Hollywood meets Disneyworld meets Fox News

Ou comment toucher le fond en atteignant des sommets d'incohérence et d'invraisemblance, combinés à des artifices de narration ultra-lourdingues et un formatage absolu (rythme, mise en scène et dialogues façon métronome, casting Ultrabrite...).


Aucune crédibilité scientifique, psychologique, économique ou (géo)politique, aucun intérêt d'un point de vue intellectuel, moral ou métaphysique : ça fait déjà beaucoup, pour un film parlant d'un homme seul tentant de survivre dans un environnement ultra-hostile à 225 millions de kilomètres de chez lui, et dont les chances de ne pas crever comme un rat après avoir sombré dans la folie feraient passer, statistiquement parlant, le fait de toucher le gros lot à l'Euromillions pour du 50/50.


Mais OK, on s'en fout, c'est pas le propos : The Martian, c'est un scénario tenant sur une feuille de papier à cigarette servi par un budget qui, certes, représente moins de 0,6% de celui de la Nasa, mais reste plus important que les dépenses militaires de la moitié des pays de la planète ou peu s'en faut, autrement dit c'est de la grosse machinerie made in USA destinée à provoquer hilarité, frissons, émerveillement et attendrissement chez une audience conditionnée par des décennies de popcorn movies, bref ça lorgne plus du côté des Space Mountains que de 2001. Soit.


Sauf que si on oscille, effectivement façon montagnes russes émotionnelles, entre incrédulité, rire, larmes, colère et abattement, c'est uniquement par consternation devant – outre les problèmes déjà mentionnés – la nullité du pseudo-second degré humoristique, la prévisibilité absolue et donc l'absence totale de réels enjeux, la vacuité intégrale et la médiocrité paresseuse, cynique et roublarde de la caricature de blockbuster qui se déroule sous nos yeux, et qui n'a pour elle que ses décors et le savoir-faire technique des professionnels californiens.


Mais The Martian ne se contente pas d'être un produit hollywoodien parfaitement calibré, aussi sincère, spontané et désintéressé qu'un homme politique en campagne pour sa réélection, un échange entre une banque suisse et le Trésor public, ou Pavlov en train de faire mumuse avec nos amis les canidés.


Car si la bouillie de cinéma que nous sert Ridley Scott (vieillesse, naufrage, tout ça) peut faire penser à du Canigou, il s'agit aussi, et peut-être surtout, d'un outil de propagande éhontée, dont le degré de subtilité pourrait faire rougir dans leurs tombes Goebbels et Bogdanov (Alexandre, pas les deux énergumènes au physique extraterrestre férus de mauvaise science-fiction).


Plus ingénieux que MacGyver, plus intelligents qu'Einstein, plus courageux et loyaux que Rintintin, plus forts mentalement que Gandhi, les Américains sont dans The Martian des surhommes qui éclaboussent tellement le reste de l'humanité de leur supériorité – mais sympathique et humble – que les efforts pour sauver l'un des leurs (ayant choisi un métier à haut risque, et alors que des millions de personnes meurent chaque année dans des circonstances atroces), retransmis façon téléréalité en mondiovision, subjuguent les foules planétaires et poussent même l'un de leurs plus importants adversaires à faire fi de toute considération stratégique pour leur venir en aide.


Aussi artificiel qu'un steak de soja OGM, aussi creux qu'un oeuf Kinder, aussi idéologiquement douteux qu'une vieille boîte de Banania, The Martian est au septième art ce que la junk food est à la gastronomie étoilée. Il y a quand même de jolis paysages, et Kate Mara est décidément très mignonne (et pour celles et ceux davantage portés sur la gent masculine, la caméra sait régulièrement s'attarder sur le torse dénudé de Matt Damon).

Talae
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le 21 oct. 2017

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