Speak No Evil
6.1
Speak No Evil

Film de James Watkins (2024)

Voir le film

A l'approche de la sortie de Speak no evil, j'ai tellement lu et entendu de commentaires dénonçant un nouveau remake américain franchement inférieur à son original européen, sorti il y a seulement deux ans, que je me suis arrangé pour voir les deux à 48 heures d'intervalle. Petit comparatif :


On est d'abord frappé par la ressemblance visuelle. Cette nouvelle version n'a jamais la beauté plastique de son modèle danois, dont la photographie et nombre de plans sont vraiment splendides, mais sous le vernis plus terne, la copie est parfaite, semblant vouloir flirter avec l'exercice de style du remake plan par plan.


Les dialogues, un peu plus nombreux et explicatifs, enlèvent en mystère ce qu'ils font gagner en compréhension. La critique du conformisme hypocrite et du gentle parenting bourgeois, menée par les ruraux aux mœurs grossières, et surtout le rapport à la soumission (aux codes de la réussite sociale et professionnelle, aux émotions de la personne avec qui l'on vit, au charisme exotique de la liberté brutale), s'imposent ici de manière moins suggérée. Et moi qui suis habituellement allergique aux coups de fluo, j'ai trouvé qu'exacerber l'expression des tensions rendait certaines scènes plus lisibles, et donc plus efficaces. Même si l'on pourra regretter dans l'ensemble que la direction d'acteurs fasse pareillement le choix de moins de subtilité, de plus d'outrance.


Dans son mouvement final, le remake prend le contrepied total de l'original, remplaçant la brièveté d'un dernier quart d'heure où éclate enfin une horreur sèche et glaçante par la débauche bruyante d'un home invasion movie inversé, conventionnel mais assez divertissant.

Surtout, il troque la conclusion du film européen, macabre, noire et désespérée, par un happy end moral plus en phase avec la sensiblerie du public américain.

Si le thriller danois était vraiment le grand film viscéral et nihiliste que certains portent aux nues, on pourrait crier au scandale. Pour ma part, j'ai juste relevé un sourcil circonspect et amusé devant ce choix drastique de relecture scénaristique, tellement révélateur de la façon qu'a Hollywood de systématiquement régurgiter l'audace étrangère en une bouillie sucrée plus adaptée aux goûts timorés de son gros bébé de public.


Une photocopie un peu délavée, plus engageante, qui perd en poésie horrifique immorale ce qu'elle gagne en action plus anxiogène.

Un partout, balle au centre.

AlexandreAgnes
6
Écrit par

Créée

le 21 sept. 2024

Critique lue 15 fois

Alex

Écrit par

Critique lue 15 fois

D'autres avis sur Speak No Evil

Speak No Evil
MonsieurNuss
4

Langue de vipère !

Enchaîner les 2 versions de Speak No Evil à une semaine d'écart, le moins qu'on puisse dire, c'est une expérience. L'originel, le Danois, est une oeuvre glauque, brutale, nihiliste, ultra efficace...

le 14 sept. 2024

24 j'aime

22

Speak No Evil
Eric-BBYoda
7

Crier et rire dans une salle de cinéma !

L’exercice du remake US d’un film européen – ou asiatique – est sans nul doute celui qui prête le plus le flan à la critique de ce côté-ci de l’Atlantique : adjonction de psychologie explicative,...

le 23 sept. 2024

16 j'aime

2

Speak No Evil
ServalReturns
4

Remake aseptisé pour public formaté

Boarf… l’exemple type du remake hollywoodien con et aseptisé, pour public perçu comme (?) incapable d’apprécier un truc un peu plus déviant que la moyenne (et j’insiste sur un « un peu », on parle...

le 29 sept. 2024

14 j'aime

Du même critique

Patients
AlexandreAgnes
7

Parole de crabe !

Etant moi-même handicapé, ce film me parle forcément de plus près qu'à un spectateur lambda : des potes para, tétra, j'en ai eu ; des qui sont morts trop tôt, aussi ; les centres de rééducation, j'ai...

Par

le 8 mars 2017

68 j'aime

2

Au revoir là-haut
AlexandreAgnes
9

On dit décidément MONSIEUR Dupontel !

La Rochelle, 26 juin. Jour de mon anniversaire et de l'avant-première de Au revoir là-haut en présence d'Albert Dupontel. Lorsqu'il entre dans la salle à la fin de la projection, le public...

Par

le 27 juin 2017

54 j'aime

4

Mektoub, My Love : Canto uno
AlexandreAgnes
4

Si "le travelling est affaire de morale", ici le panoramique vertical est affaire de vice

Je n'accorde habituellement que très peu de crédit au vieux débat clivant qui oppose bêtement cinéma populaire et cinéma d'auteur (comme si les deux étaient deux genres définitivement distincts et...

Par

le 27 mars 2018

50 j'aime

19