Tout d’abord, ceci n’est pas une critique


C’est une analyse structurée, personnelle et réfléchie 24h après visionnage (à demi-chaud donc).


Nous étions en réunion hebdomadaire du Halo Magazine et j’ai eu la subite envie de prendre la séance de 20h. Vu que j’ai un pass 6 mois illimité, j’en profite voyez vous, cultivez vous qu’ils disaient. Alors soit, je vais clore l’oeuvre et de ce qui semblerait bien être le baroud d’honneur de Lars von Trier.


Mais avant toute analyse, regardons ce qu’est l’exception / anomalie de la planète Lars von Trier. Il est danois, névrosé, alcoolique, visionnaire, drogué, implacable, imbattable et grand dépressif.


"Aucune expression créative de valeur artistique n'a jamais été produite par des ex-alcooliques et des anciens drogués. Qui voudrait des Rolling Stones sans alcool ou de Jimi Hendrix sans héroïne ?"


14ème long métrage, avec le plus de temps entre deux sorties (5ans, dernier en date Nymphomaniac vol. II, je vous recommande à ce titre les deux volumes en director’s cut, si vous ne savez pas par où commencer dans son oeuvre, c’est un très bon matériaux de base, au même titre que Breaking the Waves et Dancer in the Dark. Melancholia reflète parfaitement le processus créatif du réalisateur qui, écoulait plus d’une bouteille de vodka par jour lors du tournage, le faisant rentrer dans un “monde parallèle”), ce film est l’aboutissement d’un règne, d’une marque profonde et engagée d’un réalisateur marquant et marqué. Sans plus tarder, voici mes propos sur:


THE HOUSE THAT JACK BUILT


Pour corser l’exercice, je réalise cette dernière durant la totalité de
https://www.youtube.com/watch?v=Cwas_7H5KUs
que je vous invite à trouver sur YouTube en fond sonore si possible.


THE HOUSE THAT JACK BUILT
est éprouvant
La moitié de la salle est sorti à la moitié du film, ce dernier est interdit aux -16ans. Un -18 serait plus approprié, bien qu’il est d’une extrême nécessité que de connaître ou tout du moins être sensibilisé au travail de LVT.
Tant physiquement que mentalement, c’est une expérience pure en terme d’audace, de cinéma et surtout surtout, d’au revoir de ce réalisateur.
LVT a toujours joué avec les femmes, tantôt dans des situations fortes (Melancholia, Nymphomaniac, Antichrist) tantôt dans des situations désespérées (Breaking the Waves, les Idiots, Dogville), ici il ne joue plus, c’est terminé, le jeu laisse place au massacre sous forme de jeu, il les défoncent littéralement. La torture psychologique laisse place à la torture physique des personnes jusqu’à ce que ces deux tortures s’appliquent au spectateur en fin de film. Plus nous avançons dans le film et les relations, plus le travaille de réalisation, d’écriture et de discussions évoluent, s’installent et donc, percutent et répercutent sur Jack.


THE HOUSE THAT JACK BUILT
n’est pas provocant
Comme à chaque sorties de ces films, la presse s’embrase, la croisette s’affole, c’est à qui sort le plus vite de la salle que cela se joue. Ce film n’est pas provocant, mais LVT l’a toujours été. Son oeuvre tout entière l’est si nous séparons film par film et sortant du contexte de l’oeuvre générale. The House that Jack Built ne cherche pas à créer ou innover d’un quelconque manière, il ne reprends que les nombreux codes créés ça et là depuis près de 30 ans par son réalisateur. Nous connaissons les risques de ces films, nous savons maintenant qui est le personnage, au même titre que Tarantino, Terry Gilliam, David Lynch..


THE HOUSE THAT JACK BUILT
est LARS VON TRIER
Le film est omniprésent de référence, il transpire et crie ses références, le passé du réalisateur, son envie de s’affranchir des étiquettes collées sur le front de LVT. Il y applique sa patte, naturellement par ses plans à l’épaule en zooms pour les ⅔ du film, pour terminer sur des plans fixes, immaculés d’une beauté satanique, mais nous j’y reviendrai très vite.
Il désire laisser une oeuvre pour la postérité, aux délires assumés et surtout avec de gros doigts d’honneur aux critiques, spectateurs. Cela passe des plans cru de violence, de perversion et de voyeurisme tout en conservant un humour ironique mais salvateur. Jusqu’au délires auditifs, musicaux et situationnels de Jack, du réalisateur qui se reflète dans Jack, du spectateur se reflétant dans Jack qui reflète LVT.. ainsi de suite.
Vite plus que 16 minutes de musique
LVT est néanmoins plus permissif, décomplexé et audacieux quand à l’utilisation d’image d’archives, de peintures et de références / parallèles.


THE HOUSE THAT JACK BUILT
est religion
Tout le film est une fable entre LVT et l’enfer, le jugement et l’acceptation.
Il part finalement à 62 ans en nous laissant pour ultime oeuvre ce film.
Il s’accepte enfin, et nous livre le plus bel hommage au thème le plus récurrent, la religion.
L’enfer est sur terre et LVT n’aime, ni ne comprends les Hommes, mais il veut montrer pourquoi et comment il les voit. Ce sont les limites de l’humain en général qui l’intrigue, le pousse et directement, nous spectateur, à travailler sur notre part de tigre et non de brebis. Tout ce film est narré comme une psychanalyse avec la Verge, avec son évolution, ses TOC, ses caractéristiques fièrement affichées face écran. LVT est un humain ne comprenant pas les humains mais essaye d’apporter une vision concrète, sincère et crue de l’humanité.


THE HOUSE THAT JACK BUILT
est ingénieux et architectural
Toute l’oeuvre repose sur sa fonction méta d’hommage au cinéma de LVT. Et uniquement ce dernier. Il est à la fois ingénieur et architecte de ce qu’il a créé dans le cinéma; il propose au terme de sa quête une destruction de ce qu’il a construit, même en démystifiant certains codes, certains thèmes, comme celui de l’absurdité ou des hallucinations entre le réel et le rêve éveillé. Plus expérimental et viscéral, il signe un dernier regard sur ce que nous sommes et comment nous avançons sans vraiment savoir ou aller. Au contraire, LVT savait exactement où aller, et il en arrive (ou termine, à vous de voir) avec ce film.
Tout est testamentaire, incertains, tangible et fragile, mais arrive à une extreme delicatesse.
Comme une architecture retournée perdue d’avance avec un puit sans fond, LVT avoue et assume ses péchés tout en le sublimant et rappelant que peut importe ce que nous faisons, croyons ou comment nous nous cachons derrière des croyances, il veille toujours au dessus de nous dans une lumière satanique. Je termine donc ces trois pages dans les temps.
N’oubliez pas d’aller voir ce film qui ne sera pas distribué longtemps. N’oubliez pas qu’il n’est pas pour tous, mais que si j’étais ministre de la culture, sa filmographie devrait être accessible à tous. Mais que tout le monde ne peut pas apprécier ce film, ce qui est totalement compréhensible, d’autant plus avec ce drôle d’oiseau là.


THE HOUSE THAT JACK BUILT
c’est l’histoire de Jack, un psychopathe grandissant rêvant de créer une maison et une oeuvre plus grande encore.
ou/et
c’est l’histoire de LVT, un sociopathe arrivant au terme de son épopée, rêvant de créer une oeuvre et un univers plus grand encore.

cataleptisis
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le 25 oct. 2018

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cataleptisis

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