Les aventures de James Bond : Le Trésor de Rackham le Rouge



  • Les Chinois ont un proverbe : « Pense bien avant toutes idées de vengeance, qu'il te faut creuser deux tombes. »

  • Certaines mondanités vous est étrangères. Vous êtes anglais. Et moi, demi-grecque. Et les femmes grecques, comme Électre, rêvent toujours devant ceux qu'elles aimaient.




Mafia Bond !



Le douzième épisode des aventures de l'agent 007, marque le départ du cinéaste Lewis Gilbert qui après avoir réalisé "On ne vit que deux fois", "L'Espion qui m'aimait" et "Moonraker", laisse sa place à John Glen. Cinéaste qui avec "Rien que pour vos yeux" signe le premier des cinq films qu'il va réaliser pour la franchise James Bond. Pour sa grande première, le réalisateur présente une mission qui autant dans le fond que la forme vient radicalement contraster avec la proposition parodique de l'opus précédent, "Moonraker". Dans un premier temps, l'inquiétude demeure à travers une séquence d'ouverture branlante où James Bond affronte une ultime fois Ernst Stavro Blofeld, qui apparaît en chaise roulante pour connaître une fin déplorable. Une conclusion cauchemardesque pour l'ancien chef de l'organisation SPECTRE, qui va finir projeté dans une cheminée industrielle après que 007 se soit emparé de son siège avec le patin d'atterrissage d'un hélicoptère. Un instant nanardesque faisant craindre le pire pour la suite, malgré une séquence haletante en hélicoptère, ainsi qu'un important apport dramatique situé dans un cimetière où Bond fait face à la tombe de sa femme "Teresa", décédée dans "Au service secret de Sa Majesté". Démarre le générique musical sur une superbe chanson interprétée par Sheena Easton, qui nous prépare à ce qui va suivre. Une mission édifiante qui va renouer avec le sérieux de la saga via un récit qui va concilier le genre espionnage avec le genre gangster pour un résultat sombre, abrupte et mouvementé qui laisse très peu de place à l'humour. Un retour aux sources bienvenues pour un résultat percutant. Une mafia Bond efficace !


Avec Rien que pour vos yeux, les scénaristes Michael G. Wilson et Richard Maibaum, nous renvoient à une intrigue beaucoup plus terre à terre où la survie du monde n'est pas en jeu. Une mission dans laquelle Bond va devoir retrouver l'émetteur "ATAC" (Automatic Targeting Attack Communicator), un mécanisme de communication navale top secret capable de commanditer une flotte nucléaire. Un artefact ayant coulé quelque part dans les eaux albanaises à la limite de la frontière grecque, et que 007 va devoir retrouver. Un scénario de contre-espionnage réaliste savamment entretenu par une intrigue à suspense sauce polar noir, qui délaisse le ton comique pour la vengeance. Une bonne manière de remettre au centre du récit ce qui fait le sel des histoires écrites par le romancier Ian Fleming. Un périple passionnant où s'enchaînent les décors de rêves entre le récif montagneux enneigé de Cortina d'Ampezzo perché dans les Dolomites en Italie; également la plus grande île de l’archipel des îles Ioniennes "Corfou", située en Grèce; mais aussi à 35 km plus loin les côtes albanaises; pour finalement s'achever sur un monastère abandonné au sommet d'une montagne qui n'est autre que le monastère Agios Nikolaos Anapausas situé en Grèce, dans la vallée du Pénée en Thessalie. Un environnement européen intelligemment mis en boite à travers une mise en scène appliquée pouvant compter sur une superbe photographie d'Alan Hume. Une direction artistique soignée que la composition musicale de Bill Conti (qui succède à John Barry), parvient à galvaniser avec une notion dramatique typique des sonorités grecs pour le plaisir des oreilles. Une réalisation au top pour une technicité globale de qualité, qui se révèle particulièrement efficace lors des plongées sous-marines avec une véritable chasse au trésor (symbolisé par l'ATAC), orchestré sur le cadavre d'un bateau gardé par un requin. L'aventure moussaillons !



Un Walther PPK. Modèle standard des services secrets britanniques. Autorisation de tuer. Ou mieux, d'être tué.



En matière de périples, Rien que pour vos yeux se dresse comme un des meilleurs opus de la saga. Les nombreuses séquences d'action se conjuguent parfaitement avec les phases d'infiltrations pour offrir un condensé riche. La course-poursuite en Citroën 2CV ouvre efficacement la route à une multitude de rebondissements sous hautes tensions. Le long affrontement en ski dans les décors enneigés est sidérant. On en prend plein les yeux à travers un parcours olympique que Bond traverse avec dextérité. Avec sa porté mafieuse, l'attaque de nuit sur l'entrepôt situé en Albanie est saisissante. Particulièrement, au moment où Bond se retrouve à exécuter froidement sa cible coincée dans une voiture en équilibre au bord d'un précipice, qu'il va volontairement pousser dans une conduite vengeresse en signe de représailles. Un événement très fort réconciliant 007 avec sa vision plus noire et radicale. L'exploration sous-marine de l'épave du Saint-George offre une lutte atmosphérique idéale contre un scaphandrier. Un chapitre haletant qui s'achève sur une scène de torture anxiogène incluant un bateau, deux personnes attachées tirées par une corde, du sang et des requins affamés. Survient le chapitre final ! Un grand moment à l'origine d'une séquence d'infiltration anthologique. Une scène vertigineuse dans laquelle Bond se retrouve à escalader une montagne à haut risque, où il va mener un duel tendu. Un escarpement ouvrant les portes à une ultime bataille établie dans un décor incroyable sur un cadre unique pour une atmosphère incomparable. Un affrontement réaliste rondement mené par le biais de cascades nerveuses que l'on doit à Rémy Julienne. Une excellente conclusion !


Roger Moore revient pour la cinquième fois dans une incarnation au top, où il retrouve le vrai 007 ! Celui qu'incarnait Sean Connery dans "James Bond contre Dr No", ou encore "Bons Baisers de Russie" et qu'il ne fallait pas trop emmerder. Un retour délaissant l'humour idiot pour plus de dureté et de dramatique. Le comédien présente une approche beaucoup plus charismatique de Bond, qui va même gagner en nuances en étant bien plus maîtrisé, capable de dire "non" à une magnifique femme s'offrant à lui. Une première ! Carole Bouquet en tant que Mélina Havelock est géniale. Une femme de caractère motivée par la vengeance après le meurtre brutal de ses patents. Mélina est indépendante et n'attend pas le consentement de 007 pour mener à bien sa sentence. Elle participe à l'action avec son arbalète qu'elle maîtrise avec précision. Elle offre un duo musclé à l'agent britannique qui trouve ici une des meilleures Bond Girl. Cassandra Harris en tant que Comtesse Lisl von Schlaf apporte une part dramatique non négligeable en trouvant la mort de manière violente. Côté menace, les antagonistes sont beaucoup moins théâtrales pour correspondre à une vision réaliste, froide et cynique. On perd en symbolique maléfique pour gagner en crédibilité. Un mal pour un bien. Le mystère englobant les trois potentiels antagonistes est adroit. Chaim Topol pour Milos Columbo est authentique. Un vrai mafieux Italien. Michael Gothard pour Émile Leopold Locque est excellent. Un personnage énigmatique qui parle peu, mais qui dégage une aura absorbante et inquiétante. Kristatos par Julian Glover est un protagoniste à ne surtout pas sous-estimer capable d'une ambivalence émotionnelle étonnamment crédible. John Wyman pour l'agent Russe Erich Kriegler à la solde du général Anatol Gogol (Walter Gotell) amène une menace physique crédible à Bond. Le comédien Charles Dance est également de la partie en tant que bras droit de Locque. John Moreno pour Luigi Ferrara, agent des services secrets italiens, m'a amusé. Lynn-Holly Johnson en tant que Bibi Dahl est rayonnante ! Si Bernard Lee en tant que "M", n'est plus de la partie, on retrouve Lois Maxwell en tant que Miss Moneypenny ainsi que Desmond Llewelyn en tant que "Q".



CONCLUSION :



Avec Rien que pour vos yeux, le cinéaste John Glen offre une première entrée en scène percutante dans la licence James Bond. Une mission mouvementée qui vient renouer avec le sérieux de la saga à travers un périple nerveux efficace appuyé d'un esprit polar noir réaliste, qui déroule une séquence d'infiltration monumentale sur un cadre final à couper le souffle. Un épisode haletant où on retrouve le véritable esprit de la saga jusqu'à l'incarnation plus sérieuse, radicale et charismatique de 007 par Roger Moore, aidé d'une excellente Bond Girl avec Mélina par Carole Bouquet.


Sans la scène d'ouverture déroutante autour du sacrilège commis sur Blofeld, "Rien que pour vos yeux" aurait pu être mon James Bond préféré.




  • Savez-vous de quoi je rêve ?

  • Non, Miléna. Dites-moi tout.

  • Je rêve d'un bain de minuit. Rien que pour vos yeux.


B_Jérémy
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le 22 sept. 2022

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