Le film de Panahi s’ouvre sur un un plan fixe de nuit, dans l’habitacle anxiogène d’une voiture où les phares des véhicules croisés découpent les traits d’un couple. L’image suggère un drame, mais le dialogue vient aussitôt tout expliquer, nous rassurant sur leur situation familiale. Après le choc sourd d’un chien heurté, la caméra s’arrache à sa fixité pour suivre le père et nous faire découvrir la clé du récit : le couinement de sa prothèse. Ce son devient le cœur de la tension. Plus tard, dans son garage, la caméra s'attarde sur le visage de Vahid, tandis que le couinement menaçant se fait entendre hors-champ. Un contrechamp troublant découpe alors le corps du conducteur, ne laissant voir que ses jambes en mouvement. Le duel s'installe, nourri par notre incompréhension face au comportement soudainement effrayé du personnage. L'inquiétude qui se peint sur le visage de l'homme s'explique par un seul son : celui de la prothèse qui approche. Toute la tension naît de ce que l'on devine des gestes de Vahid, seul à comprendre la nature de cette signature sonore.
Pourtant, cette promesse phonique et sensoriel est vite trahie au profit d’une forme théâtrale. La mise en scène, oscillant entre des plans larges fixes et des gros plans, ne suggère plus, elle impose. Le film renonce à l'image pour laisser toute la place à la tyrannie du dialogue. Les personnages ne sont que des porte-paroles aux discours répétitifs et moralisants, déclamant des tirades sur la vengeance ou le pardon. Le cinéaste ne fait plus confiance au spectateur. La photographe est flanquée de deux appareils photo, les mariés portent leurs habits de noce : chacun arrive avec son étiquette sociale, sa pancarte idéologique. Rien n’est suggéré, tout nous est asséné.
Dès lors, que reste-t-il ? Une conclusion morale – le pardon l’emporte sur la vengeance – qui nous semble plaquée. Elle est la conclusion attendue d'un procès-verbal. Le dernier plan a beau ramener le couinement de la prothèse, comme une marche mortuaire du régime qui ne pardonne pas, la trouvaille sonore arrive trop tard. Elle ne fait que souligner le vide laissé par un film qui s'est évaporé dans les discours.