Un Disney avec des guns. Voilà ce que c’est. Deux ou trois moments de cinéma (une fausse scène de male gaze bien vue, une course-poursuite honnête, quelques accès de paranoïa paternelle vaguement drôles) ne suffisent pas à masquer le vide politique.

Le film se rêve en fable sur la ligne de fracture américaine — celle du doute, du soupçon, de la certitude d’être « dans le bon camp ». Mais aucun personnage ne doute : les méchants sont méchants, les gentils sont gentils, et le spectateur est prié de rester confortablement du bon côté de l’histoire.

Au fond, l’intrigue n’est rien d’autre qu’un Taken déguisé : un homme protège sa fille enlevée. DiCaprio, comme toujours depuis Le Loup de Wall Street, cabotine sans profondeur ; et Sean Penn, qui aurait pu hériter d’un rôle ambigu, se retrouve avec un personnage si vide qu’on sent, plan après plan, qu’il a été conçu pour rafler des prix. Franchement, ça en est presque risible. Le personnage de Sean Penn emprunte clairement à la figure du De Niro de Taxi Driver : même paranoïa virile, même obsession de la pureté morale, même conviction d’être l’ultime rempart contre la décadence... Mais là où Travis Bickle est un personnage fissuré, pathétique, presque mystique, dont on ne sait jamais s'il faut le haïr ou le plaindre, le Sean Penn d’Une bataille après l’autre n’a qu'une seule faille intérieure : il est hyper raciste MAIS il désire les femmes noires. Sérieusement ?! Ça fait environ 50 ans qu'on sait que c'est la structure même du désir colonial...

Résultat : un film dont la morale est clairement réac (toujours et encore et encore et encore : protège ta famille), qui mime l’énergie militante sans jamais en saisir la véritable teneur, qui dépolitise le combat politique en en faisant une sorte de jeu de rôle folklorique...

Le pire, c’est que malgré sa folle envie d’être de gauche, de dénoncer la dérive fasciste de son pays (de toute façon trop grossièrement caricaturée pour être crédible), Paul Thomas Anderson fait surtout entendre la voix d’un boomer inquiet, nostalgique des révoltes d’hier — celles où l’on pouvait jurer comme des poissonnières et parler de cul à chaque phrase — et ridiculisant celles d’aujourd’hui. Alors, il faut applaudir ?

Peter_Saras
4
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le 4 nov. 2025

Modifiée

le 4 nov. 2025

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