Un dernier soupir - mélodie d'atmosphère à la critique qui suit.


Pour moi, Suspiria est un film fantastique. Et rarement ce mot aura si bien collé à une telle frénésie. Fantastique par sa mise en scène, fantastique plutôt qu'horreur pour toute la panoplie de cauchemars alambiqués qu'il contient, de métaphores fantomatiques et saisissantes. Cette magie ésotérique est totalement jouissive et s'inscrit dans tous les pans des choix du réalisateur, à tous les niveaux, dans toutes ses décisions. Evidemment, la première chose à souligner est la savoureuse esthétique colorée de Suspiria. Outre les filtres rouges et bleus, dont l'effroi est palpable du début à la fin, c'est une avalanche de nuances, de reflets et d'ombres qui attendent le spectateur. Je me dis souvent que le cinéma post noir et blanc a beaucoup de mal à retranscrire la beauté des nuances de gris, de noir, de blanc. Ici, c'est absolument somptueux, un modèle du genre, un rêve éveillé parfaitement imagé. Somptueux comme les décors fantaisistes aux couleurs de songes, la disposition du cadre (et des éléments) toujours mûrement réfléchie, la caméra qui se place sous différents points de vue. Du point de vue technique, c'est absolument exceptionnel et hors du commun. C'est ça, hors du commun. Suspiria est un espoir suspendu dans le temps, inaccessible, sombre, mélancolique, éreinté.


Les personnages secondaires sont aussi parfaitement écrits et joués, on se croirait dans un roman policier mystique avec des personnalités aux multiples tons et et visages, qui arpentent des masques à chaque apparition. Ils semblent eux aussi avoir une couleur différente, une atmosphère différente, une personnalité différente au fil de l'évolution de l'héroïne. Je lui ai trouvé quelques longueurs, mais j'ai vraiment beaucoup aimé, notamment la fin et le voyage dans cette magie obscure, une des plus belles séquences, au sens strict, que j'ai pu voir dans ma vie, tant le cinéma est oublié au profit de l'imaginaire, tant la technique, pourtant ultra-présente, force l'esprit à se laisser aller. Incroyable. La barrière constamment franchie entre le réel et l’irréel plonge le spectateur dans une veillée funeste, où la volonté de s'en sortir est toujours au moins aussi grande que l'envie de rester prisonnier du Suspiria.


Il y a quelques défauts, conscients ou pas, qui m'empêchent de mettre plus. Outre un manque d'émotions qui me détache totalement du personnage principal, victime naïve d'une fatalité étonnante, certains effets spéciaux sont clairement datés voire kitsch. De plus, je ne sais pas si c'est propre au cinéma de Dario Argento - j'en suis un parfait néophyte, mais la couleur du sang est déplorable. Est-ce l'époque, est-ce voulu, est-ce qu'il rappelle lui aussi à quel point Suspiria n'est que supercherie et théâtre ? Ce n'est peut-être rien, mais ces scènes sanglantes me faisaient sortir à chaque fois de ma rêverie fabuleuse. La musique, elle aussi, trop étouffante car trop forte, était parfois agaçante. Néanmoins, c'était souvent le malaise qui prédominait et j'aime être mal à l'aise devant un film. Rien n'est plus angoissant que le silencio.


Ne terminons pas sur une touche négative. C'est abyssal et somptueux. Bref, quelle aventure...

EvyNadler

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