Dans la grande tradition du polar américain, Un Linceul n’a pas de poches, adaptation du roman de même titre de Horace McCoy, explore les zones d’ombre de l’âme humaine en descendant, de nuit, dans les bas-fonds où se retrouvent pourtant ceux du haut : en effet, les usines endormies, les maisons de plaisir, les ruelles faiblement éclairées font se rencontrer des hommes politiques, des journalistes corrompus, des mécènes soucieux d’asseoir leur pouvoir, que met en lumière le reporter Michel Dolannes, sorte de Don Quichotte, chevalier tout entier consacré à la défense et à la diffusion de la vérité. Le soin porté à la composition des décors et du cadre les parcourant contribue à l’esthétique de la vignette adoptée notamment par le scénario, récit choral où sont énumérés des représentants de partis politiques ainsi que les exactions commises. L’acharnement avec lequel Dolannes traque sans relâche les coupables, partant du principe que les dirigeants doivent montrer patte blanche, c’est-à-dire être irréprochables, s’accompagne d’une mélodie musicale de Paul De Senneville & Olivier Toussaint répétée ad nauseam où la flute de pan laisse entendre l’exotisme du protagoniste, sa marginalité qu’affirme la qualification d’« ennemi public ».
Nous regretterons toutefois que son portrait échappe à cette exploration des failles de la moralité : exception faite des différentes femmes entre lesquelles il louvoie, stéréotype du film noir et vecteur de désir aujourd’hui agaçant, Michel Dolannes n’a rien à se reprocher, connaît la vérité comme s’il la tenait d’un sixième sens, comme s’il n’avait rien vécu ; il ne partage pas la nature des malotrus dénoncés. Un manichéisme dommageable qui conduit d’ailleurs Jean-Pierre Mocky, très sérieux, à jouer de façon poussive.