Très nettement, The Descendants a fortement déplu à plusieurs catégories de spectateurs.

D'abord aux amateurs d'originalité, et je les comprends. Effectivement, rien dans cette histoire familiale n'est foncièrement nouveau.
Le personnage aisé tellement absorbé par son boulot qu'il en est devenu distant de tous ceux qui l'entourent et que le drame intime remettra sur les rails des (vraies ?) valeurs humaines (s'occuper de ses proches, accorder de l'importance à ses racines, avoir une (vague) conscience écologique) est pour le moins convenu, je l'accorde sans Payne... euuh, peine.

Certains y ont même vu une vision nauséabonde d'un univers bobo (version Hawaïenne) peuplé de fantômes à la moralité putride tous dignes du même mépris car, merde, on ne mange pas de pain là, monsieur, nous qui manquons de tout alors que, merde, le problème de gens qui font du bateau et ont une piscine, hein bon...merde !

Il a tout aussi déplu aux amateurs (les plus jeunes ?) de rythme, vitesse, sensation fortes ou évidentes, pour des raisons simples.

Seulement voilà, si je comprends fort bien tous ces reproches, je vais me permettre de décliner à présent ce que j'y ai vu, moi, et qui m'a tant plu.

Tant de choses, en fait, tellement de détails.

Des tas de beaux moments, qui ne sont jamais construits ou amenés lourdement, d'abord.
Oh, je ne parle de la scène finale, qui est loin d'être une de mes préférées.
Non, je parle de tout ce qu'on peut cueillir, ici et là, et qui n'est jamais la conclusion d'une scène. C'est là, dans l'air, au milieu, en suspens. Un regard, un geste, une remarque.
De ces instants qui font qu'un véhicule éculé (je rappelle que la vie est belle de Capra ou la Valse dans l'ombre de Leroy, ne firent rien d'autre que dérouler une histoire mille fois racontée) se transforme en carrosse doré de notre imaginaire.
Un peu la différence entre un produit et une œuvre. Entre l'artisanat et l'art, peut-être.

Des tonnes d'erreurs évitées, de facilités contournées. Rien de mieux, pour illustrer ça, que rappeler que les seuls personnages riches (au sens de l'écriture), vivants et vrais sont ceux qui se montrent complexes, non monolithiques, et surtout qui évoluent au cours de l'histoire: à la fin du film, Matt King ne pourra dire en pensée les mêmes choses que ce que nous entendons au début, en voix-off.
Aucun personnage n'est franchement haïssable (le jeune copain, le beau-père, l'amant) et parmi les meilleurs moments, il y a ceux où Matt refuse la vengeance (annoncer haut et fort deux ou trois vérités bien saignantes) qui eut été facile, libératrice mais terriblement vaine.

Une ambiance, enfin, un peu rare et décalée.
OK, The descendants est aussi une superbe carte postale, mais que voulez-vous, moi j'aime bien voyager quand je plonge dans un film, et Hawaï, dont je ne connaissais que les chemises hautement repoussantes, est une belle source de dépaysement.
Et puis j'aime bien (le temps du film, hein) la guitare exotique. Ça permet de déplomber l'ambiance. D'ailleurs, la musique permet de souligner subtilement l'humour, toujours sous-jacent (marque de fabrique d'Alexander Payne), qui baigne constamment le propos.

Et forcément, une fois qu'on a dit tout ça, il est presque inutile de préciser que les moments d'émotions sont forcément beaucoup plus puissants qu'à l'accoutumée, puisque non teintés du scepticisme si fréquemment éprouvé ailleurs. Cette émotion n'est jamais une fin en soit, mais est au contraire le signal d'une transition qu'empruntent le père et ses deux filles, le témoin d'une évolution en devenir.

Tour à tour léger, grave, drôle, envoutant, subtile, profond, le film flotte sur une ligne fragile mais continue qui ne s'éloigne jamais très loin de l'idée qu'on peut se faire du petit bijou, rare et chaleureux.
(je n'ai pas envie de parler de perfection).

Si je n'avais pas totalement goûté à Sideways, The Descendants reprend la trajectoire empruntée par Mr Schmidt (capable de réelles fulgurances) en en occultant les principaux défauts.

Payne peut-être, mais surement pas in the ass.
guyness

Écrit par

Critique lue 3.3K fois

85
36

D'autres avis sur The Descendants

The Descendants
Sergent_Pepper
6

« Everything just happens »

Par bien des aspects, The descendants évite les nombreux pièges inhérents à son sujet. La gestion de l’agonie et la préparation du deuil de la mère ont de quoi en effet livrer tout un pathos...

le 16 avr. 2014

28 j'aime

8

The Descendants
zeugme
5

Critique de The Descendants par zeugme

Si après avoir regardé ce film, vous vous reconnaissez dans le personnage de Clooney, je ne veux jamais faire partie de votre famille. Bon gros exercice de manipulation à la American Beauty. Y'a-t'il...

le 31 déc. 2011

26 j'aime

18

The Descendants
SlashersHouse
8

Notre paradis Hawaïen.

The Descendants, adapté du roman éponyme de Kaui Hart Hemmings, est le nouveau long-métrage d'Alexander Payne, connu pour son Sideways et son Monsieur Schmidt. Chose ne surprenant guère, l'œuvre...

le 24 janv. 2012

21 j'aime

3

Du même critique

Django Unchained
guyness
8

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

le 17 janv. 2013

343 j'aime

51

Les 8 Salopards
guyness
9

Classe de neige

Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...

le 31 déc. 2015

314 j'aime

43

Interstellar
guyness
4

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

le 12 nov. 2014

296 j'aime

141