Alors mettons tout de suite les pieds dans le plat. Si vous ne connaissez rien à l’univers de la musique classique, le film va devenir un peu plus complexe à approcher. Il y a beaucoup de références, beaucoup d’intelligence dans les dialogues avec des anecdotes réelles qui permettent de construire la crédibilité des personnages et du scenario.

A ce titre, il faudra d’ailleurs le voir peut-être deux fois pour jubiler de l’ensemble de ces détails qui fourmillent et font de ce film un enchevêtrement que l’on peut apprécier comme des poupées russes. Je pense que je n’avais pas vu de film aussi brillant depuis Rosencrantz et Guildenstern sont morts ; dans un registre très différent bien sûr.

Plusieurs sujets sont abordés, le tout soutenu par l’histoire fictive d’une chef d’orchestre et compositrice de renommée mondiale. On va y trouver la faillite d’un ancien monde, les dérives du pouvoir, la misère du désir à l’aube de la vieillesse, le wokisme, le mensonge des réseaux sociaux, le tout en pointillé.

La force du scénario tient en trois éléments de charpente : une histoire principale qui tourne en permanence autour du chef d’orchestre, des dialogues brillants et une série d’événements qui n’éclairent pas toujours la trame principale mais qui détoure et donne de la force au personnage principal.

Par exemple, on ne comprend pas forcément l’intérêt de la présence de la voisine de palier, de la chute de Tar dans un escalier (sinon symboliquement) ou des messages presque magiques qui apparaissent en pleine nuit sur un métronome mais paradoxalement, ça fonctionne !!

Voilà pour le scénario.

En ce qui concerne la mise en scène et le montage, il combine surtout des plans d’emsemble en lien avec le personnage principal. Quelques beaux plans larges pour les salles ou plans serrés pour la psychologie complète l’ensemble. Les personnages secondaires ne sont là que pour éclairer Lydia Tar, la chef d’orchestre. Il en ressort une impression de force glacée. Le film, pourtant sur la vie d’une musicienne, est très effacée musicalement. On va entendre quelques notes de la 5eme de Malher, le début d’un prélude de Bach et quelques accords au piano mais à aucun moment on n’entre dans la sensualité de la musique alors qu’elle est présente partout. C’est un parti pris tout en distance qui est à l’opposé d’un whiplash par exemple qui jouait à fond sur le corps et la sensualité.

Enfin, pour terminer je garde le meilleur : la performance époustouflante de Cate Blanchett. Pour ceux qui ne la connaissaient que dans les rôles insipides des blockbusters et qui avaient oublié qu’elle a fait ses débuts au théâtre avec une pièce de David Mamet, le retour à la réalité va être sévère. Elle incarne le rôle de Lydia Tar à la perfection. Et c’est une grosse claque. Plus que crédible, elle donne une force au personnage qui nous tient en haleine du début à la fin. Tour à tour impertinente, glaciale, troublée, amoureuse discrète, cynique, elle donne au personnage une telle existence qu’on peut, entre la qualité du scénario et de l’interprétation se demander si ce personnage n’est pas réel. C’est une prestation d’oscar qu’elle nous offre et on comprend pourquoi le réalisateur qui tourne là son troisième film avait écrit le scenario pour cette actrice. C’est un costume de grande mesure qui lui va à merveille.


heliogabale75
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le 22 nov. 2022

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