Après s’être fait un petit nom dans les rangs des développeurs de FPS à surveiller de près au début des années 2000 avec la saga No One Lives Forever ou encore le deuxième Alien VS Predator, Monolith Production lance une nouvelle licence dans cette lignée : F.E.A.R. Craig Hubbard, qui alternait entre la direction et le level-design de ces jeux, cumule ici puisqu’il en est le directeur, le level-designer et le scénariste. Je vous propose de découvrir ce que j’ai pensé de ce travail en écoutant la très efficace intro du jeu.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★★☆



F.E.A.R est d’abord et avant tout autre chose un FPS, bien que son titre puisse laisser penser à un survival-horror, dans la continuité du travail de Monolith Production j’ai envie de dire. Les fusillades seront le cœur du jeu, avec très peu de situations de jeu s’en éloignant, en l’occurrence de la plate-forme ou de la réflexion. C’est un choix tout à fait assumé qui me va très bien dans l’idée tant qu’elle est bien exécutée, et c’est bien le cas. Si le maniement est très basique de prime abord avec des déplacements pas spécialement rapides et un saut un peu pitoyable, tout l’intérêt repose dans la visée ultra précise grâce à un masque de collision très pointu combiné à un bullet-time très appréciable mais à utiliser avec parcimonie.


L’IA des ennemis est très développée pour nous faire face, bien plus que dans beaucoup d’autres jeux du genre à l’époque mais aussi des années après, ils sont très dynamiques dans leurs déplacements (ils peuvent sauter, plonger, ramper...), se coordonnent entre eux pour nous prendre à revers (l’un peut nous tirer dessus pendant que l’autre nous contourne, l’un peut se replier pour nous attirer vers les autres un peu plus loin...), interagissent avec leur environnement en se créant des abris (ils peuvent renverser une armoire pour se planquer derrière et surgir d’un coup alors qu’on les avait oublié...)...


Quelques ennemis robotiques ou fantomatiques orignaux se rajouteront à tout ça mais c’est bien les soldats humains qui constituent la force de frappe première de l’ennemi et la plus intéressante à affronter. Par ailleurs, le level-design est en parfaite adéquation avec cette IA des soldats humains puisque permettant sans arrêt à nous comme aux ennemis d’emprunter différents chemins pour profiter de l’effet de surprise d’arriver par derrière, par dessus ou sur le flanc, d’une zone plus éclairée qu’une autre alors que l’utilisation d’une lampe torche peut aussi bien être salvatrice que suicidaire selon la situation...


Les améliorations à trouver ici et là vont dans ce sens en motivant à explorer les moindres recoins des environnements et ainsi nous mettre intelligemment sur la voie de chemins alternatifs plus avantageux qu’en fonçant bêtement dans un espace ouvert où on se fait tirer dessus de tous les côtés, une erreur immédiatement fatale en difficulté élevée. L’utilisation de l’éclairage est assez pertinente pour mettre en évidence subtilement ces petites zones cachées sans trop indiquer la voie et assister le joueur, c’est le bon équilibre entre cohérence et complexité pour appréhender le level-design.


La durée de vie d’une dizaine d’heures est tout à fait honnête pour sa campagne mais il manque pour moi des boss et des ennemis originaux aussi intéressants à affronter que les soldats. Ces derniers constituent le plus gros point fort du titre, les développeurs le savaient et se sont concentré là-dessus en toute intelligence, mais sur une campagne aussi longue c’est un petit peu dommage et c’est ce qui m’empêche de mettre une sous-note parfaite à cette session qui constitue tout de même pour moi le plus important dans ce jeu. Mais puisqu’il n’y a pas que ça dans F.E.A.R, voyons s’il s’en sort aussi bien ailleurs.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆



Sorti en 2005, un an après Half-Life 2 ou encore Doom 3 pour vous resituer le contexte des FPS sur PC, F.E.A.R s’inscrit dans les normes graphiques de son époque sans particulièrement impressionner ou décevoir. Le niveau de détails des textures est plutôt satisfaisant, on a droit à du full body awareness avec les jambes du protagoniste modélisés... mais il y a des points techniques sur lesquels F.E.A.R se démarque tout particulièrement. Selon moi, ça serait le moteur physique très poussé et l’éclairage bien rendu et dynamique de surcroît. Ça n’est pas utilisé dans le jeu comme dans la suite des aventures de Gordon Freeman, c’est plus fait pour « simplement » impressionner avec un soin du détail tout particulier comme toutes ces feuilles qui virevoltent dans les airs après un coup de feu sur un bureau, mais ça a aussi ses petits impacts ludiques appréciables.


Il y a tout de même quelques imperfections, comme les sous-titres exagérément petits curieusement, même en 1080p, j’ai dû passer par un mod pour que la taille du sous-titrage soit adaptée pour les hautes résolutions. Mais le seul vrai soucis technique c’est l’écran noir assez long et brutal aux points de sauvegarde qui constituait presque un jumpscare à lui seul au début de ma partie, une transition plus fluide aurait été vachement plus agréable, ne serait-ce qu’avec un effet faisait apparaître le noir plus progressivement par exemple, comme lorsque l’on arrive à un nouveau chapitre.


Pour information, une incompatibilité avec mon matériel Logitech faisait une misère de mes FPS tout simplement catastrophiques et qui m’ont fait énormément peur, à tort, sur la stabilité du titre, voici la solution simple et rapide pour résoudre le problème si jamais ça peut en aider certain(e)s d’entre vous. Sinon, techniquement c’est tout à fait solide pour son époque, le bilan serait peut-être un peu plus mitigé pour son esthétisme en revanche avec des décors très ternes (hangars, bureaux, complexes souterrains...) dans lesquels on reste assez longtemps, peut-être un peu trop.


Le seul environnement que j’ai trouvé réellement plaisant visuellement se situe vers la fin du jeu et ses qualités se trouvent essentiellement dans l’utilisation de l’éclairage dont j’ai vanté les qualités plus tôt. Pour l’aspect sonore, si doublages anglais et bruitages s’en sortent assez bien, les musiques, composées par Nathan Grigg collaborateur régulier du studio, ne m’ont convaincu qu’en début et en fin de partie avec le thème d’intro, que je vous ai proposé en début de critique, et quelques musiques de combats ou pour appuyer l’accomplissement d’un objectif, rien d’extraordinaire musicalement dans l’ensemble malgré quelques fulgurances.


La mise en scène est également très soignée lors de ces passages, notamment pour l’intro réalisée avec le moteur du jeu, mais autrement quand il s’agit de faire peur, on a droit à de bons gros clichés avec lumière qui clignote, bruit strident d’un coup, apparitions surnaturelles scriptées, flou et distorsion exagérés... Les scripts marchent assez bien quand ils sont de vrais phases de jeu où l’on peut mourir où en tout cas se prendre des dégâts. Malheureusement, le syndrome que j’appellerai train fantôme, c’est-à-dire qu’on est sur une ligne droite avec plein de trucs flippants mais on sent bien qu’on risque absolument rien, est assez récurrent et c’est bien dommage même si ça reste tout à fait correct, qualificatif qui irait très bien aussi au scénario et à la narration du titre.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆



Si l’introduction est assez claire sur qui sont nos ennemis et qu’est-ce qu’on fait là, les choses vont se compliquer très vite avec une narration morcelée dont les parties seront à rassembler pour comprendre l’essentiel de la trame tournant autour de sa superbe antagoniste : Alma. Son histoire et son charisme portent toute l’intrigue et de façon particulièrement efficace. Elle semble tellement puissante à chacune de ses apparitions, elle induit tant de questions sur ce qu’elle est et ses motivations, elle a cette apparence enfantine qui contraste très bien avec l’horreur extrême qui l’entoure...


S’il faut attendre la fin pour que les révélations soient faites, alors que pendant tout le reste du jeu le récit semble avancer à pas de fourmi, celles-ci sont assez efficaces et offrent un petit degré de relecture sympathique à un éventuel deuxième run (davantage motivé par la soif de challenge il faut bien le dire). Les twists ne sont pas fous d’originalité mais apportent quand même leur petit plus au scénario qui n’en oubliera pas également quelques personnages attachants dont la disparition fera un petit quelque-chose, sans être à l’origine d’une émotion incroyablement forte non plus mais tout de même.


Le jeu fait l’effort également de justifier scénaristiquement certaines de ses mécaniques de jeu comme notre possibilité de déclencher un bullet-time de par nos réflexes exceptionnels qui eux-mêmes ne viennent pas de nul part, de déshumaniser nos ennemis en précisant dès l’intro que ce ne sont que des clones ne pouvant qu’obéir aux ordres d’un commandant devenu fou meurtrier... mais il peine parfois à justifier qu’on se retrouve seul alors que les copains pourraient nous aider par exemple. A ce sujet, j’aurais préféré d’ailleurs que l’on soit un plus seul dans cette galère pour des raisons immersives, donc ce n’est pas non plus parfait à ce niveau-là même si l’effort est louable.


Les quelques moments d’humour, car oui il y en a de façon assez surprenante, sont dans le même état d’esprit. Je me suis par exemple bien amusé avec l’ascenseur qui n’arrête pas de s’arrêter à un étage pour une fusillade sur fonds musicale relaxant, mais les blagues sur les gros geeks qui galèrent à se faufiler dans un conduit d’aération ça c’est un peu lourd (comme mon jeu de mot). Mais ça c’est vraiment anecdotique, les moments forts de l’intrigue sont des moments mélancoliques ou psychédéliques qui s’avèrent suffisamment efficaces pour que ça passe plutôt bien.


Entre sa narration morcelée originale, son scénario horrifique émouvant et ses quelques retournements de situation, on pourrait se dire que le jeu assure vraiment sur ce plan-là, mais il y a la fin. Elle n’est absolument pas ratée, bien au contraire, mais elle est un petit peu trop inachevée à mon goût, invitant un peu maladroitement à poursuivre avec l’extension suivante afin d’avoir le fin mot sur cette histoire qui se conclut par un climax final des plus nanards, c’est un peu dommage de se finir là-dessus alors que c’était largement évitable, mais ça n’empêchera pas ma conclusion d’être bien élogieuse.



CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆



Craig Hubbard lance en ce milieu des années 2000 une nouvelle licence des plus prometteuses dans le milieu des FPS avec ce premier F.E.A.R alors que Half-Life 2 était déjà passé par là, grâce notamment à un maniement, un level-design et une IA en parfaite harmonie sans compter une ambiance horrifique appréciable pour les amateurs du genre, une réalisation avec quelques grandes qualités, un scénario assez bien travaillé et narré de façon originale... Reste à savoir si ses suites et ses extensions sont à la hauteur de leur aîné, à commencer par Extraction Point.

damon8671
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs FPS, Les jeux vidéo avec les meilleurs méchants, Les meilleurs FPS solo, Les meilleurs jeux vidéo de 2005 et Les meilleurs jeux d'horreur

Créée

le 28 août 2013

Critique lue 375 fois

5 j'aime

5 commentaires

damon8671

Écrit par

Critique lue 375 fois

5
5

D'autres avis sur F.E.A.R.

F.E.A.R.
facaw
4

F.E.A.R. W.H.A.T.?

Souvent considéré comme le meilleur volet de la saga à cause de son ambiance glauque, son atmosphère opressante et une Alma plus effrayante que les précédents volets. Pour ce dernier point, même si...

le 13 juil. 2012

10 j'aime

2

F.E.A.R.
Kalès
8

Back then, it was real F.E.A.R.

2006 : j'ai quinze ans, mon frère douze, et je me retrouve à acheter F.E.A.R. un peu sous le manteau, avec l'impression d'être un rebelle de la street. Comprenez moi bien : à l'époque, je jouais...

le 23 juil. 2012

9 j'aime

F.E.A.R.
ClmentVayetFatt
9

Un jeu d'ambiance qui n'a pas oublié qu'il était un FPS

Je suis un gros fan des jeux horrifiques, mais bizarrement je suis assez peu sensible à la flippe. J'aime cependant la tension qui se crée par une ambiance angoissante réussi. F.E.A.R. est le parfait...

le 9 avr. 2014

8 j'aime

3

Du même critique

Mass Effect
damon8671
8

Un début certes imparfait mais à l'univers incroyablement prometteur

Après le formidable succès de KOTOR dont il fut game-director, Casey Hudson veut repartir dans l’espace et répéter les grandes qualités des meilleures productions Bioware déjà existantes mais en...

le 24 août 2013

35 j'aime

11

The Thing
damon8671
9

Matters of trust

Premier film de la trilogie de l’Apocalypse de John Carpenter, série de films d’horreur dans lesquels un mal absolu semble rapprocher l’humanité d’un apocalypse inéluctable, The Thing est l’un des...

le 28 oct. 2023

25 j'aime

3

Super Mario Sunshine
damon8671
8

Ambiance prononcée, gameplay riche et original & réalisation bien vieillissante

J'ai joué à tous les Mario 3D (parce que je les distingue véritablement des Mario 2D) et Super Mario Sunshine est mon préféré parmi ceux-ci, ce qui n'est quand même pas rien vu l'excellence de la...

le 22 oct. 2013

23 j'aime

7