L'heure de gloire

Alors qu'il regarde un mauvais boulevard, un spectateur se lève et va interrompre la pièce pour prendre les acteurs et le public en otage.

Il est intéressant de se dire qu'en ayant perdu le sens de l'absurde qui lui est propre, Quentin signe peut-être son film à la fois le plus conventionnel et sa plus grande réussite. Sur un rythme tenu tambour battant, à peine plus d'une heure, il brasse des sujets bien plus profonds que la simple prise d'otage, mais aussi du mal-être, du formatage du public, et ça donne quelque chose de surprenant, drôle parfois, mais surtout, j'y vois une sorte de grande tristesse dans tout ça.

Les comédiens y sont excellents, surtout dans des rôles quasi-confinés, mais il faut dire que ce que fait Raphaël Quenard y est génial : il a beau avoir dans des tas de films en 2023 (8 !), il arrive à chaque fois à se renouveler, et c'est le cas ici dans son rôle de Yannick, un mec à l'existence au fond banale, mais qui est tellement ulcéré par la médiocrité de la pièce qu'il va être en quelque sorte l'esprit de rébellion qui dit qu'on ne veut plus voir ça. Il le joue de manière pathétique, souvent drôle (toute la partie avec l'ordinateur), mais il a représente une sorte de rêve tordu pour ceux qui veulent se lever, se dresser contre. L'autre grande surprise du film est Pio Marmaï, l'acteur principal de la pièce en compagnie de Blanche Gardin et Sébastien Chassagne, qui apporte une gravité plus forte qu'attendue dans son rôle, et qui se révéler au fond plus touchant qu'on le pense à cause de ses failles.

Le procédé du film est totalement minimaliste, quelques jours de tournage, mais il y a une telle foi de la part du réalisateur, et des comédiens si puissants que la surprise Yannick a été totale pour moi, sans doute un des grands moments du cinéma en 2023.