"La plus belle des ruses du Diable est de vous persuader qu'il n'existe pas."*

Policier dans le village de Gok-seong, Jong-goo (Kwak Do-won) enquête sur des meurtres commis par des membres du village apparemment atteints de démence. Ses soupçons portent vite sur un Japonais (Jun Kunimura) installé dans la forêt, à l’orée du village. Ce dernier semble en effet pratiquer d’étranges rituels… Mais Jong-goo ne se laisse-t-il pas simplement entraîner par sa xénophobie ?


Il y a des films impossibles à critiquer. The Strangers en est la parfaite illustration. Ne vous attendez donc pas à ce que je critique le film en profondeur : c'est absolument impossible.
Extrêmement déconcertant par sa manière de mélanger les genres, on ne sait jamais trop si on est en train de regarder un thriller, un drame, un film d’horreur voire une comédie. En fait, la citation de l’Evangile de Saint Luc qui ouvre le film nous met sur la voie : plus que tout cela, c’est une parabole que va nous raconter le réalisateur Na Hong-jin, par ailleurs lui-même chrétien. Au-delà d’un film sur l'homme et les religions, The Strangers n'est finalement rien d'autre qu'un film sur la foi, sur ses doutes et sur les notions de Bien et de Mal qui lui sont inhérentes. Cette tension entre les deux, et la difficulté que l’on peut parfois trouver à différencier l’un de l’autre, Hong-jin l’illustre magnifiquement, notamment par une mise en scène d’une esthétique très travaillée, mais également par le choix des images et des symboles qu’il emploie pour donner corps à sa parabole.
Commençant comme un film banal sur la xénophobie, The Strangers s’enfonce bien plus loin dans son sujet, nous offrant une réflexion qui confine presque à la méditation, tant elle s’avère d’une richesse et d’une profondeur étonnantes, quoiqu’il sera toutefois difficile de saisir ces dernières de prime abord. Car en effet, pour arriver à appréhender toute la complexité du film, il faut passer sur deux longues heures parfois prenantes, mais au rythme inégal, pour arriver à un final si incroyable qu’on en sort littéralement sans voix, et il faudrait finalement relancer le film dès l’instant où l’on en sort.
Pour peu que l’on soit sensible à toute cette réflexion philosophique, voire - osons le mot - métaphysique, qui s’articule autour de la dualité entre religion et superstition, entre Bien et Mal, entre Vie et Mort, entre Dieu et Diable, on n’aura dès lors aucune peine à voir un chef-d’œuvre dans ce film qui remue l’âme comme peu de films savent le faire, et qui hante l’esprit bien longtemps, après sa vision. Si l’on n’y est pas sensible, il sera certes plus difficile d’adhérer à une œuvre qui paraîtra assez absconse, mais l’on ne gagnera rien à chercher des interprétations toutes faites souvent bien discutables (quoique toujours intéressantes).
Car The Strangers n’est pas un film qui s’explique, il est un film qui se ressent. Et de quelque manière qu’on le ressente, lorsqu’on en sort, on n’est de toute façon plus tout-à-fait le même…


*J'espère que vous ne croyez pas que cette citation vient de Usual Suspects, sinon vous avez des progrès à faire...

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le 14 mai 2017

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Tonto

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