Que dire du dernier film de Lars Von Trier, The House That Jack Built ?


C’est avant tout le récit de la naissance d’un serial killer : Jack (incarné par Matt Dillon), ingénieur de formation, commet son premier meurtre à la suite d’une rencontre avec une (insupportable) auto-stoppeuse incarnée par Uma Thurman. Tout s’emballe et les meurtres s’accumulent. Lars Von Trier nous offre, pour son dernier film en date, une véritable descente en enfer dantesque.


Jack semble être protégé par une force divine qui le pousse à accomplir sa funeste destinée : une pluie diluvienne efface les larges traînées de sang d’un cadavre attaché à l’arrière de son véhicule. Jack est incoercible malgré son amateurisme frappant et son trouble obsessionnel du nettoyage, le poussant à revenir quatre fois sur sa deuxième scène de crime pour s’assurer qu’il n’a laissé aucune trace de sang. Paradoxalement, moins il fait attention et plus il a de succès car



la meilleure manière de se cacher c’est de ne pas se cacher.



Lars Von Trier nous questionne directement sur notre moralité en mettant la réussite d’un anti héros total au centre de son récit. Et... nous voulons qu’il réussisse.


The House That Jack Built est aussi une discussion sur l’art et la violence. Le structure même du film, sous la forme d’un diptyque de 5 incidents (meurtres), rappelle des œuvres majeures comme La Guerre, d’Otto Dix, 1929-1932 (qui est un triptyque). Jack s’imagine être un artiste et ses actes meurtriers constituent son œuvre. Son matériel de base n’est pas le bois ou le marbre, ou bien une toile, mais des cadavres froids en décomposition. Il est pour lui impossible de composer avec autre chose. En effet, il n’arrive pas à terminer sa maison en bois (initialement en parpaings). D’ailleurs, son atelier est une chambre froide dont lui seul semble supporter la température extrème et dans lequel gisent les restes de ses victimes.


Mais comme un bon nombre d’artistes, Jack n’est jamais satisfait de ses créations. Il revient souvent sur ce qu’il a produit, en modifie le contenu, réajuste les paramètres. Il a également besoin de reconnaissance en partageant au monde ses créations ; c’est pour cela qu’il envoie des photographies de ses mises en scène macabres à la presse locale.


The House That Jack Built est finalement une œuvre très personnelle de Lars Von Trier. Le personnage de Verge est une extension du réalisateur et on retrouve, dans son discours, des éléments qui ont été notamment sources de nombreuses polémiques au festival de Cannes de mai 2011. Nous retrouvons les Stuka, bombardier allemand à la conception étonnante et dont le bruit terrifiait tous ceux qui étaient sur le champs de bataille mais également des extraits de Nymphomaniac.


Pour finir, The House That Jack Built a plusieurs facettes et j’ai effleuré ici qu’un petit nombre d’entres elles. La caméra à hauteur d'épaule, très mobile, fait de nous les accolytes de Jack. Parfois drôle, c’est un avant tout un film choc, extrêmement violent, qui ne vous laisse pas indifférent.

ArapaimaGigas
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le 4 mai 2020

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ArapaimaGigas

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