François Mitterrand à qui l’on demandait « Si une image du cinéma passe devant vos yeux, à l’instant, une image, ce serait laquelle ? » répondit « Il y a un film hongrois. C’était des gens qui dansaient. Cette image n’est pas sortie de mon esprit. », et François Truffaut, alors critique pour la revue Arts, déclarait au moment du Festival de Cannes 1956 : «Voici à toutes fins utiles mon palmarès personnel. Grand prix : Un petit carrousel de fête. Prix de la meilleure interprétation : Mari Töröcsik pour Un petit carrousel de fête. » C’est donc peu dire que ce film hongrois a marqué les esprits en France, même si en 1956 ce fut Le Monde du silence de Jacques-Yves Cousteau qui remporta la Palme d’Or. C’est vrai qu’il est fort, beau, poétique, humain, superbement filmé et imprime durablement la rétine, ce film.


Nous sommes dans un village rural, boueux, de la Hongrie du début des années 50’. Mari et Máté sont deux jeunes gens amoureux. Mais le père de Mari décide de la marier à un homme avec qui il entretient des relations d’affaires. L’heure est à la collectivisation des terres et aux coopératives, et pourtant les deux hommes souhaitent quitter l'association coopérative du travail. Le favori de la jeune fille est lui un fervent partisan de la coopérative et de la mise en commun des terres. « La terre épouse la terre », dit le père pour justifier son choix, suivant ainsi ce qui semble être la règle inflexible de la paysannerie hongroise. Pour vivre leur amour, Mari et Máté devront braver les traditions et la volonté paternelle.


Un film politiquement orthodoxe donc, où la jeunesse et l’amour se rangent du côté de la ligne officielle. Mais il n'y a ici aucun élément propagandiste. Marika et Máté incarnent un couple moderne, jeune, libre : un espoir très concret dans une Hongrie proche du soulèvement contre l’URSS d’ octobre 1956.
Il s'agit en fait avant tout d'une histoire simple, magnifiquement racontée influencée par le réalisme poétique français, un film humaniste, lyrique, poétique en prise directe avec la vie quotidienne d’une communauté, où l'amour prime sur les valeurs paysannes liées à la terre.


Ce film formellement virtuose est remarquable dans sa mise en scène, son sens visuel et son rythme. Dès les premières images du film, nous sommes immergés, de façon à la fois visuelle et sonore, dans l’ambiance d’une fête foraine filmée dans ses moindres détails. La communauté villageoise est réunie. La caméra virevolte au milieu des paysans attablés qui discutent affaires et de leurs enfants qui s’amusent au rythme d’une musique populaire festive et s’enivrent des tours, des envolées et de la ronde du carrousel.


Et le motif de la ronde reviendra, point culminant dans cette confrontation entre l’amour qui s’affiche et les attentes paternelles. Lors d’une mémorable scène de danse entre les deux protagonistes invités au mariage d’amis, ils vont progressivement se laisser emporter par le tourbillon de cette danse interminable, échevelée, défiant la communauté tout entière en refusant d’interrompre leur danse, restant les derniers à tourbillonner sur la piste. Le père et le « fiancé désigné » crient à la provocation, pendant que Mari glisse vers l’émancipation totale.

kinophil
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le 25 oct. 2021

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