Yeelen
6.8
Yeelen

Film de Souleymane Cissé (1987)

Décidément, le cinéma d'Afrique noire n'en finit pas de m'étonner. Marginalisé et méconnu d'un bien grand nombre, il est d'autant plus regrettable de voir un perpétuel dédain de notre population à son égard. Quelque part, je ne peux m'empêcher de trouver cette situation assez ironique vu que notre époque fait la part belle aux quotas et à cette obsession de la représentation des minorités par une armada de militants d'opérette passant leur vie à oeuvrer sur les réseaux sociaux. Prônant l'ouverture culturelle, on ne les entend bizarrement jamais sur la situation du Septième Art africain. Personnellement, je pense sincèrement qu'ils n'en ont en réalité absolument rien à f*utre de ce qu'il se passe hors de leur pays et ne voient le cinéma qu'à travers le prisme occidental. Une énième hypocrisie et dissonance cognitive du camp de la bien-pensance.


Et Dieu sait ce que ces pays tristement pauvres ont à nous offrir en terme de richesse et de connaissances. A déaut de revisiter les grands classiques de notre jeunesse par un minable Hollywood qui n'est plus que l'ombre de lui-même, penchons nous plutôt sur le VRAI folklore africain. Celui que les chiens de garde du wokisme ignorent par pure médiocrité intellectuelle. J'attendais avec grande impatience de le voir ce Yeelen, oeuvre fantastique nous amenant à plonger dans les légendes ancestrales se transmettant de bouche à oreille et dont l'impact sur la société malienne était encore prégnante (et je pense l'est toujours). Le Mali, ce si beau pays désormais lacéré par la folie arriérée islamiste. Et pour une première approche de la filmo de Cissé, autant dire que mon choix fut plus que judicieux car il a fait très fort et ce n'est pas pour rien si ce film est considéré comme un classique.


Dans Yeelen il y sera question de mythes où un jeune homme méprisé par son père entreprend un rite initiatique dans la savane en quête de vérité sur lui-même et aussi dans le but de partager ses connaissances avec les non élus. Etant issu de la tribu des bambaras partageant un culte apparenté à la sorcellerie, il renie ce comportement sectaire et ne rêve que de fuite en avant. Son périple l'amène à refonder son lien avec la famille et à s'ouvrir au sexe opposé, en même temps que la menace du père ayant lancé une vendetta contre lui se poursuit inlassablement avec le pilon magique.


Oui Yeelen n'est pas le film africain le plus facile d'accès que l'on ai vu. Son dépaysement émerveille mais peut aussi décontenancer par ses us et coutumes qui ne nous sont pas accessibles à nous petits occidentaux. La magie est prépondérante et riche en symbolique. Les effets spéciaux ne peuvent même pas se compter sur les doigts d'une main mais font toutefois mouche malgré le manque de moyens. L'épisode des abeilles étant sans conteste le passage le plus saisissant.


Comme il était attendu au vu de sa réputation, les décors nous scotchent à notre propre siège. Ensoleillés, filmés en plans larges, intimistes aussi quand la caméra se balade dans les petits hameaux perdus au beau milieu de la faune. Le soleil brûle, l'air est étouffant. Le tam-tam donne le tempo à la formidable avancée prométhéenne de Niankoro. Yeelen est un film qui se vit plus qu'il ne se décrit et la fin ouverte sera sujette à débat. Personnellement, je dirai qu'elle symbolise la fin d'un monde, le sacrifice pour repartir sur de meilleures bases avec l'enfant représentant l'avenir.


Est-ce qu'un jour parviendrons nous à avoir un minimum d'honnêteté intellectuelle pour reconnaître la vraie valeur du cinéma africain ? A ne pas croire que claquer des quotas discriminatoires amène l'essence culturelle même du pays noir ? A connaître les réalisateurs majeurs et à accorder de l'attention au FESPACO ? Personnellement, je suis de l'école de ceux qui vont à la source même plutôt qu'aux succédanés qui ne véhiculent rien si ce n'est du soft power américain mensonger. Au risque de paraître prétentieux, je suis de l'adage "les pigeons ne volent pas avec les aigles". Cette critique n'est pas seulement critique cinématographique mais un cri de révolte envers une terrible injustice à mes yeux.

MisterLynch
8
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le 4 nov. 2022

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MisterLynch

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