Je vais m’abstenir d’écrire une critique classique, analysant l’écriture, la mise en scène ou le jeu d’acteur, pour me concentrer sur un mal contemporain dont T.I.M. est un exemple criant : le vide absolu de l’imaginaire SF qui caractérise trop de productions récentes.
T.I.M. s’inscrit dans un moule désormais usé jusqu’à la corde, une sorte de « presse » industrielle à fabriquer des films de science-fiction standardisés. On y retrouve cette esthétique froide et aseptisée, ces environnements vides et minimalistes à l’extrême, peuplés de quelques personnages solitaires, incapables de véritable communication humaine, que l'on met en scène dans des situations (explicitées ou pas, justifiées ou pas, selon le cas) d'isolement vis à vis du reste du monde. Ce qui permet de réduire le casting au minimum (deux acteurs principaux, quatre ou cinq rôles secondaires, aucun figurant), tout comme les lieux de tournage, si bien que ces films finissent par ressembler à des huis clos qu'une adaptation, minimale, permettrait de porter en scène au théâtre.
Si une telle approche peut être justifiée ponctuellement – notamment lorsqu’elle sert un propos sur un futur aliénant et déshumanisé –, elle devient problématique lorsqu’elle s’impose comme une norme. Or, aujourd’hui, ce style visuel et narratif est devenu un refuge pour des productions à bas coût, gangrenées par le CGI et tournées presque entièrement en studio. Ce n’est plus un parti pris artistique, mais une solution de facilité pour des œuvres Netflix-friendly, conçues pour remplir un catalogue plutôt que pour marquer les esprits. Des environnements vides, des scénographies épurées, sont bien plus facile à réaliser et à gérer lors du tournage, si tout ou presque doit être "construit" par ordinateur. Et tant pis si cela sonne 'faux'.
T.I.M., distribué à l'origine par le géant au « N » rouge, en est un parfait exemple : un film aussitôt vu, aussitôt oublié, comme tant d’autres, qui transmets une sensation d' irréalité, de factice et d'aliénation mais une sensation qui n'a rien à voir, malheureusement, avec l'intention narrative de science-fiction de départ. Ce vide minimaliste prétendument futuriste, n'est en réalité rien d'autre qu'un rideau posé maladroitement pour masquer un manque de moyens matériels mais aussi, et surtout, créatifs.
Où sont passées les visions marquantes qui faisaient la richesse de la SF ? Où sont les murs suintants de peau et d’acide d’Alien ? Et les villes chaotiques, sombres et surpeuplées de Blade Runner ? Les personnages odieux, racistes, égoïstes (et pour cela terriblement crédibles !) de District 9 ? Où est l’esprit d’aventure et la poésie d’une romance sur fond d’effondrement mondial et de psychose collective, comme dans Monsters ? Où est la SF qui s'appuyait complètement sur l'écriture, sur la suggestion, sur le récit pour pallier à l'impossibilité, par manque de budget, de montrer à l'écran des dingueries futuristes, comme le premier Terminator?
Certes, cette esthétique minimaliste peut encore fonctionner lorsqu’elle est utilisée à bon escient – il faut bien reconnaître qu'elle s'adapte à merveille au "projet" Black Mirror, par exemple.
Mais elle est trop souvent devenue un cache-misère, une façon de masquer le manque d’ambition et de moyens derrière une prétendue sobriété visuelle. Ne reste alors que la mise en scène d'un futur prétendument "frigide", pour répondre au contraintes de la production, sans que ce propos ne soit soutenu par une écriture à la hauteur de ses ambitions et capable de le justifier. Pour quelle raison les personnages de T.I.M. évolueraient-ils dans une maison qui semble inhabitée, inhospitalière comme le show-room d'un fabriquant de meubles au design de luxe? Mystère.
Heureusement, certains cinéastes résistent encore à cette uniformisation : Denis Villeneuve avec Dune, qui parvient à allier grand spectacle et puissance évocatrice, ou encore Everything Everywhere All at Once, qui prouve qu’un imaginaire foisonnant peut exister en dehors des blockbusters formatés.
Certes, nous parlons là d'un autre niveau de budgets, d'un autre niveau de talents. Mais c'est par là que, au moins, nous pouvons trouver à un film raté comme T.I.M. une raison d'être: il est le mètre de comparaison qui nous sert à faire le tri entre la bonne et la mauvaise SF...