Kingdom Come: Deliverance est un pavé dans la mare, une tentative effrontée d'un retour aux bases après une décennie de casualisation extrême de l'industrie du RPG, et à mon sens une pépite du genre sur la même période.



Adieu les casus



Tout dans ce monde prend du temps, sent la sueur et la suie, est complexe et lourd. Oubliez les voyages rapides qui vous téléportent à l'autre bout de la carte instantanément. Oubliez les combats à un contre dix où vous enchaînez combo sur combo sans réfléchir. Votre armure vous ralentit, vous faites du bruit et vous fatiguez très vite. Votre heaume obstrut la majorité de votre champ de vision si bien que vous situer dans une bataille est compliqué. Point non plus de réticule sur les armes de visée ; tout se fait à l'instinct outre les tremblements de vos petits bras trop faibles pour maintenir l'arc bandé. Vous êtes obligé de bien manger et dormir sous peine de subir de très lourds handicaps. Votre apparence et votre odeur sont importantes, il faut vous laver. Pouvoir sauvegarder est difficile et rare. Il faut attendre que les gens se réveillent et fassent leurs offices avant de pouvoir interagir avec eux. Le monde vit sans vous et ne vous attend guère. Adieu aussi la mini-carte et les indicateurs de quête ultra précis ; pour consulter votre carte, il faut arrêter ce que vous êtes en train de faire et la sortir, et vous ne disposez que d'un compas sur lequel s'affichent des indicateurs qui vous indiquent dans quelles larges zones où chercher. Vous êtes souvent obligé de lire l'intégralité du texte des quêtes car les indices qui y sont présentés sont cruciaux pour la suite. Parfois, un personnage pourra vous poser des questions sur ce qu'il vous a dit précédemment, et gare à vous si vous n'avez pas eu la patience de tout écouter...



La souffrance du réalisme



KCD vous traîne dans la boue, vous met des claques, vous pousse dans vos retranchements et vous force aux compromis. Vous n'incarnez pas un demi-dieu ou autre héros quasiment invincible. Vous êtes un simple villageois analphabète incapable de manier une épée en bois. Pour vous, tout est une épreuve, et il vous faudra tout apprendre à la dure, du combat à l'étiquette, de la lecture à l'alchimie, de la romance à la monte à cheval, avec patience et persévérance. Vous perdrez des combats à un contre un parce que vous aurez défié la mauvaise personne ou simplement trop parlé. Vous ferez de la prison parce que le moindre crime que vous ne passez pas un temps considérable à masquer finira par être découvert et impacter le monde d'une manière ou d'une autre.


Le monde de KCD n'oublie ni ne pardonne pas. Vous construisez une réputation qui vous suit où que vous alliez et qui impacte véritablement vos interactions avec le reste de l'univers. Vous devez jouer comme si c'était réel. Sauter de la moindre hauteur vous blessera. Vous ne pouvez pas traverser les buissons épais. Votre cheval ne peut pas sauter la majorité des murs. Il faut suivre les routes, la lumière, la civilisation.


La manière dont la nullité du héros est implémentée pour les différentes tâches est superbement amenée. On peut citer par exemples les lettres dans les livres qui sont inversées et les pages très compliquées à lire au début, même pour vous. Concocter une potion est un parcours du combatant. Il faut trouver la recette, être capable de la lire, trouver les ingrédients, moudre ce qui doit l'être, faire bouillir ce qui doit l'être pour le temps qui convient, etc. Vous pouvez fabriquer un poison mortel sans le savoir si vous vous foirez et inversez deux ingrédients dans la recette ; le jeu ne vous dira rien.


Vous êtes pauvre, et chaque pièce compte. Voler est très difficile et nécessite plus qu'un simple clic, crocheter une serrure est une épreuve. Point d'équipement louisant, donc, et point d'équipement du tout avant 20-30 heures de jeu. Vous avez toutefois la possibilité de négocier et de jouer avec les nerfs des marchands.



Un scénario passionnant dans un monde vivant



Il faut compter environ 50 heures pour finir la quête principale avec tous les objectifs optionnels. Le chemin est parsemé d'indices passionnants et de références historiques. Vous découvrez les lieux grouillant de vie de la région, dans un monde ouvert gigantesque et sublimement réalisé, jonché de bandits, de trésors bien cachés et autres joyeusetés. J'ai découvert ma première carte au trésor après plus de 30 heures de jeu, en m'étant introduit discrètement dans des quartiers privés ; si je n'avais pas pris cette décision, je n'aurais jamais trouvé cette carte, ni le trésor associé qui était tout bonnement invisible sans cet indice.


Les quêtes secondaires sont toutes extrêmement bien scénarisées et réalisées. Vous êtes un élément important de la vie des gens que vous abordez ; la survie de certains dépend de vous, et ne pas les aider en impactera d'autres.



Conclusion



Il faut compter environ 100 à 120 heures pour faire le tour du contenu scénarisé de KCD en prenant son temps. C'est sans compter le contenu en parallèle qui concerne les différentes maîtrises, la quantité monumentale de livres et trésors à découvrir et apprendre. Il est facile de passer à côté de nombreux détails au détour d'une mauvaise décision prise trop rapidement.


Je n'attendais rien de ce jeu qui était plus ou moins passé sous mes radars, n'étant même pas particulièrement fan de la période du Moyen-Âge, mais je trouve incroyable qu'il n'ait pas été mieux reçu pour la quantité astronomique de contenu qu'il offre pour trente pauvres pièces. Certes, KCD n'est pas fait pour tout le monde — pas même le joueur moyen de RPG, mais c'est sans doute le RPG le plus immersif auquel j'ai jamais joué.

mttlb
9
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Créée

le 15 nov. 2019

Critique lue 538 fois

2 j'aime

Matt Elbé

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