La tragédie rayonnante de Monsieur Ladmiral

Voici certainement l’un des plus grands films de Bertrand Tavernier, sans doute l’un des plus méconnus et peut-être le plus beau de sa filmographie. Délicieux voyage dans le temps et le Cinéma est le strict récit d’une villégiature familiale, une peinture ample et sereine d’une journée de retrouvailles et de mélancolie mâtinée de légèreté.


Unité de temps, de lieu et d’action pour ce véritable bijou de narration et de reconstitution historique, s’annonçant comme un petit régal de beauté… Douce-amère et même parfois profondément triste et timidement désabusée la fin de vie de Monsieur Ladmiral demeure d’une élégante et malicieuse lucidité. Entouré de ses enfants, de ses petits-enfants et de sa domestique le peintre aguerri nous conte tendrement ses souvenirs, ses regrets et son amour pour les générations à venir.


Situant l’action de son film en 1912 Bertrand Tavernier rend un hommage à peine déguisé à la peinture impressionniste, principalement à celle d’Auguste Renoir. Offrant un rôle magnifique au confidentiel Louis Ducreux, bouleversant de justesse et d’humilité il permet également au reste du casting de briller d’intelligence, de finesse et d’émotions. Ainsi le visage de Michel Aumont évoque le faciès éclairé de Louis Lumière ; Sabine Azéma est remarquable dans le rôle de la jeune femme moderne et exubérante, tout à fait fofolle et mystique, d’une réjouissante théâtralité proche de l’outrance...


Ramassant la temporalité de son récit sur une seule et unique journée Tavernier prête sa voix au narrateur, avec une utilisation poignante et très écrite de la voix-off, voix-off conférant à ce drame automnal une dimension hautement littéraire. Ici ou là de brefs retours et sauts dans le temps, venant joliment élargir la réalité de cette famille sentant la mort du maître approcher tranquillement mais sûrement. Le film est tragique mais toujours beau, parfois triste mais jamais pathétique ou – pis – misérabiliste. Accordant également un regard d’une tendresse confondante à l’enfance, ingrate et insouciante, est un authentique chef d’œuvre à redécouvrir d’urgence. Magnifique.

stebbins
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le 10 janv. 2017

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