Bouquet aux commandes

Film méconnu de la fin des années 1960, Un condé fait grandement penser aux classiques de Melville, tant l'atmosphère du film est analogue. La réalisation d'Yves Boisset est académique, mais d'une grande maîtrise formelle, que ce soit dans le choix des musiques (et des silences) ou dans la direction d'acteurs, phénoménale.

Le fil rouge du film est cette moralité dont chaque camp (excepté celui des voyous) s'imagine défenseur, tout en étant conscient de ses propres tares. Le scénario révèle peu à peu sa profondeur, et réserve quelques rebondissements, dont seulement un pourrait être vu comme téléguidé pour l'avancement de l'intrigue (la rencontre entre les deux prisonniers).

Tout le reste est une réussite, retenu et pourtant terriblement juste, porté par la prestation tout simplement éblouissante de Michel Bouquet. La morgue caractéristique de ce dernier, associée à la psychologie intraitable de son personnage, en font un élément capital du succès du film, sorte d'ange de la mort obnubilé par la vengeance de son ami, tombé à cause d'un système "pourri" duquel il devient, en pleine conscience, l'agneau sacrificiel.

L'aspect thriller enfin du métrage est franchement réussi : les personnages parlent peu, leurs dialogues sont ciselés et intelligents, les jeux de regards (magnifiés par les gros plans) sont magnétiques.

Pépite méconnue du cinéma policier français, comme coincé entre deux époques, Un condé a pourtant tout d'un grand, et mérite amplement d'être découvert.