffle épique dans cet épisode : "outrage !" diront les fans. Mais là où c'est surtout dérangeant à mes yeux, c'est que scénaristiquement ce manque de péripétie ne permet pas la construction héroïque du personnage. Ratchet passe donc de clown un peu enfantin et bourrin à héros galactique... sans que scénaristiquement cela soit justifié. Le héros évolue mais ça se fait de manière trop succincte.
C'est pour cela que je disais plus haut que la voix de Squeezie collait à l'écriture du personnage. Ratchet y est malheureusement trop simple et n'est plus cette boule de poile nerveuse et colérique que l'on connaissait. Si de nouveaux épisodes doivent voir le jour, il faut absolument rendre le héros plus badass.
Ce double défaut, le manque d'action et l'écriture du personnage Ratchet, est vraiment ce que je reproche le plus à ce film et c'est ce qui lui enlève immédiatement beaucoup de points. Le héros reste attachant mais me semble complètement éclipsé par les méchants et par le capitaine Qwark.
Dans le scénario, ce sont les méchants qui rythment le récit, ce sont leurs actions qui créent les péripéties et les héros ne font que suivre la mouvance. On les observe donc très régulièrement et quand ils sont à l'écran l'intérêt y est toujours décuplé. Les doubleurs de Drek, Néfarious, Qwark et même Viktor (Stallone) sont particulièrement bons et les entendre est vraiment réjouissant car on sent qu'ils s'éclatent réellement. Cela crée un décalage encore plus grands avec les héros, à la fois donc moins mis en avant dans l'écriture et moins fulgurants dans leurs doublages. Les héros secondaires sont d'ailleurs plus qu'anecdotiques puisqu'ils sont schématiques et n'apportent rien dans l'écriture.
Le défaut de l'écriture de Ratchet est donc compensé par l'écriture de Drek, Néfarious et Qwark, ce qui est un plaisir sur lequel les fans ne cracheront absolument pas. Il y a vraiment du très bon dans l'exploitation de ces personnages.


S'il devait y avoir un dernier point négatif, ce serait la musique. Généralement un des gros points forts de la saga, elle est ici très effacée. Dommage, car la composition du jeu adapté du film (adapté du jeu) est elle franchement épique (du peu que j'ai pu en écouter jusqu'à présent). La réalisation, elle aussi, n'est pas criante d'inventivité et reste même toujours classique. A mon avis, la faute revient encore une fois à ce manque de budget qui limite les prises de risque en termes de caméra.


Si le fait d'être fan me fait apprécier d'autant plus les qualités du film, les défauts et petites trahisons me blessent d'autant plus. Ratchet & Clank reste un film de qualité, agréable, bon enfant, qui se regarde avec plaisir pour peu qu'on n'en attende pas une merveille cinématographique. Il s'agit clairement d'une des meilleures adaptations de jeu vidéo qui existe pour le moment (pas que l'exploit soit particulièrement difficile à accomplir) ce qui est très encourageant pour la toute nouvelle gamme "PlayStation Originals". Ce Ratchet & Clank a un peu trop le goût de film introductif, ce qui limite son intérêt. Mais si cet opus fonctionne, je crois en un second opus qui poursuivrait l'histoire de Néfarious et, si le budget suit, on peut s'attendre à du très bon grâce à une plus grande liberté.


Ce premier film est plutôt simple, un divertissement amusant et bien rythmé et, s'il n'est pas un chef d'oeuvre, satisfera les fans de la franchise. Les néophytes peuvent également se laisser tenter : l'univers de ce film, comme celui des jeux, est vraiment charmant et certains de ses personnages peuvent plaire au plus grand monde. Les enfants sont bien évidemment une cible privilégiée mais le public plus mature pourra comprendre certaines des meilleures blagues et des meilleurs hommages que réservent le film.
En attendant une meilleure itération de l'univers Ratchet & Clank au cinéma, celle-ci ne démérite pas et je lui souhaite sincèrement un grand succès pour que ces personnages puissent vivre des aventures encore plus palpitantes et surtout plus fidèles à l'epicness absolue des jeux dont ils sont tirés.

Créée

le 4 mars 2016

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