[Critique avec spoilers]


La cruauté d’Antichrist, l’élégie de Melancholia, et la perversité de Nymphomaniac. Lars von Trier propose dans son dernier film, une sorte de Melting pot de ses dernières réalisations.


The House that Jack Built, c’est la critique d’une société qui serait en déclin, la perdition de l’homme et la médiocrité du monde vu selon l’œil de Lars von Trier. Derrière Jack, le tueur en série, se cache un discours haineux glorifiant crimes de masses et atrocités commises par les régimes dictatoriaux. Crimes qu’il met en parallèle avec l’art, mais aussi avec les œuvres de Gleen Gould ou de William Blake, tous deux considérés comme « fous » par leurs contemporains à l’image du tueur. Jack c’est avant tout la personnification d’un monde qui se perd, à la fois l’alter ego de Lars von Trier lui-même – qui en 2011 avouait son goût pour l’architecture d’Albert Speer, mais c’est aussi la personnification de l’homme dictatorial. Si Hitler souhaitait avant tout devenir peintre, Jack lui ingénieur de formation rêvait de devenir architecte. Si Hitler abandonne la peinture, Jack lui abandonne ses deux premières maisons qu’il finit par détruire, et qui sont pourtant les plus stables des trois, à l’image du régime démocratique.


Les victimes représenteraient alors le peuple aliéné et perdu par les fausses promesses d’une démocratie à bout de souffle, poussant une femme à croire à n’importe quel mensonge jusqu’à laisser entrer le tueur s’identifiant d’abord comme policier, puis comme assureur. Ces femmes tombent d’abord sous le charme de Jack (la figure autoritaire, le meneur, le guide) avant de se faire littéralement massacrées par cette même personne. Une société en déclin, ou l’autorité même peine à protéger ses populations « Crie, personne ne viendra te sauver dans ce monde de merde » dira Jack à Simple, condamnant un « monde de merde » détérioré par l’individualisation de la société. Ni la police, ni les voisins ne semblent intervenir face à un danger qui semble pourtant évident. Police qui est l’organe même de l’Etat, comme si Lars von Trier pointait du doigt la responsabilité gouvernementale des pays face à la montée des populistes dans le monde. Il réalise là, une sorte de manifeste suite à ses propos en 2011 qui lui ont valu l’interdiction à Cannes. Lars von Trier, se dira lui-même « inspiré par Donald Trump pour son nouveau film ».


Cependant, si la maison en parpaing ou en bois peut se reconstruire sans la présence de Jack (comme pour toute démocratie), la maison en cadavre bien qu’elle soit stable nécessite d’avoir à sa tête un chef, et avant tout un fou. Tout comme les régimes dictatoriaux qui ont été bâti, sur les cadavres du peuple et des ennemis du peuple, que cela soit l’Etat fasciste, ou l’Etat communiste. Et comme pour tout régime dictatorial, Jack finit par chuter en Enfer, sans pouvoir se rattraper, le mal est déjà fait, les propos de Lars von Trier sont impardonnables. C’est la chute d’un régime comme celui d’Hitler, ou la chute du régime communisme.


Dans son film, Lars von Trier propose à la fois une alerte et une critique d’une société contemporaine naïve qui se ferait avoir par les arguments des partis populistes, en insistant néanmoins sur le fait qu’un tel régime ne conduira non pas à la chute de la maison idéale qui reste intacte à la fin du film. Mais à la chute de son créateur même, sans qui elle ne pourra être reconstruite, d’où son aspect éphémère telle la cabane dans les bois.

Svarog
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le 1 nov. 2018

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