Après les adoptés,Mélanie Laurent poursuit une filmographie dans la même veine dramatique. Toujours aussi soucieuse de la dynamique relationnelle entre les êtres, elle s'attaque ici à un sujet malheureusement contemporain: le harcèlement moral, via une adaptation de roman. En décrivant spécifiquement le mécanisme par touches ( réflexions,intrusion,mise à l'écart, chaud et froid), la réalisatrice réussit un bon compromis entre ses plans et son matériau scénaristique.
La relation entre Sarah et Charlie à la base fusionnelle vire au cauchemar. Même si cela est bien posé, Mélanie Laurent s'attache à étayer son propos (en suivant le roman original?) et c'est ici que cela pêche un peu.En effet, même si les contextes familiaux des deux lycéennes sont loin d'être évidents (père absent pour Charlie et ours avec sa mère; et mère dépressive,en rupture pour Sarah),ils n'expliquent pas l'acharnement de l'une sur l'autre. Il y aurait éventuellement un début d'explication sur les psychologies différentes des deux jeunes femmes dont le système de valeurs diffère car elles ne sont véritablement pas issues du même monde.Et encore,Sarah,harceleuse, reçoit les humeurs parfois changeantes de Charlie comme des agressions. Si la volonté de Mélanie Laurent était de démontrer une nébulosité psychologique sur le phénomène direct de toxicité, elle y est parvenue. La question qui en découle ensuite est logiquement: à quel prix?
En effet, le spectateur face à un déluge d'assauts psychologiques, de mesquineries, d'agressions multiples se retrouve dans le même état que le personnage de Charlie: il a envie de respirer, et ce n'est pas rien de le dire. A vrai dire,il n'en trouve guère l'occasion jusqu'au dénouement logique et disons le, salutairement abominable. Même si Mélanie Laurent sait filmer,faire ressentir, exposer une situation, elle doit encore progresser sur le dosage émotionnel qu'elle distille.Les rires de ses personnages restent encore trop fugaces sur une mise en scène exigeant que l'esprit s'aère parfois.Je trouve même qu'elle avait plus réussi à trouver cet équilibre essentiel sur son premier long.
En conclusion, Respire est un deuxième film honnête pour cette jeune réalisatrice en devenir. Mélanie Laurent a encore une belle marge de progression devant elle et c'est avec une certaine impatience que j'attendrai sa prochaine proposition cinématographique.
Specliseur
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le 16 nov. 2014

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