Quand c'est mauvais autant se gaver.
Au moins ça fera taire ceux qui disent qu'Aronofsky c'est juste des couches de style qui salissent les doigts, même si c'est la même chose qu'il y a vingt ans : il s'adapte. Mais maintenant c'est trop statique, donc c'est du théâtre. A part ça, le film a deux qualités.
Un, il n'oublie jamais son sujet et l'enjeu reste le même du début à la fin. Il a un protagoniste mourant, et la situation ne sera jamais meilleure ou pire, le danger est omniprésent, tant qu'il y a une récurrence - presque redondante à force - de scènes qui se trouvent interrompues par le besoin de soins, justifiant le huit-clos et l'attraction qui semble s'exercer autour de Charlie, le plaçant en inverse de la "mother" de Mother!, qui voyait le monde s'effondrer sans qu'elle puisse y remédier. On retrouve également le motif de l'invasion, puisque tout le monde, y compris ceux n'ayant a priori rien a faire là (pensée pour le missionnaire, trop présent pour ce qu'il apporte), vont se réunir dans ce qui figure très littéralement comme un tombeau, toujours dans la pénombre, autour d'un être qui sombre. La caméra n'a pas de pudeur à son égard, puisqu'il incarne bien souvent un simple point d'ancrage, généralement immobile, l'action se déroulant autour de lui, sans pour autant l'abandonner, car comme dit plus haut, son existence même doit rester un enjeu. Le seul moment où il passe véritablement au second plan c'est quand sa fille lui donne des somnifères. Par ailleurs les moments où il est complètement seul sont souvent plus illustratifs qu'autre chose, et n'ont pas un intérêt fondamental ; le film reste propre à ce niveau, l'obésité dans sa réalité brute ne l'intéresse pas et ne constitue pas un spectacle.
Sa seconde qualité, c'est que malgré l'épaisseur de ses dialogues et leur consistance thématique (les mots sont toujours impactants), il ne fait pas de psychologie complexe, et c'est ce qui en fait un film profondément positif, puisqu'il ne s'agit jamais de comprendre ou de résoudre, mais de sauver. J'ai dit qu'il conservait un enjeu unique tout du long, logiquement, il n'y a vite plus d'enjeux. Tout est déjà joué pour lui, mais le fatalisme laisse place au vitalisme puisqu'il ne cesse de lutter pour rester un personnage actif. Et cela ne fait que rendre le rapport d'Aronofsky à la religion plus trouble, car le film prône la chair dans tous les sens du terme, pour dire que l'important se trouve dans le vie terrestre, et on revient à l'inverse de Mother!. Il n'est question que de bon et de mauvais, et le tout devient presque bête, mais aussi vraiment beau, quand il parvient à mettre de côté tous les angles négatifs des personnages pour créer une union dans un élan global, une force qui - littéralement - nous fait marcher les uns vers les autres.
Probablement trop premier degré pour être véritablement reçu.