Si l'on ne devait concéder qu'une seule qualité à Paul Thomas Anderson, je dirais pour ma part qu'il est toujours intéressant à écouter et à voir, quelque soit le sujet qu'il aborde.
Le masqué n'aurait pas dû en douter cet après-midi devant Une Bataille Après l'Autre.
Car il a tout d'abord été des plus rebutés par les premières minutes, semblant être conçues comme un véhicule de la justesse de la « résistance » radicale déployée, qui ne manquera sans doute pas de faire mouiller le petit facho de gauche qui se rêve chaque seconde de sa vie comme à l'avant-garde de la révolution telle que caressée avec ardeur par La France Incendiaire.
Et puis, il y a le gros problème de l'interprétation adoptée par Teyana Taylor. Car non, définitivement, se contenter de faire la tronche dès qu'on apparaît à l'écran ne saurait assoir une quelconque performance d'acteur...
Mais patiemment, Paul Thomas Anderson se détache de ce premier abord : images d'Epinal surannées, une légère pincée d'humour et certaines caricatures désamorcent l'impression laissée jusque là par le film, pour se débarrasser d'un personnage et enfin appliquer son « message » à des personnages de chair et de sang parfois irrésistibles. Leonardo Di Caprio y rayonne dans sa posture totalement larguée, prétexte à un savoureux running gag. Tout comme Chase Infiniti, révélation incarnant à merveille la nouvelle génération, ses questionnements intimes et le poids de l'action de ses aînés. Mais le meilleur, peut-être, reste Sean Penn, dans l'un de ses meilleurs rôles de salaud zélé.
C'est là qu'Une Bataille Après l'Autre lâche les chevaux et toute la maîtrise de Paul Thomas Anderson. Tout en exposant les contradictions parfois fascinantes, l'âpreté des combats livrés et le choc tellurique des visions du monde qui se regardent en chien de faïence tout en nourrissant la violence.
Irrigué par toute la maestria technique de son réalisateur, Une Bataille Après l'Autre livre, deux heures quarante durant, un portrait tout aussi révélateur qu'inquiétant des démons qui animent l'esprit des Etats-Unis. Qui consument leur fantasme de liberté qui prend soudainement des allures de fantôme depuis longtemps révolu.
Au point que Paul Thomas Anderson répondrait presque au constat que Ari Aster faisait à l'appui de son Eddington, allant même jusqu'à reprendre quelques uns de ses motifs. Comme si ces deux là nous avaient consciemment concocté un furieux double programme qui dialogue et se complète.
Mais Anderson apporte sans doute un petit truc en plus : une accessibilité qu'on ne lui connaissait que trop peu, des motifs proches du survival et une incroyable poursuite montée toute en verticalité. Il a aussi le bon goût de ne pas asséner sa vision (conviction ?) de manière lourde et péremptoire pour mieux laisser la place, comme à son habitude, à un très bon moment de cinéma.
Behind_the_Mask, révolution, piège à cons.