Je fais partie des privilégiés sur qui la formule de Death Stranding, premier du nom, avait fonctionné. Le gameplay du premier opus était pour moi d’une originalité absolue et cassait les codes de l’industrie. Un véritable jeu d’aventure, au sens propre du terme. Je n’ai pourtant aucun affect particulier envers Kojima et ses réalisations puisque je n’ai jamais joué à un Metal Gear Solid de ma vie (eh oui... je sais). Je n’ai d’ailleurs pas trouvé l’écriture du premier opus si géniale que ça, et je trouvais qu’elle frôlait parfois les limites du nanardesque (surtout concernant l'arc autour d’Amélie). Cependant l'histoire se laissait suivre grâce à une mise en scène du feu de Dieu et finalement le scénar m'importait peu face au gameplay innovant, à l'étonnante direction artistique et à l’ambiance unique que proposait ce Death Stranding.
Death Stranding 2, ou la promesse de vivre une nouvelle fois pareille aventure mais en plus grand et en plus beau. On ne va pas se le cacher, c’est effectivement le cas. La carte principale est facilement deux fois plus grande que celle du premier opus et surtout les performances du Décima Engine de Guerilla Games sont poussées à leur paroxysme. Les effets de lumières sont saisissants, alors même que le jeu est dénué de Raytracing (et ça c’est balèze). Associé aux environnements météoritiques et autres brouillards volumétriques, l’émerveillement est constant. Les détails sont d’une finesse rarement vue auparavant sur la PS5 et je suis impatient de le voir tourner sur PC (voir une éventuelle PS5 pro) sans concessions faites sur les paramètres graphiques et les performances. Les animations et l’utilisation de la Motion Capture sont une fois de plus superbes et il en est de même pour tout ce qui touche à la technique en général. Cependant, je ne sais pas si cela vient de moi, mais j’ai trouvé certains contrôles horribles. Comme la commande permettant de changer d’armes en combats qui se fait via un appui long sur la touche qui sert à rengainer son arme. Au moins quatre fois sur cinq je n’arrivais pas à changer d’arme et à la place ne faisait que dégainer et rengainer en boucle mon arme alors que le mob en face lui continuait à me casser la gueule !
Coté direction artistique, les potards de ce second opus ont été tournés au maximum puisque ce dernier nous permet cette fois ci de parcourir différents biomes. Certes, à l'instar des Etats Unis du premier opus, le sol Australien de cet univers est un mélange de roches ciselées et d’une fine couche de verdure qui peine à émerger, le tout entouré de plages de sable noir poisseux qui jouxtent un océan menaçant (décor largement inspiré de la nature Islandaise). Cependant par endroit se sont formés des déserts sablonneux soumis à une chaleur extrême et balayés par des tempêtes de sables ; dans d’autres, coincés dans des canyons, subsistent des microbiomes de forêts tropicales dans lesquels les feux de brousse ne seront pas rares. Comme dans le premier opus ce sont des plateaux montagneux dominés par des pics enneigés qui font office d’apothéose pour ce décor. Ce seront ici les avalanches et les tempêtes de neige qui pourront parfois vous empêcher de vivre votre meilleure vie de livreur. Enfin les nuits sombres, les intempéries et la brume participent à réinstaller cette ambiance mélancolique si caractéristique de la licence.
Pour le reste la DA est très similaire bien que l'on puisse apprécier la disparition de cet affreux placement de produit Monster Energy Drink qui a été remplacé par une boisson qui colle mieux à l'univers du jeu : Le Thé Chiral.
De retour enfin ce qui est désormais la marque des Death Stranding : les likes et le partage. C’était pour moi une idée de génie, et ça l’est toujours. Un monde sans argent, sans compétition... Juste de l'amour, bordel ! C’est l’une des raisons immuables qui me fera toujours aimer cette licence. Bon, il est vrai, ici encore j’ai du mal à comprendre le fonctionnement de cette composante multijoueur. Il y’a à mon avis quelques uns de ses aspects qui sont certainement un peu trafiqués par Kojima Production mais peu importe, la satisfaction est là.
Le Bestiaire des échoués (et des méchas) a été quant à lui quelque peu étoffé, et les traversées de zones d’échoués sont toujours aussi angoissantes, le Sound Design associé réinstalle cette ambiance horrifique si particulière.
D'ailleurs, pour continuer sur les qualités audios de la licence, cette fois encore tous les morceaux de la BO ont été sélectionnés avec soins pour coller parfaitement à l’ambiance mélancolique et fantasmagorique de l’univers. Malgré le retour de quelques morceaux de “Low Roar”, c’est surtout “Woodkid” (relativement similaire dans le style musical) qui a cette fois ci été mis en avant dans cet opus. Bien que je ne sois pas un grand fan de certains des groupes et styles musicaux présents dans cette OST, d’autres m’accompagnaient en permanence dans ma playlist lors de mes longs road trip à travers l’Australie afin d’honorer mes nombreuses livraisons.
Transition toute trouvée puisqu’il est maintenant temps de parler du gameplay de cet opus.
Là où le gameplay et le game design de son prédécesseur s’apparentait à une énorme prise de risque de la part de Kojima, je pense que 6 ans plus tard ça ne l’est plus tellement. Tout au long de ces années, une communauté s’est construite autour du jeu. Les différentes promotions ont souvent, pour beaucoup d’entre nous, rendu l'idée de s’offrir cet OVNI abordable et l’on n'était jamais à l’abri d’une excellente surprise (ce fut mon cas). Il faut se rendre à l’évidence, cette prise de risque n’est plus lorsque le gameplay n’offre rien de nouveau et que les fans de la licence sont déjà nombreux. Il serait légitime de se dire qu’une formule gagnante n’a pas à être modifiée mais à partir du moment où la surprise et la découverte du premier opus sont passées et que le rodage et la prise de skill sont parfaitement installés, il aurait peut être été judicieux de tenter d’à nouveaux surprendre les joueurs en revoyant quelque peu la formule. Vous l’aurez deviné ce n’est pas vraiment le cas. Enfin le studio a bien modifié quelque peu le game design mais pas spécialement de la bonne manière selon moi : Un paquet d’armes à feu et de véhicules seront disponibles dès les premières missions. D’autant qu’ici les véhicules que tu peux “emprunter” (appartenant à d’autres livreurs) sont légion. Jusqu’à parfois trois véhicules disponibles devant chaque base. Finit les longues promenades à tenter de franchir canyons et rivières à pied. Je n’ai d’ailleurs pas utilisé une seule échelle ni ancre d’escalade de tout le jeu puisqu’à partir du moment où la moto était disponible je ne l’ai plus lâchée (quitte à galérer de temps à autres dans les rochers). Le premier opus te faisait marcher un tiers de ta run avant de t’offrir ton premier véhicule et la dose de dopamine que t’apportait une telle récompense après avoir autant galéré était dingue. Par la suite le jeu t’obligeait à l’abandonner de temps à autres, alors qu’ici j’ai pu réaliser absolument toutes mes livraisons avec la moto (ou avec le pick-up d’ailleurs pour les plus grosses d’entre elles).
La nouveauté qui m’a le plus déçu est la possibilité, via notre vaisseau “Le Magellan”, de faire des bonds (donc des voyages rapides) entre les principales bases, et ce, même avec les colis à livrer sur soi. Alors certes la valeur en likes de ces colis est dévaluée si effectuée avec le vaisseau, cela dit je ne peux m’empêcher de voir cela comme une relative trahison de l’esprit intransigeant du premier opus. Un joueur qui voudrait farmer les livraisons téléportées finirait par arriver au même nombre de like au bout d'un moment (bien que certaines bases ne soient pas atteignables en vaisseau). Bref, je suis chafouin. Néanmoins l’intérêt des voyages rapides se révèle tout de même vers la fin du jeu pour les gens qui comme moi sont des complétionniste du réseau routier. En effet, les derniers tronçons, difficilement accessibles, demandent d’acheminer plusieurs milliers d’unités de la même ressource entre la mine qui la produit et le lieu de craft. Sans voyage rapide la tâche aurait fini par devenir barbante et fastidieuse sur la longue. Je suis donc mitigé à ce sujet et peut être qu’il aurait juste fallu (à travers une pirouette scénaristique “à la Kojima”) interdire purement et simplement les livraisons de marchandises via "Le Magellan".
Alors certes le rodage du premier opus rend la tâche plus simple, c’est un fait. Malgré tout je trouve le niveau général du jeu relativement bas. Les nouvelles conditions météorologiques sensée être impactantes ne le sont pas vraiment (si ce n’est la pluie et la neige mais c’était déjà le cas dans l’opus précédent). Les combats sont certes sympas à effectuer, vraiment (l’IA ennemie est assez bonne), mais sans réelle difficulté. D’ailleurs le mode normal du jeu s’apparente plus à un mode facile et le mode difficile (abusivement nommé “mode hardcore”) s’apparente plus à un mode normal+. C’est pourquoi, si comme moi vous avez pour habitude jouer à la plupart de vos jeux en “mode normal”, envisagez de faire celui-ci en “mode difficile” (vous me remercierez plus tard). Bon, cela vaut en tout cas pour les trente premières heures. Ensuite les bandits, méchas et échoués commencent petit à petit à montrer les crocs (sans pour autant te faire sentir en danger absolu jusqu’à la fin).
Pour ce qui est de l’histoire principale, ce n'est clairement pas le point fort de cette suite. Comme chez son prédécesseur la réalisation est bonne, la mise en scène est soignée, mais scénaristiquement, ce serait un euphémisme de dire que je n’ai pas été emporté. Les personnages principaux (et même secondaires), pris individuellement, peuvent toutefois se révéler être relativement intéressants à quelques exceptions près.
(le délire “Vtubeuse Japonaise” m’a laissé perplexe... Du fait de mon âge surement).
C’est aussi le cas de chaque idée scénaristique prise, également, individuellement. Néanmoins comme dans DS1 j’ai une impression d’accumulation de chouettes idées que l’on aurait tenté de fusionner en un tout pas très convaincant. Ici encore l'écriture va parfois frôler le nanardesque. Quand elle ne sautera pas carrément dedans à pied joint à la toute fin de l'histoire principale. Sans spoiler bien sur, quelques face palms sont tombés pendant les deux dernières heures. Cela dit je ne jouait pas à Death Stranding 2 pour ses éventuelles qualités narratives donc j'ai peu de déception à ce niveau là.
Arrivé ici, il est évident que je suis d’avis que des sacrifices plus ou moins importants ont été effectués par rapport à l’intransigeance du premier opus. Cependant cette suite apporte des nouveautés vraiment bienvenues en compensation. Comme ce système de monorail qui permet le transport de marchandises mais aussi le transport des véhicules et de Sam lui-même. Voyages en monorail qui ne peuvent d’ailleurs pas être squeezés, il faut le vivre de bout en bout et admirez le paysage, et ça c’est un bon parti pris dans la lignée de ce que l’on a aimé chez son prédécesseur. Monorails qui relient des mines aux principales bases, ce qui permet de récupérer tout un tas de matériaux pour ceux qui, comme moi, aiment s'atteler à la fabrication du réseau routier. Il y’aura également de temps en temps des rencontres avec des propriétaires de bases qui ne se limiteront pas à un simple dialogue via hologramme (mais je n’en dis pas plus pour éviter de spoiler). Enfin parmi le (peut-être un peu trop grand) nombre de technologies apportées par cette suite, quelques-unes peuvent améliorer certains pans du gameplay et le rendre encore plus fun (comme le cercueil par exemple).
Tout ça pour dire que malgré ces changements de gameplay et bien que j’ai parfois l’impression qu’elle essaie de me prendre par la main, les qualités de cette suite permettent de contrebalancer le tout. Comme son ainé, Death Stranding 2 est un jeu à l’ambiance et à l’immersion incomparable et pas à un seul moment je n’ai sorti la tête de l’eau. (si ce n'est pendant les passages nanardesque à la toute fin)
Le titre aurait pu être bien meilleur mais oui, le plaisir de jeu et l’effet wahou tout au long de ces 85 heures étaient présents. N’est-ce pas là tout ce qui importe au bout du compte ?
Je lui mets finalement un 7/10 pour marquer le pas avec la note de son prédécesseur mais lui ajoute un like (❤). Parce que peu importe la note, seul l'amour compte !