Et pourtant j'y ai cru.


Premier constat quand on se lance dans l'aventure : c'est beau mais c'est loin (hommage au réseau Chirac).

Ce panorama au sommet d'une chaîne de montagnes au Mexique, et les premiers pas de Sam Porter rythmés par la musique adaptative de Woodkid, difficile de proposer une introduction plus classe.


Les premières heures dans ce nouvel environnement ne sont pas désagréables, même si on devine déjà que le squelette du game design du 1er opus a été repris à la lettre près.

Plus de 5 ans après la sortie de Death Stranding premier du nom, véritable ovni totalement clivant, est-ce que cette suite pourra sublimer l’idée originale ?

Malgré ses nombreux défauts allant d'un gameplay inabouti ou alors des séquences souvent surlignées au stabilo boss, parfois comiques, il y avait au moins une certaine identité.

Les différents trailers de cette suite m'ont finalement convaincu de redonner une chance à cet univers au lore peu accueillant... Bien fait pour ma tronche j'ai envie de dire.

Une jouabilité un peu plus fun qui tente d'assumer l'héritage MGS V


Alors oui, pour être tout à fait juste envers le jeu, il y a eu quelques améliorations.

Le gameplay infiltration/combat mis à contribution pendant les affrontements est plus fluide. Il y a plus d'options, comme la possibilité de poser le barda au sol pour être plus agile ou alors une panoplie d'armes supplémentaires (sniper, pistolet silencieux etc).

La proposition de jeu n'a pas évolué, mais les outils pour se déplacer ou les différentes approches sont plus fournis.


Malgré ces timides efforts de la part de Kojima Prod afin de se faire pardonner des fans de la premières heures de MGS, le constat reste assez évident : on est face à clone bas de gamme de Phantom Pain, rien de plus. Certains choix sont d’ailleurs étranges, les ennemis sont capables de nous spot d’assez loin mais possèdent des œillères lorsqu'on est à proximité.

Le répondant en face est sans grand intérêt et certains combats proposent le minimum syndical.

Le jeu fait quand même un effort pour qu’on puisse débloquer assez régulièrement des gadgets différents, mais à partir du moment où le level design des bases ou les ennemis sont aussi inintéressants, ça devient compliqué.

L’ergonomie plus que laborieuse n’aide pas à la fluidité d’ensemble, avec certainement l’une des pires roues d’équipement vues ces dernières années.


Comme le premier, les missions manquent singulièrement de surprise et d’inventivité. Surtout quand on repense à la promesse des trailers autour des catastrophes naturelles, qui laissaient espérer un game changer. Malheureusement, à la manière de la promo du premier qui promettait mondes et merveilles pour finalement décevoir (en l’occurrence les séquences avec Cliff), les aléas naturels sont bien trop peu nombreux et surtout scriptés.

Une histoire qui pue le réchauffé et plombé par une mise en scène trop souvent exaspérante


Quand on parle des jeux de Kojima, difficile d’esquiver la partie réalisation et donc, narration. Malheureusement, ça transpire l'embourgeoisement par tous les pixels...

Pour un créateur qui a longtemps été loué à juste titre pour sa capacité à repousser les limites à chaque jeu, particulièrement MGS2 visionnaire sur beaucoup de plans (et très couillu pour l'époque), c’est triste de le voir se complaire dans un tel confort artistique.

Visiblement, c’était par exemple plus pertinent de trouver le moyen de citer le nom de son propre studio, ou alors rappeler avec une subtilité légendaire les références littéraires citées dans Phantom Pain. Entre un 4eme mur brisé habilement, et juste du name dropping bête et méchant, il y a une légère différence.


Mais c’est rien comparé à un passage en fin de jeu, pourtant placé dans une cinématique importante, qui frôle le manque de respect envers les joueurs.

Peut être que l'idée ne venait pas de Kojima en personne, je laisse le bénéfice du doute mais il reste le garant artistique.

Valider cela dans un titre qui prétend être au-dessus de la mêlée, on peut pas faire plus contradictoire.


Trouver la réalisation d'un jeu de Kojima d'une platitude sans nom, c'était inenvisageable à mon sens.

Dans un jeu déjà extrêmement monotone, les cinématiques sont censées par répercussion être des moments de récompense pour le joueur.

Malheureusement, c'est encéphalogramme plat de ce côté pour la majorité d'entre elles. Et quand ça passe la seconde, il est utile de rappeler que les séquences en question sont dirigées par le cinematics director de DMC3.

A vrai dire, au bout de 30h, je me demandais encore ce que racontait le jeu exactement.

La réponse arrive rapidement : rien.

Les nouveaux personnages sont présentés à un rythme régulier, sans que ça ravive un intérêt quelconque pour le scénario.

Ça stagne, on passe des plombes sur la chronologie exacte des origines du BB-28 / Lou, on enchaîne les scènes censées créer un attachement envers les persos mais trop mal écrites pour que ça prenne.


Le scénario reprend le même postulat que le 1er, sauf que cette fois c’est l’Australie que nous devons raccorder plutôt que les USA. Le grand méchant du premier, Higgs, revient pour se venger et... C'est tout.

Ses apparitions rivalisent de ridicule alors que le cador Troy Baker fait tout ce qu'il peut pour limiter la casse. Il faudra attendre le tout dernier monologue pour enfin lui offrir une profondeur intéressante.


Et puis il y a toujours cette désagréable sensation d’avoir affaire à une narration qui camoufle son vide par des concepts faussement alambiqués et de surcroît piqués à droite à gauche.

Presque de manière miraculeuse quand on voit le bordel monstre que représente cette narration, il y a quelques moments où on sent pointer des thématiques potentiellement touchantes mais pas suffisamment mises en valeur pour marquer.

La thématique du deuil était déjà centrale dans DS1, symbolisée par sa magnifique “livraison” finale, bis repetita cette fois mais à très petite dose.

C'est juste effleuré, finalement noyé par la volonté de trop en faire, en permanence…


Sans parler des persos qui balancent des likes plusieurs fois pendant les cinématiques... On en arrive à un point où ça bascule littéralement en parodie de mauvais goût, description valable pour pas mal de moments d'ailleurs.

Un accident industriel (presque) sauvé par un savoir-faire esthétique et technique exceptionnels


Finalement, on a envie de dire, que reste-t-il à sauver ?

À vrai dire, pas grand chose. Visuellement, il y a des moments formidables qui deviennent même des moteurs pour nous pousser à ne pas lâcher. Le jeu ne brille jamais autant que lorsqu'il nous offre un panorama lunaire incroyable au sommet de ce monde parfois photo réaliste.

La technique est également irréprochable pendant les cinématiques, et le gap énorme sur la qualité des visages par rapport au 1er est à saluer. On avait abandonné l’idée d’avoir un jeu réellement new gen, et franchement rien que le travail sur les micro-expressions est exceptionnel. Mention spéciale au dernier flashback de Neil qui, dans la lignée de ceux consacrés à Cliff dans le 1, est bluffant dans la retranscription des réactions. C'était difficile de passer après Mads Mikkelsen et Luca Marinelli, ersatz de Snake en apparence mais qui, en réalité, offre une vraie présence marquante à son personnage.


Gros bémol cela dit sur le personnage principal, aussi expressif qu'une carpe neurasthénique et ce n'est pas le ton d'un Norman Reedus sous Lexomil qui peut compenser. Le framerate en mode perf ne bronche pas mais la PS5 est au bout de sa vie, en atteste la chaleur inquiétante qu’elle dégage (apparemment pas mal de cas de surchauffe d’ailleurs).


La musique quant à elle perd en cohérence globale, voire même en qualité.

Low Roar matchait extrêmement bien avec DS1 et malgré les thèmes assez marquants de Woodkid, le fait d’avoir une multitude d’artistes casse un peu l’harmonie musicale.

Le gars sûr Ludvig Forssell est encore au rdv et même s'il y a quelques remix du 1er jeu, sa patte sonore est toujours aussi grisante (le combat theme de Neil = caviar)

Foutage de gueule by Hideo Kojima


Maintenant, il faut surtout parler de l'éléphant au milieu de la pièce.

J'ai longtemps pensé pendant ma partie que nous avions affaire à une suite paresseuse et commerciale, une vilaine habitude des suites estampillées Sony.

Arrivé à la toute fin, c'est bien pire que ça.

C'est un remake total du premier, avec une structure de scénario complètement similaire. Des phases entières du 1 sont reprises sans vergogne et par conséquent, annihilent toute légitimité à l'intérêt d'une suite.

On nous épargne au moins la purge explicative finale de DS1, toujours ça de pris.


Comme si ça ne suffisait pas, Kojima nous balance à la figure en per-ma-nence qu'il n'a jamais fait le deuil de MGS.

On explose la simple notion de fan service pour brosser son public historique dans le sens du poil. C'est une véritable compilation de répliques, idées de boss, designs sans la moindre once de subtilité.

Plutôt paradoxal quand on se souvient de l'époque où il se lamentait d'être irrémédiablement associé à la licence Metal Gear.


Kojima fut pendant des années le cœur créatif de ses jeux alors que dans ce DS2, on a le sentiment que tout ce qu'il touche de près ou de loin pourrit un jeu plutôt agréable quand on l'extirpe de toute narration.

On est face à un créateur à bout de souffle, plus que jamais les yeux dans le rétro en proposant pourtant le jeu le plus anodin de sa carrière.


Le premier Death Stranding m’avait prodigieusement gonflé sur certains points, mais dans une industrie gangrenée par le manque de prise de risque, j’étais tout de même content qu’un jeu AAA aussi unique puisse exister.

C’est l’inverse avec cette suite. Alors que Kojima bénéficiait d’un a priori favorable suite à la bisbille avec Konami qui aura coûté cher à MGS V, mais aussi à son Silent Hills, cette fois il n’y a aucune excuse.


5 ans de développement, un soutien fort de Sony qui lui accorde carte blanche, ce luxe aura révélé surtout ce qu’il est devenu : juste un nom davantage intéressé par les paillettes générées par ses amis du cinéma que l’ambition de son propre jeu.

Et comme si ça ne suffisait pas, la communication du jeu aura spoilé la quasi intégralité des moments clés, jusqu'aux derniers plans finaux.


Death Stranding aurait dû se contenter de son statut de gros AAA inclassable et étrange plutôt que tenter vainement de devenir une licence bankable. Cette suite, de par son inexplicable recyclage et un budget au service du vide, n'a définitivement pas vraiment de raison d’être.
Et pourtant, si on s'investit suffisamment pour passer outre le scénario raté, un jeu loin d'être désagréable se cache sous ce mauvais vernis, c'est le plus triste.


Ce qui est sûr, c’est que ce DS2 est promis à un échec cuisant.

Pas aidé certes par une date de sortie kamikaze mais desservi avant tout par l’égo boursouflé de son créateur qui se plante comme jamais en tentant de faire un maxi best of cynique de ses précédents jeux.

Je n'aimais pas la direction prise par Kojima depuis des années, ce Death Stranding 2 avec ses défauts narratifs beaucoup trop grossiers m'a confirmé que ce n'était définitivement plus pour moi.

Strangeek
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le 13 juil. 2025

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Strangeek

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