Saine Folie....Quand un solitaire cherche les réponses à nos questions....

bonjour à tous,


Aujourd' hui, je m' en vais faire la critique de ce film, que j' ai aodré. A la fois, lisse, subtil, profond. Destabilisant, au début. Entre simplicité, et réelle profondeur. Je vous expliquerais.


De quoi parle ce film ? Le Pitch : Londres, dans un avenir proche. Le monde est plus que jamais sous la surveillance d’une autorité invisible et toute-puissante grâce aux avancées technologiques. Surdoué, Qohen Leth, génie de l’informatique, vit en reclus dans une chapelle abandonnée. Il y travaille sur un projet secret que lui a confié celui qu’il appelle Le Directeur et visant à décrypter le but de l’Existence – ou son absence de finalité – une bonne fois pour toutes. Dans l'attente d'un signe divin qui viendrait le libérer de sa tâche, Qohen va voir son quotidien s’effondrer par la visite d’une jeune femme mystérieuse et envoûtante.


Donc, nous y voilà. Terry Gilliam est un réalisateur brillant qui aime à créer des univers fantaisistes qui demande une pleine attention de son spectateur pour déceler toute les pépites et interprétations que possède ses films.


Les années 2000 n'ont pas été tendres avec Terry Gilliam. Entre le naufrage de son projet maudit Don Quichotte, un film de commande torpillé par ses producteurs (Les Frères Grimm), ou le décès tragique de son comédien principal Heath Ledger en plein tournage de L'imaginarium du Docteur Parnassus, on pouvait croire que ces dix années de galère avaient eu raison de l'ex-Monty Python. Les premières minutes de Zero Theorem, entre bizarrerie orwellienne, dialogues interminables, grand angle et jeu désincarné de Christoph Waltz laissent craindre que le réalisateur soit retombé dans les travers de son irritant et misanthrope Tideland mais il n'en n'est pourtant rien. Si le scénario du débutant Pat Rushin paraît taillé sur mesure pour laisser libre cours aux effets de style de son réalisateur, avec son univers Kafkaïen et ses emprunts au mythique Brazil, Terry Gilliam s'évertue à dynamiter nos attentes et à raconter une histoire plutôt qu'à capitaliser sur son aura de cinéaste culte. En véritable horloger méticuleux le réalisateur de L'armée des 12 singes a construit cette ouverture en forme de trompe l'œil. Dès l'apparition du personnage de prostituée au grand cœur incarné par Mélanie Thierry, véritable grain de sable au sein la machine, le film dévie de son programme moribond et cloisonné. Atout charme et glamour de la distribution, l'actrice française illumine le film de sa présence en jouant les ingénues avec un sens de la dérision imparable.


Modèle de la femme enfant cher au cinéaste, elle incarne cette part d'innocence et de fantaisie qui est absente de la vie de Qohen Leth (un Christoph Waltz impérial et pince sans rire). Affublée d'une tenue d’infirmière prompte à transformer le public masculin en loup de Tex Avery, elle sait aussi se montrer plus fragile à mesure que se noue sa relation avec Leth. Derrière la parabole sur le rêve et l'aliénation dans une société où règne le chaos, Gilliam surprend à nouveau par sa capacité à nous émouvoir au-delà du décorum baroque de ses films.


Après L'imaginarium du Docteur Parnassus, le trublion britannique (1) continue d'interroger la place de l'imaginaire dans un monde où le rêve a des allures de carte postale et de publicité mensongère. Avec son sens du bricolage artisanal et un humour salvateur qui privilégie la fiction à tout didactisme scolaire, Gilliam entraîne l'ensemble de son casting dans une aventure colorée et festive en forme de voyage initiatique. En vieil anarchiste, le cinéaste prend un malin plaisir à dégommer les figures d’autorité qui jalonnent la quête de son chevalier des temps modernes. Du grand patron (Matt Damon méconnaissable) dont les tenues excentriques se fondent à même le décor au point de faire tapisserie, à la séance de psy piraté (excellente Tilda Swinton) le film regorge d’invention et d’humour pour tourner en ridicule ce petit monde sclérosé où règne le renoncement et le cynisme. Film à multiples niveaux de lecture, qui se dérobe à l’analyse Zero theorem cultive l'ambiguïté et surtout le plaisir de la fiction, celle qui reste et perdure dans nos esprits une fois que les lumières se rallument. Et comme le disait si bien Céline : « Il faut se dépêcher de s'en gaver de rêves pour traverser la vie qui vous attend dehors, sorti du cinéma, durer quelques jours de plus à travers cette atrocité des choses et des hommes. »


Sans gros budget Gilliam fait des miracles. Ce type a l'art de rassembler les talents.
Coté décors et costumes, l'imagination est ici au pouvoir.
Une vieille église, un ordinateur central musclé comme une centrale nucléaire, une somptueuse vision de Trou Noir et quelques scènes d'extérieur suffisent à créer tout un univers : Le monde de Qohen Leth.


Gilliam s’interroge donc une fois de plus à notre nature profonde et notre devenir. Loin d’être prise de tête, son exploration du questionnement fondamental prend ici davantage les traits d’une grosse farce burlesque et satirique plutôt que de l’analyse scientifique pompeuse. En bon admirateur d’Orwell, l’occasion était en effet trop belle pour lui de taper une fois de plus sur les doigts d’une société totalitariste et oppressante, mettant ici en évidence l’omniprésence d’une autorité surveillant sans cesse nos faits et gestes via de multiples capteurs et écrans. Toujours connectés, toujours surveillés, nous dit Gilliam au travers des séquences de son film qui ne manquent pas de mordant et qui s’avèrent parfaitement significatives. Pas de télétravail sans avoir de comptes à rendre, aucune intimité dans les séances de psy, pas de sexe sans fibre optique,…la société décrite dans The Zero Theorem ferait presque froid dans le dos si Gilliam n’y avait pas mis son inénarrable sens de la dérision. Loin des visions apocalyptiques et désespérées, son futur est étonnement coloré (très jolie direction artistique), fourmillant de détails amusants et/ou interpellant (livraison à domicile d’une quatre fromages : bien plus qu’une pizza !). Tout comme son court The Crimson Permanent Assurance et son chef d’œuvre Brazil, The Zero Theorem est aussi et surtout une ode à la liberté doublé d’un film d’amour, la relation entre Qohen et Bainsley faisant parfaitement écho aux inoubliables escapades aériennes de Sam Lowry et Jill Layton avec un sens du kitsch toujours assumé (les séquences sur la plage). Parfaitement à l’aise dans l’univers de Gilliam, Christoph Waltz étonne une fois de plus par sa prestation en campant cet esclave des temps modernes qui tente de fuir ce paradis perdu qu’est devenu le Monde. Un personnage azimuté et névrosé entouré de bien d’autres, comme celui tenu par une Mélanie Thierry frivole que ce coquin de Gilliam n’hésite pas à filmer sous toutes les coutures, la transformant en parfait objet de fantasmes. Pas le moindre des atouts de ce film regorgeant d’idées et de savoir-faire.


Le film est donc une critique virulente de la société et même de la vie, que ce soit la publicité qui nous poursuit même dans nos rêves; et notre quotidien, la surveillance obsessionnelle d'un société insidieuse et dictatrice, l’interdiction de l'individualité et de vivre pleinement, ou encore la technologie qui pousse à l'isolement et à la solitude.


Gilliam prône la folie et la fantaisie pour s'extirper de ce cauchemar car lorsque l'on vit dans un monde détraqué pourquoi ne pas être aussi détraqué que lui pour ce démarquer, il préfère l'unique que le communautaire. En soit le parcours psychologique du personnage est extrêmement intéressant et complexe, qui finalement donne sens au film une fois la nature du personnage comprise, Gilliam se fait un malin plaisir de ne jamais répondre aux questions posé et laisse libre cours à la réflexion du spectateur. Comme le sous-texte religieux qui se veut naturellement difficile à saisir et qui fait une parallèle judicieuse avec la condition de Qohen. Pour le casting c'est un sans faute, ils sont tous très bon même si ils n'ont que des petits rôles pour certains ( Matt Damon, Tilda Swinton ) mais on retiendra surtout un Christoph Waltz parfait comme à son habitude et Mélanie Thierry qui s'impose comme la révélation du film. C'est une actrice française sous exploité malgré son talent indéniable, elle est ici vraiment excellente. Pour la réalisation, Terry Gilliam fait preuve d'un soucie du détail savoureux dans l'univers qu'il dépeint et arrive à rythmer son film de cette folie douce qui le caractérise ce qui fait que l'on se laisse emporter dans son délire et qu'on ne s’ennuiera pas devant la projection. Sinon sa mise en scène est très maîtrisé mais elle ne connaîtra jamais de fulgurance, elle est élégante et inspiré mais ne ferra pas date dans la filmographie de son auteur. En conclusion Zero Theorem est un très bon film, intelligent et inventif mais qui doit jongler avec trop de défauts dans son propos pour que celui-ci s'impose comme un grand film. Parfois trop confus dans sa démarche ou trop en retard sur son temps, le film à néanmoins un charme indéniable qui emporte l'adhésion.


Terry Gilliam revient à ses premiers amours en livrant une belle itération de son cultissime Brazil. Quel plaisir de retrouver son univers singulier dans cette dystopie pas comme les autres, même si la farce burlesque prend un peu trop le pas sur la critique sociale et l’émotion. C’est qu’à force d’idées saugrenues, le réalisateur perd quelque peu le fil de son histoire…mais c’est aussi pour toute cette folie qu’on l’aime ! "Zero theorem" est à l'image des autres films de Terry Gilliam. Projet conceptuel, à la fois fou et visionnaire, ce nouvel opus était attendu avec ferveur et espoir par ses fans. On y retrouve les thèmes chers au réalisateur britannique. La quête existentialiste de son anti-héros, un grain de folie, un brin de société écrasante, froide et sans visage ni âme...


Sur ce, portez vous bien. Regardez ce film. Tcho. @ +.

ClementLeroy
9
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Créée

le 30 mars 2015

Critique lue 133 fois

San  Bardamu

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