A l'approche de la sortie de Speak no evil, j'ai tellement lu et entendu de commentaires dénonçant un nouveau remake américain franchement inférieur à son original européen, sorti il y a seulement deux ans, que je me suis arrangé pour voir les deux à 48 heures d'intervalle. Petit comparatif :
On est d'abord frappé par la ressemblance visuelle. Cette nouvelle version n'a jamais la beauté plastique de son modèle danois, dont la photographie et nombre de plans sont vraiment splendides, mais sous le vernis plus terne, la copie est parfaite, semblant vouloir flirter avec l'exercice de style du remake plan par plan.
Les dialogues, un peu plus nombreux et explicatifs, enlèvent en mystère ce qu'ils font gagner en compréhension. La critique du conformisme hypocrite et du gentle parenting bourgeois, menée par les ruraux aux mœurs grossières, et surtout le rapport à la soumission (aux codes de la réussite sociale et professionnelle, aux émotions de la personne avec qui l'on vit, au charisme exotique de la liberté brutale), s'imposent ici de manière moins suggérée. Et moi qui suis habituellement allergique aux coups de fluo, j'ai trouvé qu'exacerber l'expression des tensions rendait certaines scènes plus lisibles, et donc plus efficaces. Même si l'on pourra regretter dans l'ensemble que la direction d'acteurs fasse pareillement le choix de moins de subtilité, de plus d'outrance.
Dans son mouvement final, le remake prend le contrepied total de l'original, remplaçant la brièveté d'un dernier quart d'heure où éclate enfin une horreur sèche et glaçante par la débauche bruyante d'un home invasion movie inversé, conventionnel mais assez divertissant.
Surtout, il troque la conclusion du film européen, macabre, noire et désespérée, par un happy end moral plus en phase avec la sensiblerie du public américain.
Si le thriller danois était vraiment le grand film viscéral et nihiliste que certains portent aux nues, on pourrait crier au scandale. Pour ma part, j'ai juste relevé un sourcil circonspect et amusé devant ce choix drastique de relecture scénaristique, tellement révélateur de la façon qu'a Hollywood de systématiquement régurgiter l'audace étrangère en une bouillie sucrée plus adaptée aux goûts timorés de son gros bébé de public.
Une photocopie un peu délavée, plus engageante, qui perd en poésie horrifique immorale ce qu'elle gagne en action plus anxiogène.
Un partout, balle au centre.