« J'ai failli attendre... »

Vingt-sept ans que le cinéma essaie d'adapter correctement les jeux vidéos. Vingt-sept ans d'erreurs. Vingt-sept ans de franchises avortées, de spectateurs déçus et d'incompréhension de la part des studios, occupés à rentrer dans leurs frais pendant quelques mois plutôt que de penser produire une œuvre qui perdurera dans le temps. Vingt-sept ans que l'on espère voir une adaptation aussi fidèle dans l'esprit qu'osée dans la forme, avec ce qu'il faut de références et de logique pour proposer un format correspondant à tout le monde. Mais qu'il est dur le travail d'adaptation, surtout en ces temps où l'on préfère retaper intégralement un personnage parce que les fans n'ont pas aimé son design.

Crevons l'abcès : la méthode de relooking est aussi honteuse que finalement assez réussie à l'écran, bien que le hérisson bleu soit très cartoonesque pour paraître réaliste. Ajoutons à cela une personnalité de gamin turbulent au lieu d'un héros intrépide et un sidekick humain au cœur d'or (James Marsden, tombé vraiment bien bas depuis Hop, dont Sonic est quasiment le remake), un méchant cabotin comme jamais et un magnifique décor urbain bien dépaysant et vous obtenez une nouvelle adaptation de jeu vidéo ratée qui s'imagine faire plaisir aux fans en plaçant deux références et une musique du jeu. Entre l'audace et le marketing, il n'y a qu'un pas.

Tout, TOUT, a déjà été fait : de l'introduction bâclée qui nous renvoie légèrement en arrière dans le film aux blagues flatulentes en passant par le slip remonté jusqu'au cou et le schéma classique du je-t'aime-moi-non-plus propre à tout buddy movie, le long-métrage écule les poncifs sans aucune vergogne. Même vos enfants sembleront avoir déjà vu l'ensemble des séquences balancées sans aucun lien à la figure du spectateur. Agrémenté d'incohérences désastreuses, de facilités scénaristiques honteuses, d'un Jim Carrey en totale roue libre mais que l'on a connu plus inspiré et de références lourdingues à la pop culture actuelle (wink wink Vin Diesel! wink wink Dwayne Johnson! wink wink Apple!), Sonic est exactement ce qu'on redoutait : un téléfilm M6 à gros budget, niais, mollasson et déjà vu, qui prend les spectateurs pour des demeurés en se justifiant d'être un film pour les gosses (placer la danse du Backpack Kid datée depuis deux ans et quelques "lol" et "ptdr" relève de l'indigence la plus totale).

Programme simpliste abrutissant ressortant les mêmes vannes, les mêmes valeurs familiales et les mêmes plans de tout ce que l'on a vu depuis les trente dernières années, Sonic fait peur. Car au-delà du film marketing opportuniste dont on ne blâmera pas forcément l'existence, le produit final est surtout terrible dans son objectif : pourquoi montrer ce film à nos têtes blondes alors qu'on a mille fois mieux à leur proposer et qui plus est sorti il y a des décennies ? Loin est le temps des produits familiaux destinés justement à toute la famille, avec une direction d'acteurs, un scénario original, une réelle identité. Sonic le film n'est pas le premier et ne sera probablement pas le dernier long-métrage de la sorte et c'est bien dommage.