Trap
5.4
Trap

Film de M. Night Shyamalan (2024)

L’incrédulité comme un ego qu’il faudrait ravaler.

Ici, vraiment, oubliez tout ce que vous croyiez savoir sur la bonne tenue d’un thriller honnête, M. Nuit n’en a que faire de vos critiques, il n’est pas là pour vous prendre au sérieux, ni même pour se prendre lui-même au sérieux, M. Nuit veut seulement s’amuser.

Le cadre posé annonce tout de suite la couleur : 20 000 personnes réunies dans une salle, encerclées par la police, et notre protagoniste, père de famille attentionné et tueur en série à ses heures perdues, doit trouver un moyen de sortir de là sans se faire contrôler, parce que la profileuse en chef a bien briefé tous ses gars, et si l’un d’eux croise notre tueur et l’interroge, il sera aussitôt démasqué, un peu comme Pacman perd une vie dès qu’il touche un fantôme.

Oui, Pacman, il y a un peu de ça. Trap est un film avant tout ludique, qui n’a rien à dire, si ce n’est sur lui-même.

De là, chaque nouvel obstacle sera plus improbable que le précédent. Et chaque résolution sera un deus ex machina, une facilité scénaristique sortie d’un chapeau aussi profond que la fosse des mariannes.

Et c’est là que le film devient intéressant. Parce que qu’est-ce qu’il reste quand rien ne va dans le récit, quand on n’en attend plus rien parce qu’on sait qu’on peut s’attendre à tout ?

Il reste le personnage. On sait ce qu’il est très vite, pas de twist un peu chiant cette fois-ci, et dès lors on n’attend qu’une chose : qu’il révèle son vrai visage. On veut voir ce père dévoué à sa fille révéler son visage pervers, sadique, on veut le voir renverser le récit, le prendre en main, devenir le narrateur plutôt que le protagoniste, et péter un câble dans un climax furieux.

L’enjeu du récit est là plutôt qu’à savoir s’il va s’en sortir ou non et d’une certaine manière, Shiyamalan se livre à une réflexion sur le personnage au sein du récit : à quel point peut-on faire du personnage le récit lui-même, et se foutre de tout le reste ?

Tout le film joue là-dessus : il place les attentes du spectateur, non sur l’enjeu du protagoniste, mais sur le protagoniste lui-même. Et c’est assez bien vu, il faut l’avouer.

Sauf que, comme bien souvent, M. Nuit ne tient pas ses promesses. Et notre attente de ce final jouissif, qui serait aussi improbable que tout le reste, où notre gentil Pacman finirait par devenir le boss de fin dans un retournement dantesque, n’arrive jamais. C’est un peu esquissé dans le plan final, mais il est beaucoup trop tard pour qu’on ait l’impression d’en avoir eu pour notre argent.

Il aurait fallu plus de folie dans le dernier tiers, et sans doute aussi rendre le personnage de la profileuse, antagoniste en chef, plus intéressant, et plus proche, psychologiquement parlant, du protagoniste. De la violence, purée, on voulait de la violence ! Là, on aurait eu un truc qui tient vraiment la route et qui envoie valser tout le thriller américain dans un rire cynique.

Mais, au lieu de ça, une fois de plus, un film de Shiyamalan nous plonge dans la frustration, même si globalement on s’est pas trop emmerdé.

JaunieBigoude
6
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le 18 mars 2025

Critique lue 5 fois

JaunieBigoude

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