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SPOILERS



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Alors


Je trouve le film un peu simple. Simplet ?
Il y avait là un matériau formidable créativement, le tout réalisé par un passionné, donc forcément que ce serait divertissant, et sincère dans son amour pour l'univers pop culture (ou plutôt la Culture que l'on fissure pour parler de pop culture et "Culture avec un grand C", mais c'est un autre sujet). C'est ça qui fait tenir le film debout et lui permet de fonctionner. En fait il y a tellement d'amour qui transpire à travers l'écran que ça éblouit forcément toute neutralité, et les gens à qui cet univers parle ont profondément envie de l'aimer, ce film. Attention je ne dis pas qu'il n'y a pas de qualités objectives à reconnaître, nuance.


Sauf que votre serviteur a gardé un cœur de pierre pendant tout le film, sûrement trop cérébral dans son amour pour aimer ce trip volontairement niais et enfantin, et involontairement un peu con.


Je suis très agacé par l'écriture du film. Rien que la quête principale a pour socle une invraisemblance facilement réglable et qui me harcelait tout au long du film : cela fait cinq ans que la quête de l'Easter Egg est lancée.


En cinq ans, aucun joueur sur des millions (centaines de millions ?) n'a eu l'idée, ne serait-ce que par hasard, de reculer au début d'une course de voiture pour voir ce qu'il y a derrière ? Franchement je sais qu'après deux-trois essais à rager en perdant mon perso dans cette course j'aurais fait ça juste pour péter un câble. Aussi, cela aurait pu mener à une véritable scène d'action où le personnage doit parcourir un circuit entièrement en marche arrière, sauf que là le truc c'est digne de l'attraction Nemo à Disney Studios, donc visiblement le créateur ne récompense pas le joueur avec le plus de skill mais juste celui qui sera le plus obsédé par sa vie privée et trouvera ce passage !


En cinq ans, tout le monde est censé avoir retourné de fond en comble le cinéma avec tous les souvenirs du créateur, au point que personne n'y va plus, mais ce n'est qu'au moment du film que le personnage principal découvre que le créateur est sorti avec la future femme de son collaborateur et n'a pas franchi le pas... La vie privée des stars étant toujours source de toutes les passions, on aurait dû voir ça dans People trois jours après le lancement du cinéma sur la vie d'Halliday !


En cinq ans, d'autant plus au vu du nombre de personnes qui étudient la vie de Halliday à IOI qui ont l'air de connaître leur sujet et l'histoire de la pop culture, comment est-ce que rien n'a été trouvé plus tôt, entre l'hôtel de Shining et le temple de glace, même sans indices - personne n'a eu ne serait-ce qu'une petite envie d'aller voir le film Shining dans Oasis, puis de découvrir le niveau secret qui s'y trouve et d'en parler à tous les autres joueurs ? Une fois dans le temple de glace, comment est-ce que personne n'a pensé directement à aller jouer au jeu avec le premier Easter Egg au monde et à y chercher l'Easter Egg ? Surtout qu'avec un semblant de logique, ça se devine à l'instant même où le film parle du jeu Adventure et de l'Easter Egg qui s'y trouve, et les personnages ne comprennent ça que de longues minutes plus tard...


Autant de problèmes qui auraient été évité si le film commençait, je sais pas, quelques mois après le lancement de la quête ? Juste le temps que les héros aient passé quelques centaines d'heures pour être aussi doués, et que IOI développe son esclavagisme moderne.


J'ai trouvé que ça nuisait clairement aux enjeux du film : la quête n'est pas difficile et donc ça tue tout ! La recherche de l'Easter Egg ne vaut pas mieux qu'un ARG quelconque, où en plus on connaitrait la vie entière du créateur pour deviner les sens cachés dans son œuvre, la différence étant l'univers très vaste, ce qui est largement compensé par le nombre de joueurs et les 5 ANS.


En plus de cette énorme incohérence, il y a un gros problème avec l'humain dans ce film. Les personnages sont des coquilles vides. L'amour entre Wade et Samantha est fade, il se parlent deux scènes puis Wade tombe amoureux. Samantha dit qu'elle décevrait Wade s'il la voyait en vrai, mais en fait non, les héros sont beaux donc ça va, Samantha a juste une tâche de naissance rouge qui pète la classe sur le visage, donc à part lui avoir peut-être causé des moqueries à l'école je vois pas à quoi elle sert dans le message du film. Parce que oui on a le droit à un discours sur l'amour virtuel, mais il est bancal.
D'une parce que toute l'idée est qu'on tombe amoureux uniquement de ce que la personne veut montrer, mais aussi on tombe amoureux d'une personnalité et non pas d'un corps. Sauf que la résonance entre les personnalités de Wade et Samantha est sous-développée, et surtout les deux se comportent exactement de la même manière en vrai et dans le jeu, en plus d'être ni handicapés, ni moches, ni quoi que ce soit qu'ils voudraient cacher grâce à un avatar. Ça tue toute la problématique et du coup c'est vide.


Du coup le seul petit truc intéressant qui reste c'est que Aech soit une femme IRL et un personnage masculin in-game, et le petit de 11 ans qui se fait passer pour quelqu'un de plus âgé. C'est pas développé plus mais c'est pas mal.


Pour revenir à l'humain, je n'ai ressenti aucun attachement émotionnel à qui que ce soit. Qu'on fasse mourir la tante de Wade dont se fout royalement, c'est peut-être un discours sur le détachement de Watts, et des joueurs en général, vis à vis de leurs proches. En revanche, l'absence de connexion palpable entre les personnages principaux rend le film froid : Wade et Helen sont meilleurs amis parce qu'ils aiment des trucs de geeks et la chasse à l'oeuf. Bon certes, mais indépendamment il n'y a que Aech qui soit un peu plus intéressante, puisqu'elle raisonne un Parzival candide à souhait qui, lui, est un personnage sans intérêt ni charisme. Sinon on a les deux asiatiques qui font du kung-fu. Et y en a un qui a aussi peur des films d'horreur que Helen. Et pour développer Samantha : euh son père est mort à cause des méchants.


Et le méchant Nolan, d'ailleurs, qui comprend son retournement psychologique final ? Pourquoi il n'a pas tué Wade ? On peut supputer qu'il regrette son stage de troisième avec Halliday mais là c'est non ! En plus le coup du reflet c'est... lol, les gars ils avaient juste à modéliser un mur en plus et leur plan était parfait, Nolan ne les voyait pas dans le reflet. Facilité paresseuse pour apporter un rebondissement dans une scène d'action/tension où on se fout des personnages.


Et là on arrive à ce qui me paraît le plus étrange dans ce film : IL N'Y A PAS ASSEZ D'ACTION ! Pour moi en tout cas. Ça va peut-être en faire rager certains mais laissez-moi m'expliquer.


L'action dans ce film c'est de la pisse de chat à côté des références dont elle s'inspire. La bataille finale on la voit très peu de temps, c'est moins épique que le Seigneur des Anneaux il y a 15 ans alors qu'il y a plus de variété (inexploitée) des méthodes de combat et un Mecha VS Kaiju (de deux minutes), et quand on voit qu'un anime comme Gurren Lagann se termine avec un combat de mechas qui font la taille de dix galaxies, je trouve que Spielberg a complètement sous-exploité le potentiel épique des univers déployés (Gurren Lagann n'est pas mentionné de ce que j'ai vu dans le film, je compare simplement l'epicness du film à celle que peut atteindre un anime). On aurait dû confier ce projet aux Wachowski, tiens.


Au sein de l'oasis, la seule vraie scène de roller coaster pour moi était la première scène de course de voitures qui est un régal. Une fois qu'elle est passée on a le droit à une fusillade dans le bar assez jolie mais aussi assez peu tendue, trois secondes de vraie action dans Shining avec cette scène du labyrinthe et du zombie géant, puis le final avec cette bataille à deux balles motivée par un discours à deux balles, et cette putain d'Aech avec son géant de fer qui se transforme en pont au lieu de... lancer ses amis au-dessus du gouffre ? Il serait peut-être pas mort dans la lave ?


Voilà. Le reste c'est des scènes de course-poursuite IRL quand les personnages vont d'une planque à une autre, puis dans l'entreprise des méchants qui a le bon goût d'être pas trop loin. Et tout est lambda as fuck, on a même droit au héros qui court dans le même sens que la tour qui tombe sur lui.


Tout ce parcours pour un message final sur l'ancrage au monde réel et l'importance de l'amitié qui est certes universel, mais paraît une maigre récompense au bout d'une maigre quête.


Ready Player One, tu es venu avec tout ton amour, mais moi je ne suis sorti qu'avec un peu de colère et de belles images dans les yeux. RIP tous les gens qui ont modélisé des univers incroyables qu'on voit une demi-seconde pendant la scène d'intro, on vous aime.


J'aime encore moins ce film qu'avant d'écrire cette critique.


Je conclurai en disant que Spielberg a fait des films infiniment plus intelligents que celui-là, et que le seul défaut de Ready Player One, c'est que l'intelligence de son réalisateur ait visiblement été éclipsée par cet amour débordant, mais même pas débordant au point d'être vraiment épique. Heureux tous ceux qui ont vu leur fantasme à travers ce film ; moi, je l'attends encore.

Naskor
4
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Créée

le 27 avr. 2018

Critique lue 201 fois

Naskor

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