Présumé mort après l’échec d’une mission en Turquie, James Bond (Daniel Craig) revient lorsque le MI6 est victime d’une explosion meurtrière, lancée directement… depuis l’ordinateur de M (Judi Dench). Alors que le mystérieux antagoniste menace de dévoiler publiquement une liste de tous les agents de l’OTAN infiltrés dans des mouvements terroristes de par le monde, James Bond enquête et doit faire face à la résurgence des démons du passé de M…


Quand des fans en mal d’informations fiables s’étaient mis à imaginer la possibilité que Christopher Nolan réalise un James Bond, on s’était émerveillé à l’avance devant le film qu’on ne verrait jamais mais qui, sans conteste, aurait été un chef-d’œuvre (et qui, finalement, a vu le jour sous le nom de Tenet). Pourtant, le vrai James Bond de Christopher Nolan existe bel et bien quelque part, et il est réalisé par Sam Mendes.
Et de fait, s’il fallait décrire Skyfall, on pourrait le décrire comme un épisode d’Harry Potter réalisé par Nolan, où le réalisateur aurait troqué les baguettes magiques contre des armes à feu. Du réalisateur de la trilogie The Dark Knight, Sam Mendes a hérité bon nombre d’éléments. Les cadres froids et urbains évoquent forcément son collègue, mais également le vieux manoir britannique, qui pourrait sans problèmes appartenir à la famille Wayne ; d’ailleurs, on y retrouve même le vieux majordome Alfred, ici, représenté ici par Kincade, et incarné par le brillantissime Albert Finney. De Nolan, on retrouve évidemment aussi le côté techno-thriller, et c’est avec une jubilation non dissimulée qu’on retrouvera ces bonnes vieilles scènes de poursuite où le héros est guidé dans les souterrains de Londres par son acolyte, le geek de service. D’ailleurs, la scène où les terroristes déguisés en policier infiltrent le lieu du procès de M rappelle tout aussi furieusement certains plans du Joker.
Nous y voilà : le rapprochement le plus évident entre Skyfall et The Dark Knight est sans nul doute le personnage de Raoul Silva, incarné par un Javier Bardem plus génial que jamais, et qui a tout d’un bad guy à la Batman. Sans doute le méchant le plus charismatique de toute la saga bondienne (éventuellement à égalité avec l’iconique Blofeld), Raoul Silva est typique de ces méchants gothamien, rebelles à la société, volontairement marginaliés, motivés par la haine et la vengeance, au plan soigneusement préparé depuis des années et qui ont toujours un coup d’avance sur le personnage principal.
Quant à Harry Potter, si le rapport semble moins évident de prime abord, le rapprochement est toutefois difficile à ne pas effectuer, lorsque survient l’attaque finale du manoir, avec ses éclairages sombres et ses contrastes très crus, qu'on dirait sortis tout droit de chez David Yates, à tel point, d’ailleurs, qu’on était presque surpris de ne pas voir Raoul Silva s’envoler en fumée noire pour atteindre sa cible plus rapidement…


Tout cela ne signifie évidemment pas que Skyfall soit dénué de personnalité, ou bien qu’il ait plagié quoi que ce soit chez ses concurrents. Mais que le rapprochement soit dû à la coïncidence (pour Harry Potter, peut-être) ou à une influence assumée (ce n’est qu’après avoir achevé ma critique que j’ai lu une interview de Sam Mendes où il revendique clairement l’influence de The Dark Knight, ce qui prouve qu’il a réussi sa mission), cela montre assez le haut niveau de réalisation de Skyfall.
Un haut niveau de réalisation, avouons que c’est déjà presque un pléonasme pour un James Bond, mais c’est encore plus un pléonasme lorsqu’on découvre avec émerveillement dans le générique que la photographie y est signée du plus grand des directeurs photo que le cinéma ait connu : l’immense Roger Deakins. Chaque plan est donc conçu avec un très grand soin, ce qui place sans contestation possible ce film au sommet des films de la saga en termes de mise en scène, de savoir-faire narratif et visuel.
Finalement assez peu porté sur l’action (même si on a notre lot d’adrénaline, particulièrement dans une des ouvertures les plus spectaculaires qu’un James Bond nous ait offert), Skyfall puise directement sa force dans l’écriture des personnages, en misant tout sur l’attachement qu’on leur porte. Cela porte évidemment ses fruits, puisque c’est ici l’immense Judi Dench qui est placée au centre de l’intrigue, et qu’il est littéralement impossible de ne pas être embarqué à un moment ou à un autre par le jeu d’une comédienne aussi puissante. Le duo qu’elle forme avec le toujours brutal et laconique Daniel Craig fonctionne admirablement, et donne au film une forme d’émotion toujours très discrète, mais d’autant plus efficace.
La vulnérabilité des personnages (puisque, désormais, James Bond n’est plus le héros intouchable qu’il avait toujours été) joue un grand rôle dans l’empathie suscitée chez le spectateur, et décuple la force des enjeux, finalement très simple et très réduite (une simple vengeance personnelle).


Récit au rythme ultra-efficace, course contre la montre de grande échelle, Skyfall ne renonce pourtant à aucun des fondamentaux de la saga, ou presque, s’offrant même, en plus de ses quelques pointes d'humour salvatrices, le luxe de renouveler la mythologie bondienne, en s’appuyant sur de nouvelles itérations de personnages connus (le Q encore en culottes courtes frôle l’hérésie, mais l’efficacité du jeu de Ben Wishaw nous fait rendre les armes), au sommet desquels l’excellente Naomie Harris se taille la part du lion.
De scènes d’action dantesques (la poursuite en moto sur les toits d’Istanbul, impressionnante) en fusillades bourrines (rarement on a vu à l'écran un assaut aussi prenant que celui du manoir Skyfall), en passant par le générique évidemment le plus culte de la saga (car doté d'une chanson indépassable), le film de Sam Mendes déroule donc une mécanique implacable jusqu’à sa conclusion, très noire, anti-spectaculaire et pourtant grandiose.
Une belle manière de montrer que, cette fois, James Bond est définitivement entré dans une nouvelle ère. Et que, même si James Bond n’est plus James Bond, il est toujours aussi grand.

Tonto
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le 5 oct. 2021

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Tonto

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