Les réalisateurs de genre français tiennent souvent le même refrain : c’est compliqué de monter un projet en France. Entre la politique des auteurs, et les aides exceptionnelle du CNC qui n’accordent des fonds qu'aux films hybrides véhiculant des thématiques sociales ou environnemental ancré dans la réalité d’un quotidien assez terne (La Nuée, Grave). Il devient difficile d’aborder l’horreur surtout quant le long-métrage ne repose que sur un high concept. Heureusement Alexandre Bustillo et Julien Maury disposent d’une réputation dûment acquise sur le territoire, de leur début prometteur avec À l’intérieur jusqu’à Livide qui sera distribué par les frères Weinstein qui tenteront d'ailleurs de leur confier la suite du remake de Halloween de Rob Zombie avant que le projet ne leur passe finalement sous le nez, au même titre que le remake de Freddy Les Griffes de la Nuit et de Hellraiser. Finalement, ils se rabattront en 2017 sur une préquelle de Massacre à la Tronçonneuse intitulé Leatherface dont le final cut et le résultat très mitigé leur aura échappé. Les voilà donc revenu de leur pige aux Etats-Unis, le pays des opportunités où les réalisateurs jouissent rarement d’une liberté sur leur projet. Le duo de réalisateurs sera parvenu à obtenir un entre deux avec cette production française tourné en Belgique et en langue anglaise, fort d’une promesse alléchante naît de leur fantasmes de cinéphiles influencé par les cauchemars Argentesque et Fulcien (Inferno, Frayeurs, L’Au-Delà). L’intérêt de The Deep House repose donc totalement sur le poids de son argument marketing : un film de maison hanté sous l’eau dont le dispositif de mise en scène repose en grande partie sur les mécaniques du Found Footage.


Il est vrai que sans l’apport de ces séquences subaquatique tourné dans un gigantesque bassin, le film n’aurai été qu’un simple et banal trip urbex voué à reproduire le même schéma du genre que les Grave Encounters, Gonjiam Haunted Asylum et Catacombes avait déjà arpenter en long et large à grand renfort de fantômes et de jump scare racoleur. L’eau pourvoit toujours des environnements infiniment grand où l’homme n’est réduit qu’à l’infiniment petit et se retrouve être la proie des pires créatures et monstres tapis dans l’obscurité. Le film convoque un couple de youtubeurs qui vont chercher à explorer une maison enfoui au fond d'un lac du Sud de la France en filmant leur plongée grâce à un drone aquatique et des caméras embarqués qui vont leur permettre de varier les prises de vues. Mais la mystérieuse bâtisse va se refermer sur eux et livrer progressivement ses secrets. Il va leur falloir trouver rapidement la sortie avant que leur compteur d’oxygène ne s’égrène. Nous serons donc les témoins privilégiés d’étranges événements, prisonnier d’un décor anxiogène à l’atmosphère lugubre.

Au-delà de la peur généré par son histoire de crimes et de rites satanistes, le manque de visibilité et d’espace apportent un réel inconfort à l’expérience qui rendent le spectateur plus vulnérable et sur le qui-vive. La faible luminosité induit par ce tournage hors-norme sert également d’artifice puisqu’il accentue la désorientation et nuit intentionnellement à la lisibilité de l’action, ce qui n’empêche pas la tension de s’accentuer à mesure de leur enfoncement dans les ténèbres de la vieille demeure qui bénéficie d’ailleurs d’une direction artistique aux petits oignons. Chaque pièce visité fourmille de props et d’objets servant d’indice à un escape game machiavélique, permettant de mieux mettre en lumière une sinistre histoire de malédiction même si les plongeurs pourraient tout aussi bien être victime d’hallucination en raison du manque d'oxygène. The Deep House contourne habilement la linéarité de son récit par une solide mise en scène qui mise tout sur son ambiance angoissante plutôt que sur le surgissement de sa famille de revenant occupant encore les lieux. Le film ne sera d’ailleurs jamais aussi bon que lorsque la menace relève de la pure abstraction et de notre imagination. Evidemment, le dernier quart d’heure se borne à reproduire les effets coutumier d’une série B afin d’intensifier la peur panique de l’épouvante classique. Même s’il manque un peu de profondeur, l’effort de Bustillo et Maury se traduit comme un divertissement immersif et suffocant, ainsi qu’une véritable bouffé d’air frais dans un cinéma de genre français généralement engoncé dans les mêmes discours d’intégration et de problématiques sociales auxquelles le fantastique ne sert souvent que d’argument et de prétexte. Profitez-en bien, parce que la naissance de cette maison hanté sous l’eau tient d’un pure miracle qui n’est pas prêt de se reproduire de si tôt.

Le-Roy-du-Bis
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le 15 nov. 2023

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Le Roy du Bis

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