Un potentiel inexploité

Après presque 5 ans d’attentes, Bayonetta 3 est enfin sortie cette année ! C’est une de mes licences préférées de manière générale pour son gameplay de très grande qualité, une spécialité de Platinum Games. J’avais beaucoup d’attente vis-à-vis du jeu et après 36h de jeu je peux désormais donner mon avis définitif.

Le sacrifice d’une identité

L’identité d’une licence et d’un personnage constitue un attrait non négligeable d’un jeu, on peut même dire que c’est un aspect central lorsqu’on aborde les licences de jeu solo. L’identité forte du personnage de Bayonetta a séduit la plupart des fans et de surcroît l’ambiance et le ton du jeu. L’humour, les scènes un peu absurdes, l’aspect provocant et érotique de Bayonetta constituaient un élément central qui démarquait la licence de la concurrence dans la niche des Beat’em up. Les scénarios très peu profonds du genre ne constituent pas leurs qualités premières. Bayonnetta assumait pleinement son absence de scénario et offrait une expérience humoristique légère et originale. Ici on vit un grand bond en arrière avec Bayonetta 3, car toute l’identité du jeu a été lissé pour faire place à un scénario typique de beat them up, avec tous les défauts classiques qu’on peut leur trouver : pas original, pas de profondeur, pas d’enjeu, de manière générale inintéressant. (très fortement inspiré des films Marvel récents, notamment Spider-Man No Way Home dans certain concepts). Bayonetta n’est plus aussi provocatrice qu’avant, il n’y a plus d’humour ou de scène absurde, et l’impression d’incarner un perso complètement craqué et invincible n’est plus du tout présente. On remplace une qualité qui constituait l’identité de la licence par un gros défaut commun à tous les jeux du genre ou presque et c’est vraiment très dommage. C’est de loin l’aspect le plus négatif du jeu, mais c’est l’un des seuls aspects purement négatifs que j’ai trouvé au jeu, car il regorge de bonne volonté et de passion.

Un gameplay Exquis

On aborde ici le point le plus positif du jeu, le gameplay est tout simplement un véritable bijou. Il faut tout de suite saluer l’effort fait au niveau de la technique qui offre 60 fps durant les phases de gameplay même avec beaucoup de contenu affiché à l’écran et en plus d’offrir une belle performance technique pour le support limité qu’est la switch, cela offre surtout un confort et une fluidité inégalable en matière de gameplay. La quasi-totalité des armes sont des nouveautés même si certaines comprennent des inspirations d’anciennes armes, Rodin qui est commun à tous les Bayo et Alruna. La richesse des nouveautés dans le gameplay est vraiment bienvenue chaque arme est différente et elles ne se ressemblent pas entre elles. La manière de les jouer et d’aborder les combats diffèrent en fonction des armes sélectionnées et c’est très agréable. La véritable révolution du gameplay se situe dans l’invocation des démons qui peut se faire dans presque toutes les situations et qui fait partie intégrante du gameplay. On peut sélectionner jusqu’à 3 démons à invoquer pendant les combats et ils changent complètement la manière de faire des dégâts et d’aborder les combats par rapport aux opus précédents. Cette nouveauté qui vient créer du changement est vraiment agréable par rapport au sentiment qu’on pouvait avoir d’un Bayonetta 2 ressemblant plus à un 1.5 plutôt qu’a un vrai nouvel opus.

Une technique maîtrisée

En termes de graphisme le jeu présente une Direction artistique bien plus travaillée que les opus précédents. Sans entrer dans une DA de haute volée comme celle d’un Ghost of Tsushima on est ici bien au-dessus de ce qu’il se fait dans le genre de manière générale. Du point de vue technique le jeu est plutôt propre pour un jeu switch les modèles des personnages et des ennemis sont plutôt beaux mais certaines textures ne sont pas très belles ce qui reste acceptable et compréhensible quand on constate la stabilité du framerate en toute situation (60 fps). Les animations sont fluides et travaillées. C’est une belle prouesse technique et graphique pour le support, le travail est là et c’est très agréable. Ça prouve que l’on peut faire des jeux propre et soigné sur switch et que le support n’est pas une excuse et au vu de la qualité technique et graphique de certains jeux comme Pokémon qui est sortie il y a quelques semaines il est bon de le rappeler. La musique est, elle aussi, très agréable elle porte bien l’action et pose une ambiance adéquate en fonction des niveaux. Cependant, on déplore malheureusement, ici aussi, un manque de continuité dans la bande originale, pas de Thème musical icônique comme fly me to the moon, les thèmes de combats sont parfois un peu génériques et c’est un peu triste, car l’identité musicale de bayonetta 2 et certains thèmes étaient très marquants, notamment ceux de certain boss comme la grosse raie manta dont j’ai oublié le nom dans le 2.

Un déroulé frustrant

La construction du jeu est à la fois très bonne et frustrante. Les combats de boss tous unique faisant parfois référence à différents styles de jeux et différentes licences (Godzilla, les jeux de combats, les jeux de rythme etc) sont vraiment très rafraîchissant on a pas l’impression de faire tout le temps la même chose et c’est une impression qui s’étend à l’ensemble du jeu. L’expérience a été très travaillée pour qu’il n’y ait pas de sentiment de redondance et de déjà-vu. Cet effort est vraiment plaisant et montre la passion des développeurs pour leur jeu et cela se ressent en jeu. J’ai très souvent été surpris à la découverte des gros boss du jeu, car chaque gros boss est une expérience unique qui ne se retrouve pas dans les autres chapitres.

Les phases de plateformes sont aussi sympas, certaines sont assez originales et les courses de plateformes ne sont pas redondantes et suffisamment espacées pour ne pas créer un sentiment de lassitude.

Tous ces éléments contribuent à un rythme prenant qui renouvelle l’expérience et l’intérêt au fur et à mesure du jeu. Les collectable et autres éléments à trouver dans le jeu sont très bien pensés et récompense le joueur de manière adéquate systématiquement. Chaque petite énigme, coffre caché ou niveau secret (débloqué par le biais des larmes de l’umbra à trouver dans chaque niveau) vous offre une vraie récompense utile, une arme, un démon, un quart de cœur, un quart de perle ou parfois un cœur ou une perle entière. Fouiller les niveaux a un vrai intérêt et on est récompensé pour explorer les niveaux qui se veulent plus ouverts de manière générale.

Cependant certains éléments annexes comme les failles qui constituaient dans le 2 un défi, sont ici souvent une purge. Je pense tout particulièrement aux failles avec le vent qui vous pousse dans un élément de décors qui vous fait perdre de la vie et durant lequel il faut survivre. Il n’y a pas de défis dans ce genre de faille et l’esprit général de ces défis devienne plutôt un obstacle chiant plutôt qu’un défi qui nécessite une maîtrise ou du skill. Quand on veut faire du scoring c’est un peu embêtant, cars ses failles deviennent quasi obligatoires.

L’impossibilité de changer de personnage pour certains niveaux est vraiment très frustrante, surtout quand on n’aime pas le personnage en question (Viola). Le gameplay de Viola est très différent de Bayonetta et je le trouve beaucoup plus rigide et limité et je n’ai vraiment pas apprécié le concept du personnage. Impossibilité de changer d’arme et de démon, Viola ne maîtrise pas le witch time donc les esquives sont à oublier. Il est possible de parer les attaques, mais c’est très contre-intuitif dans un bayonetta le gameplay s’éloigne trop de l’esprit original du jeu à mon sens. Les niveaux avec Jeanne sont très rafraîchissants et viennent briser la routine. L’ambiance de ces niveaux en 2D est très agréable bien qu’un peu difficile quand on n’est pas habitué au genre, car on sort vraiment du cadre du Beat’em up, c’est très bien pour renouveler l’expérience de jeu.

Le point central des beat’em up et de Bayonnetta en règle générale c’est le scoring. Battre ses ennemis rapidement sans prendre de dégât et avec un gros score de combo pour viser les médailles de platine pur. Cet aspect est beaucoup moins mis en avant dans Bayonetta 3. On ne voit plus son score global sur la sélection des chapitres, le menu des scores sur une run complète dans une difficulté n’est pas mis en avant. Le meilleur score sur un combat est conservé indépendamment de la complétion du chapitre en lui-même. Si j’obtiens une médaille de platine sur X combats dans X chapitres et que je refais le même chapitre en obtenant une médaille d’or sur le même combat c’est mon ancien score qui sera conservé. La simplification du scoring fait perdre l’intérêt de ce dernier d’autant plus du fait de sa mise en retrait en termes de visibilité dans les menus.

La vision générale du jeu

De manière générale le jeu se veut plus grand public et plus accessible, si le niveau de difficulté maximum (apothéose infini) est beaucoup plus dur que dans le 2. Tout est déblocable en un seul run du jeu, dans n’importe quelle difficulté. Il n’est pas nécessaire de battre Rodin pour obtenir son arme/démon, perdre X fois permettent de l’acheter dans le magasin. Les défis des sorcières ne débloquent que des cosmétiques pour Viola c’est-à-dire des T-shirts, autant dire que ça ne change pas grand-chose (en plus ils sont moches). Tous ces éléments ne donnent pas envie de doser le jeu pour avoir un meilleur score ou enfin battre Rodin pour rouler sur le mode très difficile. L’absence de récompense et de contenu à débloquer pour la complétion de mode difficile fait perdre de l’intérêt au jeu. Je me souviens être resté bien plus longtemps sur Bayonetta 2 pour battre Rodin et m’amuser dans le mode difficile (j’ai plus de 60 h sur le 2) sur Le 3 malgré tous les aspects positifs le jeu m’a lassé au bout de 35 h. J’aurais aimé passer plus de temps sur le jeu, je pense y revenir plus tard, mais ces éléments m’ont un peu déçu.

Bayonneta 3 est un bon jeu qui avait le potentiel d’être excellent, et sans aucun doute le meilleur de la série. Malheureusement, l’identité de la série a été sacrifiée au profit d’un lissage pour attirer le grand public. Il n’y a plus d’humour, moins d’érotisme et de provocation, plus de sensation d’incarner un personnage invincible et trop fort, plus de scène absurde, les cinématiques et le scénario sont ternes, pas originaux et trop sérieux par rapport à ce qu’ils sont : inintéressant. À cela s’ajoute un manque de rejouabilité faute d’intérêt, le manque de flexibilité dans la sélection des personnages dans les chapitres, la casualisation du scoring. Ces éléments négatifs sont contrebalancés par des points très positifs : une technique et des graphismes maîtrisés, une bonne direction artistique, un gameplay varié et jouissif, la créativité et la passion des développeurs se ressentent tout au long du jeu. C’est un très bon Beat’em up, mais pas un très bon Bayonetta.