Après les excellents The Chaser et The Murderer, dire que j'attendais le dernier Na Hong-jin est un euphémisme. Tout commence comme un thriller très classique dans la campagne coréenne. Un flic un peu idiot (on a décidément l'impression qu'ils le sont tous en Corée) découvre les cadavres mutilés de quelques habitants de son village. L'enquête qui le mène rapidement vers un proche des victimes bascule peu à peu dans le fantastique.
Ce basculement est progressif, le film ne prend clairement pas le spectateur par la main. Il se passe en effet une bonne heure lors de laquelle les questions s'accumulent sans apporter la moindre réponse ni un début de piste. Le rythme très lent oblige à s'accrocher pour ne pas perdre le fil. On est loin de l'efficacité brute de The Chaser par exemple. Il s'agit d'installer avant tout une ambiance, et quelle ambiance ! Premièrement c'est beau. Genre putain de beau. On savait le réalisateur doué, ici il est encore un cran très au-dessus. La campagne coréenne rappelle évidemment Memories of Murder avec ses champs, ses petites maisons et la pluie très présente qui brouille davantage les pistes. Ensuite les acteurs sont sublimes avec une mention pour la gamine qui nous offre une prestation complètement hallucinée.
"Halluciné" me semble le bon adjectif pour décrire la suite du film. Le calme de la première partie s'arrête d'un coup et le film bascule, le réalisateur se déchaîne. Je n'en dirais pas beaucoup plus mais ça frise le jamais vu au cinéma. Il y a quelques errances ici et là mais c'est d'une puissance phénoménale. Rarement un film n'aura autant fait ressentir la détresse et l'impuissance des personnages au spectateur. Ce qu'on pouvait prendre pour une maladresse scénaristique dans la première partie prend tout son sens au fur et à mesure du cauchemar de The Strangers. Tout est fait pour arriver à un point précis, la fin donc, complètement perdu, déboussolé. Les nombreuses scènes d'action, hyper violentes, nous sont assenées comme un gros coup dans la tronche. On ne comprend pas The Strangers, on le ressent. Certaines scènes sont parmi plus folles que j'ai vues dernièrement et resteront imprimées sur ma rétine encore longtemps. C'est là toute la force du film, son caractère universel dans l'horreur alors qu'il fait appel à de nombreux éléments très éloignés de notre culture.
On lui pardonne donc de nous balader parfois exagérément. On lui pardonne sa mise en place un peu lente. On sort de là groggy avec cependant l'envie d'y retourner. The Strangers ne plaira pas à tout le monde. Mais ceux qui y seront sensibles y trouveront un diamant noir et jusqu'au boutiste comme seule la Corée est capable de nous offrir aujourd'hui.