Digimon Survive
6.4
Digimon Survive

Jeu de WitchCraft et Bandai Namco Games (2022PlayStation 4)

Vous pouvez retrouver mon avis avec illustrations sur mon blog.

Si j’apprécie beaucoup les licences pocket monsters et ai eu une grande période d’addiction à Pokemon, en terme de série animée, j’ai toujours eu une préférence pour Digimon. Toujours comparée, voire mise en rivalité avec Pokemon sur le seul prétexte que les deux licences mettent en vedette des monstres, Digimon a été souvent décrié par les non-fans de la série. Si, dans Pokemon, l’idée est de tous les capturer, au sein de Digimon les créatures sont avant tout des partenaires. L’évolution des Digimons s’effectue même selon les sentiments de son coéquipier humain, loin de tout système de niveau. Digimon est d’ailleurs plus mature osant aborder des thématiques « fortes » pour une série animée à destination d’un jeune public avec des personnages enfants se traînant des traumatismes comme des conflits familiaux, voire des morts dans leur entourage.


Digimon Survive suit l’esprit instauré par la licence. Takuma et ses amis profitent de leur camp de vacances et se voient amenés à approcher un sanctuaire, autour duquel gravite une légende. Les Kemonogami, de curieuses créatures qu’on nomme aussi yokais ou démons, seraient liées à cet endroit. Sauf que, manque de bol, voilà la petite troupe projetée dans un autre monde. Si des monstres (les fameux Digimon) viennent les épauler, la plupart d’entre eux ne cherchent qu’à les tuer. Pire que cela, le maître de ce monde cherche à sacrifier les enfants humains. Une situation qui ne sera pas dénuée de douleur et de perte selon les choix opérés par le joueur.


Trauma Walking Simulator

Le studio Hyde décide d’axer le gameplay sur le visual-novel avec un système de combat façon tactical. Un choix qui ne me dérange pas vu que je n’ai aucun mal avec le genre narratif, bien au contraire, mais qui peut déplaire si on est du genre à esquiver tout ce qui est textuel . Il y a une option qui le permet mais, à mon sens, c’est passer à côté de l’essence même du titre. Car l’histoire est l’atout principal de Digimon Survive qui, comme tout visual novel, ne révèle pas toute sa richesse en une seule partie. Votre premier essai sera d’ailleurs parcouru d’embûches. Le jeu vous précisera, à la fin, comment réussir à sauver tout le monde pour votre prochaine partie.


Le PEGI 12 n’est nullement là pour enjoliver la jaquette ou la fiche produit du titre. L’aventure de Digimon Survive malmène ses personnages avec des pertes, mais aussi le passif des protagonistes. Un système d’affinité permet, en choisissant la bonne ligne de dialogue et en rendant visite à vos partenaires, non seulement de vous apporter des bonus en combat mais aussi d’en apprendre plus sur les membres de votre équipe. Chacun d’eux a un bagage derrière lui qui a laissé des séquelles et nuance sa personnalité : parents abusifs, maladie, violence physique et psychologique… Le jeu se permet même une inspiration vers l’horreur pour certaines scènes-clés avec une musique lancinante pour souligner l’impact. Et heureusement que la patte visuelle et la mise en scène demeurent sobres, sans quoi certaines scènes auraient amenés le rating au PEGI 16. Je pense notamment à une scène-clé venant conclure le chapitre 5.


Le casting étant composé d’enfants de 11 à 15 ans, celui-ci est souvent critiqué du fait que les personnages connaissent des hésitations. J’ai, au contraire, apprécié l’écriture des protagonistes qui ne confère pas à des jeunes enfants des réflexions digne d’adultes aguerris. Entre leur passif et ce qu’ils vivent (ils sont jetés dans un monde inconnu où la mort rôde et peuvent même assister aux décès de leurs camarades), il est normal que Takuma et ses pairs doutent, se questionnent, se disputent même tant leurs nerfs sont mis à bout. Mais chacun d’eux évolue, digérant les évènements, apprenant auprès des autres et se soutenant. J’ai, plus d’une fois, été ému par une action qui peut paraître anodine mais démontre les progrès effectués par le personnage.


Digimon Survive se découpe d’ailleurs en quatre voies dont trois sont soumises à des choix liés à un karma. Celui-ci peut être consulté à tout moment dans le profil de Takuma se divisant en courroux, vertu et harmonie. Ils sont toujours disposés de la même façon au sein des lignes de dialogue et ont un réel impact sur la seconde partie du jeu, amenant à des fins différentes (et multipliant, ou non, le nombre de morts que vous allez connaître au sein de votre équipe). La voie de la Vérité, elle, ne peut s’effectuer que sur une New Game + et renferme la vraie fin du jeu. Elle joue sur les affinités avec vos personnages et est la seule qui permet de garder tout le monde en vie jusqu’au bout.


Quand vous ne discutez pas avec vos partenaires, vous êtes libre de fouiller les zones délimitées à l’aide de votre téléphone. A travers l’écran de ce dernier, il vous est possible de percevoir des interférences. Ces dernières peuvent aussi bien donner accès à des items qu’à des ombres, autrement dit des combats cachés. Et c’est là qu’entre en jeu la seconde partie du gameplay de Digimon Survive.


Cohésion d’équipe et entraide

Les combats de Digimon Survive se présentent sous la forme d’un tactical-RPG avec la possibilité de modifier la difficulté ainsi que de le lancer en automatique en misant sur la destruction, la puissance maximale ou autre élément. Des options qui s’adressent aussi bien à ceux voulant se concentrer sur l’histoire qu’à ceux recherchant le challenge. Si en difficulté Normale, le jeu ne propose que rarement des combats vraiment difficiles (hormis vers la fin où l’on sent si on a mal géré son équipe), le dosage est différent en haute difficulté. Le New Game + propose même des combats bonus (les souvenirs) qui rehaussent la difficulté et ne plairont qu’aux joueurs les plus hardcores.


Les combats demeurent classiques, mais efficaces, dans leur déroulement. Selon le moment de l’histoire, certains de vos partenaires ne seront pas disponibles, ce qui permet de mettre en avant les Digimons que vous aurez pris la peine de capturer (on y revient plus bas). Si les Digimons sauvages peuvent évoluer grâce à des items, concernant ceux de votre équipe il faudra améliorer l’affinité de vos partenaires. Sauf pour Augmon dont l’évolution s’effectue à des moments-clés et dépend du karma choisi. Un élément qui permet de lier les deux phases de gameplay et qui n’est pas sans rappeler le système des Persona.


L’affinité joue aussi un rôle clé au sein des combats. Les humains peuvent parler aussi bien à leur Digimon qu’à leurs pairs, afin de les encourager. Cela offre des bonus comme l’augmentation de l’attaque ou un soin providentiel. Soyez donc proches de vos amis pour profiter de leurs bienfaits ! Sans compter que leurs Digimons, s’ils sont proches de vous sur la carte, peuvent accorder d’autres suppléments.


Concernant la capture des Digimons sauvages, il n’est nullement question de les comprimer dans une sphère. Il serait même plus juste de parler de recrutement, avec un système rappelant celui de Shin Megami Tensei III et V. Des zones de combat libre permettent de se confronter à des Digimon sauvages. Avec les Digimon de vos partenaires et Agumon, vous pouvez aussi effectuer des négociations. Le Digimon sauvage va alors poser trois questions. Selon la réponse donnée, son humeur va s’améliorer ou non. Il vous faudra atteindre un bonus de minimum 3 pour lui proposer de rejoindre votre équipe ou lui réclamer un objet. Sachant que, selon le Digimon, le pourcentage de réussite (affiché sur l’écran) peut varier de 8% à 70%.


Heureusement, contrairement à Shin Megami Tensei III, les réponses victorieuses ne sont pas aléatoires. Notez-vous les bonnes afin de réussir vos recrutements. Sans compter qu’un combat peut être relancé tant qu’il n’est pas terminé. Certes, cela pousse à relancer, parfois, un combat en boucle mais quand un Digimon rare est devant soi, difficile de résister à la tentation.


Digimon Survive a d’ailleurs un système de sauvegarde très pratique puisque, hormis en plein combat et durant certains passages clés, vous pouvez sauvegarder à tout moment. Ce qui est fort pratique lors d’un choix influençant l’affinité de votre partenaire, par exemple. La notion d’échec est ainsi réduite et facilite vos futures parties.


Un opus dans la continuité de la licence

Avec 60% de visual-novel et 40% de tactical-RPG, Digimon Survive ne s’adresse pas à tout le monde, surtout en une période où une bonne part de la communauté vidéoludique tourne le dos au style narratif, voire juste parce que le jeu comporte « trop » de texte (adieu les RPG). Un dégoût que je n’ai jamais partagé et que je ne comprends même pas (le pire étant ceux refusant de qualifier de « jeux » tout ceux approchant du style narratif). Je ne vois pas en quoi un jeu misant sur son scénario serait moins qualifié qu’un autre titre qui lui prime son propos sur l’action.


Digimon Survive n’est pas le plus beau jeu qui soit sorti ces dernières années mais il possède une direction artistique plus qu’honorable pour un visual novel. Les images (ou sprites) utilisées offrent un aspect dynamique aux scènes de discussion, là où le genre reste habituellement très statique.


Le doublage japonais est de très bonne facture. Le jeu ne disposant d’aucune cinématique (hormis celle de l’introduction), il faut savoir véhiculer les émotions par la voix ce que les doubleurs font très bien. De même que la musique accompagne parfaitement les moments dramatiques (je pense notamment à une scène du parcours harmonieux qui m’a particulièrement touché). Digimon Survive s’offre même une traduction intégralement en français. Il y a bien quelques coquilles mais rien qui n’empêche la compréhension du titre.


Le terme Digimon n’est d’ailleurs jamais prononcé durant tout le jeu (hormis une fin en particulier qui pourrait presque servir de préquelle à la licence). Les créatures sont nommées Kemonogami, faisant référence à toutes les croyances anciennes de l’humanité que ce soit yokais, démons ou divinités. Digimon Survive part du postulat que ces êtres ont influencés nos croyances et en sont même le fondement. Désormais ces créatures ne sont visibles qu’à travers l’écran de nos téléphones, clin d’œil à l’aspect virtuel des Digimon.


Le lien entre Digimon et son partenaire humain a toujours été central au sein de la licence. Digimon Survive s’inspire de Persona en faisant en sorte que chaque Digimon est si proche de son humain qu’il représente une partie refoulée de son âme. Saki l’évoque lors d’une discussion avec Floramon, soulignant que parler avec le Digimon revient à se parler à elle-même. L’acceptation d’une part de soi va, chez certains personnages, se traduire par celle de son partenaire Digimon. Je pense notamment à Ryo et Shuuji qui vont vivre cette expérience d’une manière différente mais revenant à prendre en compte ses faiblesses et fêlures au lieu de les nier.


Est-ce que parce que j’apprécie la licence Digimon, j’ai pu davantage prendre plaisir à parcourir ce titre ? C’est possible, même si mes souvenirs datent des premières saisons (ce qui remonte aux années 2000). Il y a un petit côté nostalgie en recroisant des figures connues au sein des Digimon. Mais, surtout, j’ai apprécié que le jeu conserve la maturité de la licence tranchant avec l’aspect coloré de l’univers et des personnages. Digimon Survive permet aussi de montrer combien les licences Digimon et Pokemon sont différentes, alors qu’elles sont encore trop souvent mises en rivalité.


Je me permets un aparté sur la couverture médiatique qu’a eu Digimon Survive. Bandai Namco l’a à peine évoqué, le laissant se faire éclipser par Xenoblade Chronicles 3. Aucun média spécialisé n’a reçu la moindre copie et la France n’a pas pu profiter d’une sortie physique, contrairement au reste de l’Europe. Hors, rien que la jaquette en magasin aurait pu informer le public de la sortie d’un jeu maintes fois repoussé. Si je ne suivais pas les sorties vidéoludiques sur le net, je serais sûrement passé à côté. Sans la communauté, Digimon Survive serait sûrement passé à la trappe (et encore je trouve qu’on en parle pas assez). Je déplore une telle attitude de la part de l’éditeur qui ne devra pas s’étonner que les ventes ne soient pas là, à une époque où, sans publicité, un titre passe inaperçu pour une bonne part du public.


En résumé

Pour qui n’est pas allergique aux jeux narratifs, Digimon Survive propose une aventure à découvrir dans son intégralité pour mieux en apprécier les nuances. Les personnages révèlent leurs subtilités pour qui se soucie de ses affinités avec eux et rappellent quelles sont les réactions d’enfants à une époque où on a tendance à malmener leurs représentations (les séries qui emploient des adultes pour jouer des ados, on vous voit). Au vu des thématiques brassées (dont de nombreux traumatismes), le titre est à réserver à un public, au minimum, adolescent. Si le titre a déjà été éclipsé par de plus grosses sorties, il demeure mon coup de cœur de l’année. Il fait preuve d’une maturité qu’on ne voit pas forcément dans les grosses licences, ou du moins pas écrit avec une telle subtilité. Et si vous cherchez du pocket monster proche de Pokemon, Nexomon : Extinction saura davantage vous plaire.

So-chan
8
Écrit par

Créée

le 1 févr. 2023

Critique lue 20 fois

So-chan

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