Virilité touchée en plein cœur

Difficile de ne pas avoir eu vent de True Grit, récente figure de proue d'un western moderne à la recherche de sa gloire d'antan ; déjà porté sur grand écran sous le titre Cent Dollars pour un Shérif, cette adaptation du roman de Charles Portis par la paire Coen s'attachait donc la renommée des deux frangins, d'autant que la présence d'un excellent casting sous leur direction achevait de faire saliver.

Dans les faits sa réputation n'est pas usurpée, il s'agit même d'un excellent divertissement, mais pas au point d'en faire un Coen référence : le gratin du gratin de la fratrie demeure donc Fargo, car bien que plus consistant qu'un O'Brother ce long-métrage souffre d'une carence d'enjeux palpable, sa trame n'atteignant pas l'envergure scénaristique espérée.

Pourtant, l'intrigue était de base attrayante, les quêtes vengeresses valant doublement (si ce n'est plus) leur pesant de cacahuètes entre les mains fort habiles de tels cinéastes ; le récit s'arquant d'autant plus autour d'un protagoniste original (une jeunette de 14 ans) s'associant à une figure certes plus classique, mais prometteuse chez les Coen (un Marshal porté sur la bibine et bourru comme pas deux), True Grit se posait d'entrée de jeu comme une claque à retardement.

Comme suggéré précédemment, celle-ci n'a pas vraiment lieu malheureusement, la chasse à l'homme mettant bien trop de temps à décoller véritablement, tandis que le devenir de Tom Chaney et la bande de canailles l'accompagnant sonne comme précipité ; le montage quelque peu abrupt n'y est probablement pas indifférent, mais convient-il de qualifier le long-métrage de pétard mouillé ? Pas vraiment.

Bien que mollasson dans sa finalité première (la thématique vengeresse), True Grit se rattrape aisément au moyen d'une galerie de personnages hauts en couleur : la "peu séduisante" Mattie Ross est entre autre marquante à souhait, son interprète Hailee Steinfeld se fendant d'une performance tenant de la révélation, tandis que le vétéran Jeff Bridge s'est trouvé en la personne de Cogburn un rôle taillé sur mesure ; on pourrait aussi faire mention de la "surprise" Matt Damon, le scepticisme premier à l'égard de ce curieux Texas ranger ayant tôt fait de s'envoler au gré de ses joutes verbales avec l'irréductible Marshal.

D'ailleurs, le trio mouvementé qu'ils composent avec leur jeune employeuse est le support d'un humour noir parfaitement distillé ci et là, ces figures décalées (mais franchement crédibles) couplées à des dialogues bien sentis conférant au film une belle dualité de tons ; True Grit ne se prive ainsi pas de gagner en tension avec efficience, notamment au gré d'une chevauchée nocturne ni plus ni moins haletante.

Dans une même veine, le dénouement nostalgique à souhait et son message aux accents (relativement) fatalistes ("le temps nous file entre les doigts") démontrent fort bien de la teneur de cette belle histoire, humaines sous toutes les coutures, et qui sans fioritures se conclue avec la manière ; ajoutez-y enfin une BO somptueuse signée Carter Burwell, et le savoir-faire visuel des Coen (mise en scène irréprochable), de quoi conclure en qualifiant True Grit de belle réussite.

On tient donc là un western divertissant comme touchant, qui malgré ses quelques imperfections convainc sans ciller, en se voyant tout spécialement porté par des interprètes inspirés.