On a beaucoup reproché à Under The Silver Lake d'être une pâle copie de Mulholland Drive. Critique qui certes n'est pas infondée, mais qui trop souvent semble vouloir se suffire à elle-même. Aussi la raison majeure qui fait du film de David Robert Mitchell une pâle copie du chef d’œuvre de Lynch n'est-elle pas d'abord que l'on n'a pas seulement voulu y voir autre chose ?
Les clins d’œil cinéphiles saturent le film, comme bien d'autres références empruntées à la pop-culture, celle-là même dans laquelle Mitchell a grandi ; cette culture qui a forgé son univers et a nourri ses influences. Si appuyées qu'elles ne peuvent être qu'assumées, les citations qui parcourent Under The Silver Lake sont pourtant loin d'être aussi creuses que beaucoup semblent le prétendre. Passé le plaisir de faire revivre d'autres œuvres, elles recèlent même d'une profonde ambivalence.
Under The Silver Lake, c'est dans un premier temps un puissant hommage à la pop-culture, dont en particulier l'univers Lynchien et tout le non-sens qui l'habite. Et si effectivement il demeure impossible – jusqu'à preuve du contraire, d'égaler le génie de David Lynch – faut-il pour autant proscrire toute démarche qui tenterait d'introduire dans les salles obscures davantage de films baignés d'une telle atmosphère ? Bien évidemment, on peut se dire qu'Under The Silver Lake n'est rien de plus que le petit cousin boiteux du magistral Mulholland Drive. Mais en même temps, tout inférieur et bancal qu'il soit, il dit quelque chose du modèle – de ses modèles – et gagne ce faisant son existence propre. Non exempt de défauts, il ne l'est pas pour autant de qualités.
Car oui, confusément peut-être et volontairement sans doute, Under The Silver Lake dit quelque chose. En même temps qu'il étale joyeusement ces innombrables citations, jusqu'à s'y noyer – under the deep silver lake... – le film joue cruellement avec le spectateur. C'est d'une génération qu'il parle, et peut-être à elle aussi qu'il s'adresse : cette génération qui a aimé (dans la plupart des cas) découvrir David Lynch, se targuer de cinéphile après avoir visionner Hitchcock trop tardivement, écouter de la pop underground en disséquant les paroles et jouer à Mario des heures d'affilé.
En même temps qu'il conforte l'attachement profond du spectateur pour sa bien-aimée pop-culture – la preuve, ce dernier s'offusque carrément de ne pas retrouver dans Under The Silver Lake ce qu'il a aimé dans Mulholland Drive ... – le film met en lumière la possible vacuité de cette dernière. On ne peut s'empêcher de juger Sam pour son obsession du complot, pour la passivité avec laquelle il se laisse happer par le bain de culture hétérogène et chaotique qui tourbillonne autour de lui ; et pourtant on sent aussi qu'un Sam sommeille au plus profond de nous, un petit être qui a envie de croire que toutes les productions auxquelles il est attaché cachent un sens profond, et plus encore donnent un sens à sa vie.
Peut-être que ce qui chagrine tant le spectateur, c'est de se retrouver davantage en Sam qu'en Diane, parce qu'elle au moins avait assez de détermination pour commettre un crime passionnel. Paradoxalement, un crime passionnel, c'est peut-être ce qu'est fondamentalement Under the Silver Lake : le meurtre sur grand-écran de la Pop-culture, une insulte (selon certains) aux œuvres dont il s'inspire amoureusement, l'assassinat sanglant de ses propres influences. Mais n'est-ce pas là aussi ce qui fait sa beauté ?