A l’instar d’Hugo, qui déclarait dans la Préface de Cromwell, « le beau n’a qu’un type, le laid en a mille », il est important de s’interroger sur les différentes nullités des films.


La nullité peut être amusante, outrancière, maladroite, irritante, fatigante, faire rire involontairement, ridicule, grotesque, gratuite, improbable, coupable… autant de facettes dans lesquelles on trouvera toujours, au détour d’un poncif, d’une explosion ou d’une lourdeur, quelques plaisir régressif et assumé, et qui vaudrait d’ailleurs qu’on crée un sondage, « Les meilleurs films les plus nuls ».


Mais il existe une autre nullité, de celle qui vous déprime dès la première demi-heure et vous plonge dans les abîmes de la dépression au travers de questions fondamentales sur le sens du récit, des intentions, du talent, du budget gâché, et de la vanité de l’humanité toute entière.


C’est la nullité minable, qui phagocyte dès sa naissance un film qui ne devrait même pas exister, et qui essore une franchise qui n’a rien donné de bon depuis bientôt trente ans, en déjà trois tentatives ratées. C’est ce pathétique sursaut du « back to basics » où l’on nous fait croire que l’équipe de winners est de retour, Cameron à la production, et deux personnages emblématiques qui cachetonnent avec une tristesse patente, l’un dans une carapace figée qui n’attend que la défiguration pour ressembler à son modèle d’antan, et l’autre qui se la joue badass dans chacune de ses répliques pour bien marquer la tendance actuelle, à savoir un trio female warriors qui va remettre à jour les pendules de la parité en matière de sauvetage de l’humanité.


La nullité minable, c’est plagier la gloire passée en pensant qu’on flattera les nostalgiques (une course en camion, une en hélicoptère, le retour du même scénario, à savoir tuer dans le passé les futurs héros de la Résistance, parce que les IA ont quand même pris le pouvoir, ahahah, les hommes n’apprennent rien, dira Sarah Connor, et il en est de même pour les scénaristes), c’est grossir le trait de l’apprentissage de l’humanité d’un droïde (For John, pitié) tout en faisant l’apologie des armes (This is Texas, pitié).


La nullité minable, c’est penser pouvoir cacher derrière la CGI l’ennui profond des comédiens sur fond vert, qui se mettent paresseusement au service des enchaînements de cascades, courses, chutes, immersion, rafales et lames, dans un pilotage automatique qui guide autant les machines face à leur mission que le blockbuster dans ses ornières.


La nullité minable, c’est prouver par cet étron triste qu’on a remplacé l’enthousiasme pour un divertissement grand public par l’exploitation cynique et ouvertement désabusée d’une concession au long cours qui devrait bien finir par générer du bénéfice.


Une seule bonne nouvelle : le dark fate de ce crash au box-office pourrait enfin empêcher de voir des retours dans le futur de cette minable extraction d’un glorieux passé. Mais, rappelons-nous, les hommes n’apprennent jamais.

Sergent_Pepper
2
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Blockbuster, J'ai pas d'alibi : j'ai honte, Les plus mauvaises suites de films et flop 2019

Créée

le 11 févr. 2020

Critique lue 2.2K fois

85 j'aime

11 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

85
11

D'autres avis sur Terminator : Dark Fate

Terminator : Dark Fate
Behind_the_Mask
6

¿ Si senior ?

Les gardiens du temple vous diront sans doute, depuis Le Jugement Dernier, que la saga Terminator, c'est plus trop ça. Ou le jugent comme tel, du moins, en forme d'affirmation péremptoire. Alors même...

le 26 oct. 2019

56 j'aime

7

Terminator : Dark Fate
Sullyv4ռ
2

Il n'y a pas de destin mais... Faudrait peut-être arrêter de se foutre de notre gueule 5 minutes !

Honnêtement je ne pensais pas voir ce film, la bande annonce avait suffit à me décourager de le découvrir en salle, mais je me suis dit qu'il faudrait que je découvre le massacre tôt ou tard, donc...

le 12 nov. 2019

52 j'aime

14

Terminator : Dark Fate
Buddy_Noone
2

L'histoire sans fin ?

L'ennui avec la franchise Terminator c'est que ses propriétaires successifs refusent de la laisser mourir. En 1991, la conclusion de Terminator 2 Le Jugement dernier n'appelait pas vraiment de...

le 17 janv. 2020

38 j'aime

8

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

767 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

703 j'aime

54

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53