Un équilibre subtil entre satire et humanité,

Le film débute comme une comédie noire ; on se moque d’Oscar, de sa laideur, de sa maladresse et de son ivrognerie, de ses tentatives infructueuses de s’intégrer à un monde culturel qui l’a laissé pour compte. Mais au fil du récit, le rire se mue en compassion. On perçoit alors la fragilité d’un homme qui, malgré son orgueil et ses erreurs, cherche à bien faire et à donner un sens à sa vie, même si c’est à travers les succès d’autrui.


Cette évolution émotionnelle – de la moquerie à la pitié – est l’une des plus grandes forces du film, qui parvient à un équilibre subtil entre satire et humanité, sans jamais tomber dans le sentimentalisme facile.


Tourné en 16 mm pour souligner sa texture et son naturel, Un poète déploie une mise en scène viscérale et directe, privilégiant la relation entre Oscar et Yurlady. Tandis qu'il tente de développer son talent, elle reste indifférente à l'idée de réussir dans un milieu qui la perçoit comme un symbole de « progrès dans les quartiers défavorisés » plutôt que comme une créatrice. L'alchimie entre Ríos et Andrade porte le cœur émotionnel du film, qui, dans son acte final, explore un territoire plus chaotique et sombre, avec des accusations menaçant de réduire à néant les maigres acquis d'Oscar.


Mesa Soto utilise la relation professeur-élève pour explorer la marchandisation de l'art et les rapports de force dans le monde culturel. Entre rires gênés et mélancolie,  le film dresse le portrait d'un artiste en marge de la société, s'accrochant à son intégrité dans un environnement où tout est mesuré en termes d'utilité et de profit. Un rappel que même les rêveurs les plus atypiques peuvent laisser leur empreinte dans un monde ne la reconnaît pas.


Le résultat final est peut-être l'un des personnages les plus attachants que le cinéma colombien ait jamais produits. Car Óscar n'est pas seulement un homme en marge du monde moderne, c'est aussi un être instable, excentrique, bon, anachronique et sensible – un adulte-enfant qui demande de l'argent à sa mère et pleure en traversant la ville en voiture. Dans son pathétique, son extravagance, sa résistance farouche aux règles de la production et du capital, Óscar est une bouffée d'air frais. Il est un antidote aux récits idéalistes, à la propreté excessive et au piège de la quête de soi.

mermed
8
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le 12 nov. 2025

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