Byungsoo, un réalisateur célèbre, accompagne sa fille chez une amie de longue date, propriétaire d’un immeuble à Gangnam. La visite des lieux entraîne pour Byungsoo un voyage hors du temps où se dessinent, à chaque étage, ses amours passés et ceux à venir…Hong Sang-soo signe avec Walk Up son premier film de l’année 2024 et enrichit sa marque sa fabrique, on prend les mêmes et on recommence : des artistes de la classe aisée, des longs plans fixes et des cuites. Comme toujours avec le cinéaste, le réalisateur montré n’a rien de particulièrement distinguable des autres personnages du film. Sa condition humaine prime sur l’artistique notoire. Le spectateur perçoit l’homme avant l’artiste. A travers ce personnage et après près d’une trentaine de longs-métrages, Hong Sang-soo continue de remettre en question son propre cinéma ; l’opinion du spectateur sur la plus-value de ses films, un nouveau certain rapport à Dieu, la distorsion des temporalités ou encore le système de production cinématographique sont des dimensions neuves, pour certaines, de son art.L’un des aspects les plus frappants, depuis quelques années maintenant dans son cinéma, est la radicalité de sa mise en scène qui prend de plus en plus d’ampleur. Plusieurs éléments formels témoignent, conjointement du processus et des éléments narratifs, d’un renouvellement esthétique, notamment ces scènes de dialogues en hors-champ. Postérieurement aux cinéastes ayant mis en pratique le non jeu d’acteur, afin d’éviter la manipulation émotionnelle du spectateur, Hong Sang-soo pousse plus loin en faisant de la non présence d’acteurs. Il n’y a plus aucune matérialisation de fiction, si ce n’est la voix, qui viendrait à l’encontre du regard porté sur le réel. Bien souvent d’ailleurs, quand un élan poétique éclot, celui-ci se rompt en étant subitement rattrapé par le réel. C’est le cas dans Walk Up avec la scène de guitare interrompue par le téléphone qui sonne, c’est le directeur du studio, c’est le travail qui le rattrape.Ensuite vient évidemment l’alcool, vicieuse boisson qui délie les langues et fait surgir un autre soi. Thématique Hong Sang-sienne sublimée par la scène de conversation entre la fille et la propriétaire, elles racontent qu’il existe plusieurs manières de se comporter, qui varient selon le lieu ou l’entourage avec lequel nous nous trouvons. Une analogie évidente du rapport du cinéaste à l’homme saoul, l’identité sincère dans l’ivresse et point d’orgue des vérités et jouissances de la vie ferait d’Hong Sang-soo un réalisateur Khayyamien. Un personnage verbalise d’ailleurs cette vision du monde à la suite d’une scène centrale arrosée : « Maintenant, je sais tout de toi. »Enfin dans le premier segment, la propriétaire de l’immeuble montre que les portes du bâtiment ne sont jamais fermées, permettant à tout le monde d’aller et venir. Cette métaphore des portes ouvertes renvoient à toute l’ambition esthétique du cinéaste, il s’introduit dans la vie des gens pour les regarder et les enregistrer, l’intimité n’existe plus chez Hong Sang-soo. Il capte les gens dans leurs tourments, leur solitude, leur moi profond révélé par la longueur nécessaire et fondamentale des scènes.