Souvent présenté comme une suite au film The Million Eyes of Sumuru, lui aussi produit par Harry Alan Towers, mais réalisé par Lindsay Shonteff, Sumuru, la cité sans hommes, ne fait que reprendre le personnage de Sumuru, sorte de Fu-Manchu féminin qui cherche à établir un monde dominé par les femmes. Il ne s’agit pas du tout d’une suite.
Comme on pouvait s’y attendre Franco ajoute une bonne dose d’érotisme. Il colle une scène de lesbianisme entre Sumuru et sa lieutenante, scène tournée à l’insu de Shirley Eaton qui ne mangeait pas de se pain là. Franco utilise donc une doublure dont on ne voit jamais le visage et dont les cheveux sont beaucoup plus longs, ce qui permet de repérer aisément l’arnaque. Tout cela reste cependant assez sage.
Je trouve toujours jubilatoire de voir toute la critique intello, qui ignorait royalement les films de Franco lors de leur sortie, ou tirait dessus à boulets rouges, crier aujourd’hui au « génie ». Ici, le summum est atteint avec, comme cerise sur le gâteau, une analyse de Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque Française (excusez du peu), d’une durée de presque une demi-heure ! (En bonus de l’édition chez Artus).
On y apprend qu’une des caractéristiques du style de Franco est qu’il fait volontiers durer ses plans plus longtemps qu’il ne le faudrait et « prend son temps », bref que là où l’imbécile trouve que le film manque de rythme et ne voit que du remplissage pour faire du métrage, le spécialiste distingue la marque d’un auteur.
Cela dit, le film, avec son côté BD pop qui joue franchement sur le second degré, se laisse voir avec un certain plaisir. Il y a toujours un certain je-m'en-foutisme et Franco n’hésite pas nous infliger cinq bonnes minutes de documentaire touristique en promenant sa caméra pendant le carnaval de Rio ! Mais il faut reconnaître quelques belles trouvailles et cette qualité qui est que l’on reconnait immédiatement la patte de l’auteur.
Ce qui permet aussi d’emporter le morceau c’est la présence du grand George Sanders, ici en gangster raffiné qui ne supporte pas les tortures qu’il est « obligé » de faire subir à ceux ou celles qui lui résistent. Quant à Shirley Eaton, elle est de nouveau parfaite en femme dominatrice et vénéneuse. Face à elle, Richard Wyler en bellâtre tombeur de femmes, est aussi excitant qu’une pelle à tarte.