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De Fukasaku je ne connaissais jusqu’alors, comme beaucoup, que son ultime oeuvre : Battle Royale. Des films qui, outre leur violence exubérante qui faisait la joie du moi adolescent, affichaient clairement un dédain du système, une poussée anarchique qui s’exprimait par le sacrifice d’une génération au profit d’un ordre autoritaire. Il est donc intéressant de découvrir que, vingt-cinq ans plus tôt, le cinéaste tenait déjà un discours similaire sur l’état de son pays.
Au détour d’une scène à priori anodine dans le fatras ambiant de Violent Panic, un journaliste surexcité, avide d’une affaire qui ferait sa carrière, interroge un groupe de motards sur leur activité :
“- Pourquoi faites vous cela, il y a une raison particulière?
- Il n’y a pas de raison, le monde est juste chiant à mourir.
- Ah, je vois, vous défiez une société que vous considérez comme ennuyeuse”
La clé est donnée. Fukasaku livre son film tel un sale gosse qui cherche à bousculer un ordre établi moribond, se posant comme chambre de résonance de la naissance d’une contre-culture, d’une révolution des mœurs qui parcourt alors le globe.
Les gangsters que l’on suit sont sans idéologie, sans code d’honneur ou ambition voilée. Il sont les clients d’une société du “tout, tout de suite” qui phagocyte la culture japonaise. Les braquages et carambolages sont alors l’occasion pour eux, comme pour le réalisateur, de détruire du bien matériel, de pulvériser des produits de cette société de consommation synonyme de déclin spirituel. La portion Big Crash de cette Violent Panic morale qui se solde en un final alla Blues Brothers d’une demi-heure où l’adrénaline du chaos fait perdre toute mesure à une populace autrement croquée comme un ramassis d’imbéciles,de pervers et de truands, dans une cacophonie jubilatoire qui n’en finit pas. Tout le monde règle ses comptes ou profite du tumulte pour faire sa propre catharsis, noyant par la même occasion du scénario prétexte et ses protagonistes dans un flot de personnages secondaires plus enragés les uns que les autres, les uns envers les autres.
De sa mise en contexte expéditive et efficace, au mouvement perpétuel des caméras embarquées (exception faite de rares flash-backs, photographies qui figent la mémoire d’un passé plus posé), en passant par le montage à toute berzingue, qui m’a fait penser au cocaïné Cranked, et la musique jazz essoufflante, tout contribue à l’immersion du spectateur dans une déroute totale, sans repères empathiques, moraux, ou narratifs.
Un joyeux bordel frondeur qui donne envie de (re)découvrir le corpus de Fukasaku.