Pour le repos d'un flic

Alors qu'il en est encore à ses premières armes de réalisateur Yves Boisset signe Un Condé au tout début des années 70 : un polar pur et dur dans la lignée des grands chefs d'oeuvre de Jean-Pierre Melville, l'ampleur en moins peut-être...

Tout y passe : un flic titulaire opiniâtre et aux méthodes peu orthodoxes ( Michel Bouquet, superbe ), un acolyte aux idées larges mais portant la guigne sur la figure ( Bernard Fresson, toujours aussi sympathique ), des voyous loyaux, des balances, des alibis en forme de parties de belote, une police crapuleuse et expéditive, des règlements de compte, une peinture lapidaire des milieux interlopes ( prison, justice, trafic de stupéfiant et guerre de gangs rivaux...).

Un Condé reprend donc tous les codes et tous les archétypes du polar made in France, étayé par une mise en scène allant à l'essentiel doublée d'un regard acerbe porté sur une police corrompue, regard pratiquement visionnaire compte tenu de l'époque représentée. En ce sens ledit film préfigure les atermoiements judiciaires au coeur desquels se débattra Patrick Dewaere dans le Juge Fayard, dit le Shériff quelques années plus tard : personnages ambigus, engagement socio-politique du cinéaste, absence de fioritures ou de style m’as-tu-vu à l'appui.

Un excellent film, formidable petit modèle dans le genre, se laissant suivre sans encombre et sans ennui aucuns. Yves Boisset prouve déjà avec Un Condé qu'il n'est pas et ne sera pas tendre avec la Nation Française, sous quelque angle que ce soit ( l'anti-militarisme avec R.A.S., le racisme ordinaire avec Dupont Lajoie ou encore le totalitarisme de la société du spectacle avec Le Prix du Danger ). Essentiel.