Contrairement à beaucoup de monde, je n’ai pas connu Julia Ducournau avec son film « Grave » de 2017. J’ai vu tout d’abord son long métrage, « Titane », cet été 2021, mais comme beaucoup de monde, j’ai pris une claque monumentale.
(ça spoil pas mal à partir de là, attention)
Parfait OVNI de l’année, Titane est une pépite du cinéma français. Nous découvrons Alexia (brillamment interprétée par Agathe Rousselle), le personnage principal, une danseuse qui souffre sans doute d’un violent syndrome post-traumatique. Comparable à un hybride, (rêve d’une relation sexuelle avec une voiture, perte d’huile de vidange,…) Alexia semble être complètement anticonformiste. Dès le début du film, elle tue un de ses admirateurs bien trop intrusif, Justine (interprétée par Garance Marillier) son amie, puis enfin ses parents. Devenue une tueuse en série, Alexia est activement recherchée pour meurtre. Perdue et sans personne pour l’aider, elle devient Adrien, le fils disparu depuis des années d’un sapeur pompier, Vincent Legrand (interprété par Vincent Lindon). A partir de cet instant, Alexia cache sa féminité comme elle peut en bandant son ventre de femme enceinte et sa poitrine. Vincent Legrand est un personnage que j’ai trouvé assez touchant. Cet homme est tourmenté par la disparation de son fils et redevient le père d’un faux Adrien. Quand Alexia fuit le domicile de Vincent, celui-ci fait une tentative de suicide. Elle revient finalement en l’appelant pour la première fois « Papa ». Elle se doit d’être Adrien et Vincent se doit d’être son père, ils ont besoin l’un de l’autre. Juste avant de découvrir la féminité de son « fils » Vincent lui dit « Je veux pas savoir qui t’es, t’es mon fils. Tu seras toujours mon fils. Le reste je m’en fous ». Peu importe qui elle est. Elle ne peut plus être Adrien et c’est sa féminité qui l’a trahit. Lorsqu’Alexia meurt en donnant naissance à un enfant mi humain-mi hybride, Vincent redevient père une fois encore.
Julia Ducourneau mêle sexualité et cinéma et fait un travail particulièrement appliqué sur l’esthétique de la chair et de la mécanique. Deux rencontres de genre qui font écho au changement de genre d’Alexia et au film de « genre ». L’horreur est également l’une des caractéristiques de la réalisatrice, mais comparé à « Grave » j’ai trouvé « Titane » plus subjectif dans l’horreur. Bien que le sang ne fasse pas tout, certaines scènes étaient particulièrement dérangeantes comme lorsqu’Alexia tente de s’avorter seule avec une baguette à cheveux. C’est un long métrage violent et dérangeant qui sort des codes cinématographique. C’est un film fort, touchant et sans complexe. L’histoire n’a pas grande importance ici, Julia Ducourneau veut nous montrer la souffrance physique et l’encaissement de celle-ci. Son regard sur les corps est sublime. Celui d’Alexia est meurtri, recouvert de griffures et son nez est cassé. Quant à Vincent, rattrapé par l’âge, il s’injecte des stéroïdes chaque soir, ce qui lui donne un corps étonnamment musclé pour quelqu’un d’âgé.
En bref, je m’attendais à tout sauf à ce que j’ai vu. J’ai eu peur à plusieurs reprises, me demandant si Ducourneau savait où elle allait avec son film. Tout les tournants qu’elle lui fait prendre m’ont gardé en haleine jusqu’à la dernière minute. Un chef d’œuvre français et un véritable coup de cœur !