Cinq longues années se sont écoulé à partir de God of War Ascension, illustrant alors un début d’essoufflement de la formule aux yeux des critiques comme du public, pendant lesquelles Santa Monica Studios a travaillé sans relâche et exclusivement à un reboot pour sa saga God of War, licence très forte de Sony depuis la Playstation 2, afin d’offrir à la Playstation 4 l’une des plus ambitieuses exclusivités à l’approche de sa fin de vie. C’est Cory Barlog, game-director sur God of War 2, qui s’en charge, pour mon plus grand plaisir vu que c’est mon épisode préféré. Je vous propose de découvrir ce que je pense de la version finale en écoutant le thème principal du jeu.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★★



Le jeu a été unanimement salué pour sa réalisation et non sans raison puisqu’il affiche une qualité visuelle supérieure à tout ce qui s’est fait sur son support, sans compromis de stabilité, sans temps de chargement imposé par la progression, sans recourir à de l’image de synthèse… En effet, le jeu réalise l’exploit d’être un plan séquence du début à la fin dont le talent de mise en scène bien connu des développeurs n’a rien perdu de sa superbe, pour ne pas dire de son excellence, alors que tout a dû être repensé à cause du changement de caméra sur lequel nous reviendrons plus tard.


On peut prendre l’exemple du premier combat contre celui qui sera d’abord nommé « l’étranger » où la caméra suit les projections de Kratos dans les airs pour nous faire ressentir son impuissance lors de ces phases, se replace en position de combat très naturellement, se met à trembler lors des moments de rage du spartiate, suit avec vitesse les charges pour s’arrêter brutalement au moment de l’impact… tout est fait et maîtrisé pour assurer un grand spectacle dans le ton de ce qui se faisait avant, mais tout en profitant pleinement de l’expérience du studio et de l’avancée de la technologie en la matière.


L’animation très décomposée des mouvements ennemis et de ceux de Kratos, que l’on admire de près via la caméra, est tout simplement d’un niveau irréprochable, tout comme l’animation faciale très expressive. Les effets de ralentis après des mouvements complexes réussis, les différents bruitages et effets visuels récompensant ou sanctionnant nos actions, les objets de l’environnement susceptibles d’être détruits… constituent autant d’outils déployés par God of War pour (re)devenir une référence d’abord dans les feed-backs fournissant une sensation de puissance à nos contrôles tout simplement parmi ce qui se fait de mieux à son époque.


La direction artistique a déjà pour elle l’inspiration dans une toute nouvelle mythologie dans la saga, sûrement ce qui pouvait lui arriver de mieux. Des environnements cultes sont retranscrits avec une maestria époustouflante tels que Yggdrasil et ses splendides particules de lumière, la forêt aux couleurs vives et enchanteresses… et tous ces environnement sont susceptibles de connaître différentes variations visuelles selon l’avancée de l’intrigue en toute cohérence, absolument rien à redire. Il en va de même pour le chara-design très détaillé et parfaitement dans le ton de cet univers nordique.


L’OST de Bear McCreary, dont j’ai déjà pu adorer le travail au cinéma et à la télévision, notamment pour la série TV Battlestar Galactica, m’a parfaitement convaincu. Il a su insuffler une dimension inédite dans la saga, très pertinente puisque l’univers y est différent, les orchestrations puissantes aux portions chantées superbement s’inscrivent parmi ce que je peux préférer à titre personnel. On retrouve aussi des mélodies emblématiques de la saga aux moments opportuns et les nouvelles mélodies les plus importantes font parfaitement le travail de caractérisation de personnages, de lieux… à l’image des 3 lourdes notes introduisant Kratos dès sa première apparition du premier trailer et ne cessant de revenir ici et là pour marquer sa présence.


Si le départ de T.C Carson, doubleur attitré du personnage du Kratos sur toute la saga, pouvait inquiéter, Christopher Judge a délivré une excellente prestation pour la VO, lui qui était principalement connu pour son rôle de Teal'c dans la série TV Stargate SG-1 mais sans grande expérience dans le milieu du jeu vidéo. Sunny Suljic est peut-être encore plus impressionnant du haut de ses 13 ans, à la sortie du titre, pour doubler avec authenticité Atreus, qui doit pourtant passer par tout un spectre d’émotions au cours de l’intrigue. La VF est tout à fait honorable et le libre choix est laissé au joueur, parfait. Parfait, c’est bien le mot que je choisirai pour qualifier cette réalisation et cet esthétisme hors du commun, voyons s’il en est de même pour le gameplay.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★★☆



Le système de combat inédit dans la saga, caméra à l’épaule, m’avait paru tellement différent des habitudes du studio qu’il m’avait tout de suite captivé pour catapulter le jeu parmi mes plus grandes sensations de l’E3 2016. Plusieurs configurations de commandes sont proposées pour que chacun puisse y trouver son compte. Différents styles de jeu très différents et complémentaires se débloquent au fur et à mesure pour empêcher la monotonie de survenir. Les QTE sont beaucoup plus mis en retrait et facilités que par le passé, merci, je n’en pouvais plus des mises à mort foirées parce que le jeu considérait que je n’avais pas assez massacré ma manette.


Une certaine richesse dans les mécaniques à débloquer se fait sentir à bien des égards, notamment par le nombre hallucinants de coups spéciaux très différents les uns des autres qu’il faut aussi bien débloquer qu’améliorer. Les ordres à donner à Atreus en support permettent de garder le gameplay équilibré tout en l’enrichissant là encore de possibilités supplémentaires. L’argent et l’xp à glaner offre un aspect addictif à cette progression bien appréciable pour apporter la petite cerise sur le gâteau. C’est un système de combat innovant, dynamique, riche et équilibré, excellent !


Un autre bouleversement pour ce reboot est une remise en cause de la linéarité prononcée de la saga, une fois passé son prologue, le jeu offre un monde à explorer avec une certaine liberté incluant une multitude de défis annexes. La durée de vie en est généreuse, 2 à 3 fois plus longue que les plus longs épisodes précédents, avec beaucoup de challenges facultatifs très développés, comprenant même des boss parmi les plus intéressants à affronter de tout le jeu. Le level-design peut être d’une efficacité exemplaire avec des récompenses que l’on aperçoit subtilement dans la progression principale et d’habiles jeux de lumières, placements d’ennemis… orientent le chemin à suivre très intelligemment.


Il est tout de même à noter que le jeu comprend assez peu de boss, surtout par rapport à l’imposant héritage de la saga, et il y a beaucoup de répétitions au niveau des ennemis communs resservis dans différentes versions. Mais comme le système de combat est génial et n’a pas le besoin d’aller plus loin que son modèle passé, puisqu’il est inédit, ça ne pose pas de vrai problème à mon sens, d’autant que les variations sont souvent en adéquation avec l’évolution du système de jeu et la cohérence de la courbe de difficulté. Je serais sans doute plus exigeant sur une éventuelle suite avec ce même système de jeu, mais là je pense que ça serait beaucoup en demander que d’en tenir réellement rigueur.


Les phases de plates-formes sont très contextualisées avec des murs invisibles dans tous les sens, c’est peu dommageable en soi, c’est juste assez peu élaboré en comparaison du reste. Est-ce que c’était là que j’attendais le titre ? Non. Est-ce que c’est réellement mal fait ? Non plus. Quelques légers soucis de caméra demeurent également dans les affrontements où on est encerclé avec des ennemis au corps-à-corps et à distance, c’est compliqué de jouer sans faire de gros dégâts de zone avec les attaques les plus puissantes pour en finir au plus vite ou en s’acculant nous-même dans un coin, mais ça reste très jouable avec l’indicateur activé, le quick-turn maîtrisé, les indices sonores identifiés...


La carte manque un peu de lisibilité et les menus sont un peu trop chargés en détails et en onglets si on veut aller jusqu’au bout des reproches, mais là c’est clairement très secondaire, comme quasiment tous les reproches que j’ai formulé en fait. Dans l’ensemble, le gameplay est une très grande réussite dans un contenu des plus généreux. Abordons désormais la question avec laquelle j’ai toujours eu du mal avec la saga : le scénario, pour lequel j’avais certaines espérances de par les allures de reboot à bien des égards du titre.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆



Se vendant comme une suite suffisamment éloignée des épisodes précédents pour être accessible aux néophytes et suffisamment référencée pour gagner a minima en intérêt pour qui est familier des premières aventures principales de Kratos, God of War remplit parfaitement ce contrat. Il est à noter que les scénaristes de Lost Planet 3, dont l’écriture était la seule qualité réellement saluée par les critiques pour le titre, viennent apporter un renfort à Cory Barlog à l’écriture, ce qui présageait aussi du bon, tout indiquait que j’allais enfin pouvoir apprécier cette partie-là du jeu.


J’apprécie le parti pris principal de l’intrigue, Kratos vieillissant, toujours bourru de nature mais aussi bourré de regrets, étant passé de la furie permanente à une allure désabusée, se retrouvant à élever seul un enfant qu’il va devoir endurcir sans en faire le monstre qu’il fut lui-même. L’aspect intimiste de la relation entre Kratos et son fils apporte quelque chose de frais à la narration dans la saga et on sent la sincérité de la démarche d’aborder la thématique parentale par ses auteurs. Petit bonus, l’utilité d’Atreus en combat, à travers ses attaques et son comportement, et son évolution sont assez souvent en adéquation avec l’évolution de sa personnalité, c’est un effort narratif assez appréciable.


Malheureusement, cette écriture s’accompagnera de beaucoup de clichés et surtout d’une fin en queue de poisson qui m’a été très désagréable, voilà par exemple une fin que j’aurais adoré sur cette même thématique centrale :


Imaginez Kratos se retrouve mourant pour sauver Atreus in extremis, de Baldur ou d’une menace de grande ampleur peu importe, et lui révèle dans son dernier soupire, dans un premier temps son passé (pic émotionnel mais prévisible), qu’il a sincèrement aimé sa mère mais qu’Atreus est en fait le fils d’Odin (pic émotionnel cette fois imprévisible à un moment où le scénario semble déjà fini), que son vrai nom est Loki et qu’il espère lui avoir inculqué comment devenir meilleur que lui (une expression qui laisse place à beaucoup d’interprétation et qui ferait sens vu les dialogues passés).


On finirait alors sur un plan sur Atreus dont on se dit que vu son vécu, son avenir est incertain mais qu’il sera déterminant dans cet univers. Là j’aurais adoré, pour le choix des développeurs, je le trouve trop simpliste et pas assez puissant émotionnellement. La révélation sur son passé tombe un peu à plat, son identité en tant que Loki n’a aucune conséquence tangible pour le moment, seuls des antagonistes assez grotesques ont perdu la vie, beaucoup de questions restent san réponse de façon grossière...


Un autre problème c’est que beaucoup de quêtes annexes ou non scénarisées nuisent au rythme de l’intrigue principale qui est très souvent mise en pause de façon littérale sans que rien, ou très peu, ne nous y rattache pendant des heures. Concrètement, j’ai souvent repris la quête principale en étant obligé d’aller dans les menus pour me rappeler où j’en étais et pourquoi j’avais tel objectif principal d’indiqué, objectif principal pourtant succession d’obstacles à contourner pour une même quête tout du long.


La réinterprétation de la mythologie nordique se fait assez dans le même ton que les anciens épisodes pour la mythologie grecque, mais beaucoup de personnages cultes de cet univers sont manquants, officiellement pour ne pas nuire à l’intrigue principale intimiste qui devait pleinement se concentrer sur ses protagonistes, officieusement pour s’en garder sous le pied pour les suites comme la fin cachée du jeu l’avoue explicitement. Des efforts sont faits pour enrichir l’univers par des contes à des moments où l’exploration calme se présente, un exercice assez pertinent mais je trouve que beaucoup de ces éléments de background ne reviennent pas par la suite.


C’est un peu comme si c’était fait pour remplir un peu artificiellement l’univers plutôt que d’expliquer des éléments importants dont il sera question par la suite de l’aventure. Par contre, un choix qui rend plus authentique cet univers sans s’accompagner de soucis, c’est l’usage d’un langage aux sonorités proches de l’époque pour certaines répliques et chants, ça c’est sympa. Si quelques personnages secondaires sont attachants, comme Mimir ou Freya, d’autres irritants sur la durée, comme Sindri et Brock, illustrent une qualité d’écriture globale assez mitigée. Par ailleurs, le concept de plan-séquence permettrait une immersion supplémentaire vu que le scénario respecte cette temporalité, tous les événements du jeu se passant sur une journée, mais le jeu étant si long que ça ne marche pas tant que ça, et même en ne faisant que l’histoire c’est compliqué, et peut-être même inapproprié, de finir le jeu en un seul run.



CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆



Le renouveau de la saga God of War est réel avec cet opus, nouvelle direction artistique, nouveau système de combat, nouveau world design, nouvelle mise en scène… et tout lui réussi magnifiquement bien en dehors de son scénario et de sa narration, qui s’ils ont changé également, restent perfectibles à mon goût, mais c’est bien le seul vrai reproche que je peux lui faire. C’est un plaisir immense que de suivre cette nouvelle aventure spectaculaire de Kratos aux mécaniques de jeu innovantes et réussies et je comprends très bien son immense succès commercial, devenant le premier jeu de la franchise à dépasser les 10 millions de ventes.

damon8671
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le 23 oct. 2019

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